One World : les tribunaux traditionnels au Rwanda pour juger les acteurs du génocide

'Mon voisin, mon tueur'

Le festival du film sur les droits de l’homme, One World, s’achève ce jeudi, mais d’ici là les projections continuent. Parmi les films projetés lors de cette douzième édition : ‘Mon voisin, mon tueur’, d’Anne Aghion. Pendant dix ans, la réalisatrice franco-américaine, a enquêté au Rwanda sur les conséquences du génocide de 1994 et sur le lent et difficile processus de cohabitation entre les victimes et les bourreaux d’hier. Ce processus s’articule autour des tribunaux appelés Gacaca (prononcer Gatchatcha). Rencontre avec Anne Aghion qui explique comment elle en est venue à s’intéresser à la question de cette justice particulière.

Anne Aghion
« Ça s’est fait un peu tout seul. Il y a presque onze ans de cela maintenant, j’ai rencontré aux Etats-Unis des représentants de la justice rwandaise. Le tout premier soir, ils m’ont raconté ce qu’ils allaient faire avec les Gacaca, qui en étaient encore au stade d’idée. Je me suis dit : ‘c’est un film’. Et me voilà, dix ans plus tard. »

Avec quatre films en tout...

« Avec quatre films, oui. Je ne pensais pas que ça prendrait tout ce temps. Cette histoire m’a attrapée autant que je l’ai attrapée. »

Ces tribunaux spéciaux que vous évoquez dans vos films, ce sont les « gacaca ». Pouvez-vous nous rappeler de quoi il s’agit et ce que signifie le mot « gacaca » ?

« En fait ‘acaca’ veut dire ‘herbe’. Donc les ‘gacaca’, ça veut dire ‘la justice sur l’herbe’. C’est la traduction du mot. Maintenant, qu’est-ce que ça veut dire ? En fait, les Rwandais ont mis en place un système qu’ils ont basé sur un système traditionnel de résolution de conflit. Mais les anthropologues juridiques vous diront que, quand on prend un système traditionnel et qu’on en fait une loi, ce n’est plus un système traditionnel.

'Gacaca'
Ils ont donc décidé de mettre en place une loi qu’ils ont appelée ‘gacaca’, une loi très compliquée qui a beaucoup évolué au fil de années et qui prévoit que les gens accusés de génocide au Rwanda, s’ils avouent leur crime et que leurs aveux sont acceptés, bénéficient d’une remise de peine susbtantielle. Et qu’ils puissent même purger une partie de leur sentence grâce à des travaux d’intérêt général. »

Donc ça veut dire que leurs aveux soient acceptés par les victimes et par les juges ?

'Mon voisin,  mon tueur'
« Oui, c’est ça. Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut se rappeler qu’il y a eu plus de 800 000 morts au Rwanda, sur un pays de 8 à 9 millions d’habitants aujourd’hui. Il y a environ 1 million de personnes qui ont été jugées par les Gacaca en cinq ans. Le génocide ne s’est pas déroulé de façon uniforme dans le pays et les gacaca ne se déroulent pas non plus de façon uniforme. Les juges sont des gens comme vous et moi, certains n’ont pas plus d’une éducation primaire, certains ont été formés extrêmement rapidement pour juger leurs concitoyens. Donc, tout cela est très inégal. »

Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec la réalisatrice Anne Aghion, dans Culture sans frontières.