Redonner des moyens au cinéma tchèque - tel était, pendant des années, l'objectif d'une poignée de professionnels locaux. Leur initiative a abouti : cette semaine, la Chambre des députés a adopté un amendement à la loi sur le Fonds de soutien au cinéma qui devrait multiplier considérablement les aides publiques accordées à la production.
Jusqu'à présent, le Fonds de soutien au cinéma, alimenté d'une couronne symbolique reversée sur chaque billet vendu, disposait de près de 2 millions d'euros par an. A noter que la production d'un seul film tchèque revient à la moitié cette somme, mais que les cinéastes locaux parviennent, miraculeusement, à réaliser une vingtaine de films par an. Avec le nouveau système, ils se verraient distribuer environ cinq fois plus d'argent. Le principe est le suivant : outre les subventions plus importantes du ministère de la Culture, les exploitants des salles de cinéma reverseront au Fonds 2% de leurs recettes. 3% seront prélevés sur la publicité à la télévision, ainsi que sur la location de vidéos et de DVD. Les représentants des chaînes de télévision voient rouge. La porte-parole de TV Prima parle « d'une mesure injuste », « d'une perte d'une partie du marché de la publicité » et « d'une répartition socialiste de l'argent. » Les exploitants de salles, souffrant d'ores et déjà d'une faible fréquentation, prévoient une augmentation des prix du billet. Le sujet préoccupe aussi bien les propriétaires des muliplexes que leurs plus petits concurrents, comme le confirme Ivo Andrle, exploitant de deux cinémas pragois d'art et essai :
« La loi en tant que telle et la manière dont elle sera appliquée, ce sont deux choses distinctes. On verra si ces mesures se montrent vraiment efficaces et si l'argent va vraiment là où il manque le plus. Personnellement, je ne suis pas partisan de la redistribution importante de l'argent de l'Etat, donc je ne m'en réjouis pas vraiment. En plus, si aujourd'hui, nous ne gagnons qu'un euro sur chaque billet vendu, nos recettes seront encore inférieures. Mais ce qui me gêne surtout, c'est l'absence d'une stratégie globale de l'Etat en matière de cinéma. Le ministère de la Culture se concentre sur une seule loi et une seule problématique, aussi importante soit-elle, et c'est la production des films. »
En revanche, la modification du système de financement du cinéma a été saluée par de nombreux cinéastes, distributeurs et producteurs. « Il nous faut une telle loi pour qu'un jour, on ne soit pas avalé par un hamburger bien gros et bien gras qui détruirait tout ce que nous avons créé, en matière de cinéma, au cours des cent dernières années », estime Petr Vachler, directeur de l'Académie tchèque du cinéma et de la télévision. L'amendement à la loi sur le Fonds de soutien au cinéma sera encore discutée au Sénat.