En Tchéquie, en raison des changements climatiques, l’avenir appartient au vin rouge
Bien que le vin blanc jouisse d’une popularité croissante en Tchéquie, les effets du changement climatique sur les régions viticoles du pays favoriseront la culture des cépages utilisés pour produire du vin rouge. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude menée par des chercheurs tchèques et publiée dans la revue Heliyon.
Qui dit vin en Tchéquie, et peu importe que celui-ci soit produit en Moravie ou en Bohême, dit généralement vin blanc. En raison de son climat continental, avec des variations de températures plus ou moins similaires à celles que l’on trouve dans les vignobles en Alsace, en Bourgogne ou même dans la vallée de la Loire, les vins proposés par les viticulteurs tchèques sont généralement des vins légers à moyennement corsés avec des niveaux d’acidité relativement élevés. Et les médailles régulièrement remportées dans les grands concours internationaux confirment que les vins blancs produits en Tchéquie sont de qualité.
Mais comme pour d’autres cultures et d’autres régions du monde, la situation pourrait évoluer à l’avenir en raison des changements climatiques. Ainsi, au cours des soixante dernières années, la température moyenne en Moravie, qui est la principale région viticole en Tchéquie, a déjà augmenté d’un degré et demi. Les experts prévoient que le réchauffement se poursuivra et qu’il sera particulièrement prononcé durant l’été, sous la forme de vagues de chaleur plus longues et sans précipitations. Et la viticulture en sera inévitablement impactée.
C’est ce que confirme par exemple le viticulteur Gregorios Ilias, propriétaire d’un vignoble dans la Pálava, une région de Moravie du Sud réputée pour la culture de son cépage très aromatique éponyme (issu du croisement du gewurztraminer et du müller-thurgau B) et plus généralement du vin blanc :
« Ces dernières années, la température a augmenté et la viticulture morave a profité de l’évolution de ces conditions, surtout pour les vins rouges. Pour les vins blancs, qui sont plus acides, cela s’est toujours bien passé, car les raisins cultivés dans des climats plus frais contiennent généralement une acidité plus élevée. Mais avec l’augmentation des températures, nous avons désormais plus de soleil et la qualité des vins rouges s’améliore. Nous nous rapprochons même des bons vins rouges italiens ou français. »
Gregorios Ilias tord toutefois le cou à l’idée selon laquelle la Tchéquie serait presque exclusivement un pays de vins blancs :
« Les vignerons ont toujours prétendu que la Pálava était une région de vins blancs et que le rouge n’y avait pas sa place. Mais historiquement, cela n’est pas vrai. Il suffit de jeter un œil dans la chronique de l’église de notre commune, qui date de 200 ans, pour se rendre compte qu’autrefois l’on exportait du vin rouge à la cour impériale de Vienne et à la cour royale en France, ce qui veut bien dire qu’il devait être de très bonne qualité. Personnllement, je fais du merlot et du pinot noir et je pense que les vins qui en résultent sont excellents. »
Du pinot noir, cépage que l’empreur Charles IV fit importer de Bourgogne en Bohême au XIVe siècle et qui compte aujourd’hui parmi les deux à trois cépages les plus populaires en Tchéquie pour les vins rouges, on en trouve également à Prague, comme le confirme Vladimíra Ebertová, responsable des vignes de sainte Claire dans le Jardin botanique de la ville, qui se félicite cette année encore du degré de maturité et de la teneur en sucre du raisin.
Jusqu’à présent, les viticulteurs sont satisfaits de l’évolution de la situation provoquée par les changements climatiques, en particulier donc ceux qui produisent du vin rouge. Les nouvelles conditions sont favorables à la culture de ses cépages.
Les chiffres le prouvent : il y a vingt ans, le cépage frankovka (Blaufränkisch) de la région de Modré Hory, autour de Velké Pavlovice en Moravie du Sud, atteignait rarement 20° de sucre, alors qu’aujourd'hui, il dépasse couramment les 22°. Malgré quelques fluctuations, la quantité produite a aussi augmenté ces dernières années. Ainsi, selon les prévisions, de 500 à 600 000 hectolitres de vin seront produits cette année, et les prévisions des chercheurs laissent présager encore une légère croissance.
Selon l’étude, fruit d’une coopération entre viticulteurs et économistes de l’Institut de recherche sur le changement global de l’Académie des sciences de République tchèque (CzechGlobe), les viticulteurs sont conscients de ces changements, travaillent en conséquence et se préparent à en affronter d’autres. Ils utilisent déjà pratiquement toutes les méthodes disponibles pour protéger les cépages traditionnels en Moravie du Sud, mais cela ne fonctionnera que si les changements climatiques ne produisent que peu d’effets. Le meilleur moyen de réduire les pertes de production est de planter des cépages résistants à la sécheresse et aux températures élevées. Mais il s’agit généralement de cépages cultivés pour la production de vin rouge tels que le cinsaut ou le carignan, connus dans des régions plus méridionales d’Europe. Et comme les changements climatiques ne ralentissent pas, ce sont probablement ces cépages qui seront choisis à l’avenir en Tchéquie aussi.
L’offre modifiera également le comportement des consommateurs : selon les statistiques, près de 80 % des consommateurs de vin en Tchéquie préfèrent le blanc. En outre, ces mêmes consommateurs tchèques sont très patriotes, et bien qu’environ 60 % du vin consommé en Tchéquie provienne de l’étranger, la grande majorité du vin produit en Tchéquie est écoulée sur le marché national, en dépit de son prix plus élevé.
La solution pourrait être la plantation de nouvelles vignes, notamment dans des régions du pays où le vin blanc se développerait mieux. Ce n’est qu’ainsi qu'il sera possible, selon les prévisions à long terme, de continuer à produire du vin blanc de qualité en quantité suffisante. La surface viticole en Tchéquie augmente régulièrement ces dernières années, mais toujours de moins de 1 %, ce qui est actuellement le plafond fixé par la réglementation européenne.