Panorama

La moyenne d'âge des Tchèques est assez élevée, mais les Tchèques, d'un autre côté, ne vivent pas très vieux. Cela ne veut pas dire qu'on ne trouve pas, en Tchéquie, des centenaires. C'est le sujet que j'ai choisi pour notre chronique qui vous présente la vie de chaque jour d'un petit pays, au coeur de l'Europe.

On pourrait penser que pour vivre cent ans, il est indispensable de faire attention à ce que l'on mange, de ne pas boire, de ne pas fumer etc. Et bien non ! Du lard fumé, de grosses tartines de pain enrobées d'une épaisse couche de saindoux, un verre d'eau de vie par-ci, par-là, une cigarette même - ce sont ces crimes contre une nutrition saine qu'avouent les Pragois qui ont passé la centaine ! Ils ajoutent encore, qu'ils ne mangent pas de fruits et légumes et ne pratiquent pas le sport... Cela ne serait donc pas sorcier : pour vivre cent ans et plus, il faut enterrer la nutrition saine et manger du lard, du gras, fumer et aimer la bouteille, comme le fait Josefa Skacelova, 101 printemps, ou Anna Sekerkova, 102 !

Peut-être... mais il ne faut pas exagérer. Les spécialistes en longévité ne disent pas non à une nutrition qui ne répondrait pas tellement à la sobriété. Rudolf Poledne, de l'Institut de la médecine clinique et expérimentale affirme : « Pour qu'une personne vive cent ans et plus, le principal réside dans ses dispositions génétiques. D'un autre côté, je ne connais aucun centenaire qui serait gros ou aurait un poids trop élevé ». Le professeur Jan Motlik, de l'Institut de la physiologie animale et de la génétique, est du même avis : « Il est vrai que certaines personnes peuvent consommer des viandes grasses et que leur organisme le supporte sans problème ». Rudolf Poledne met, pourtant, un frein à un optimisme trop élevé : « Seulement 5 % de la population tchèque possèdent les gênes de longévité ».

On dit, très souvent, que les viandes grasses, les produits d'origine animale ne sont pas des plus recommandés dans l'alimentation de l'être humain. Le professeur Motlik n'est pas contre, mais il ajoute aussi : « Si votre taux de cholestérol n'est pas élevé, vous pouvez tranquillement consommer des graisses animales, mais il faut penser à l'équilibre entre la consommation d'énergie et sa dépense. Il est vrai que nos ancêtres mangeaient beaucoup de lard fumé, mais ils trimaient dur aussi ».

Quel est donc l'élixir de longue vie des Pragois qui ont dépassé la centaine ' Josefa Skacelova a fêté ses 101 printemps, cette année. Elle affirme qu'elle a toujours vécu d'une manière sobre. Depuis son enfance, elle était habituée à travailler dur et à manger peu. Sa bru d'affirmer : « Grand-mère mange tranquillement de la poitrine fumée ou autre charcuterie. Elle mange de tout, mais en petite quantité. Il fut des temps où elle connut la misère. Le plus important, pour elle, était que les enfants mangent à leur faim, même si elle devait se serrer la ceinture ». Une vie pas facile, veuve assez tôt - elle n'avait pas encore la soixantaine - elle est restée simple, mais gaie. A 90 ans, elle vivait encore seule, faisait son ménage, sa cuisine, sa lessive. Depuis deux ans, elle vit chez son fils.

Je n'ai parlé que de femmes, mais qui est donc le Pragois le plus âgé ' C'est Alois Vocasek, âgé de 106 ans. On peut dire qu'il n'a pas eu la vie facile, ce fut plutôt une longue et dangereuse aventure ! Elle a même commencé d'une manière curieuse, certains diraient fatidique : il est né, en effet, un vendredi treize ! Mauvais présage ou non, né un jour qu'on dit maléfique, Monsieur Alois, légionnaire dans la Première Guerre mondiale, est toujours des plus alertes et vit avec son épouse, sa cadette de 29 ans, dans le quartier pragois, Podoli. Sa recette pour vivre cent ans ? La sobriété. Il dit en souriant : « Toute ma vie, j'ai vécu d'une manière sobre. Bien sûr, de temps en temps, je me suis réveillé, un lendemain matin d'une soirée mémorable, avec un mal de tête. Celui qui veut bien vivre sa vie doit respecter la Bible ».

Anna Sekerkova, une autre pragoise qui a dépassé le siècle d'âge, vit dans une maison de retraite de Prague 6. Le maire, qui était venu récemment lui souhaiter bon 102ème anniversaire, n'en croyait pas ses yeux : la bonne vieille dame l'avait reçu, avec un grand sourire... la cigarette aux lèvres ! Il lui avait fait des remontrances - le tabac nuit à la santé. Et la bonne dame lui avait rétorqué, toujours avec le même sourire malicieux : « Peut-être, mais je ne fume plus qu'une cigarette par semaine, alors qu'avant ».

Si l'on jette un coup d'oeil aux statistiques, les chiffres confirment le « on dit ». En effet, les femmes sont en majorité, parmi les habitants centenaires de Prague. Pourtant, le plus âgé, dont j'ai déjà parlé, est un homme. En l'an 2000 - une année tout aussi magique que les cent années de notre voisin, par exemple - il y avait 65 centenaires à Prague, 26 messieurs et 39 dames.

Mais des centenaires, il n'y en a pas qu'à Prague diriez-vous ! On parlait d'alimentation, au début. Que disent donc les centenaires des autres coins de la Tchéquie ? Amalie Dlabacova, de la région de Mlada Boleslav : Ce que j'aime le plus c'est les viandes grasses. J'aime la viande sans pain, sans pommes de terre. Le sport ? Pas question, du travail seulement et des promenades en forêt, la forêt guérit de tout. Petronila Sterbova, de la Moravie du sud, aime les gâteaux et les sucreries, elle boit du café chaque jour et ne refuse pas un verre de liqueur. Marie Povolna, de Moravie du sud, aussi : J'aime surtout le lapin au lard. Le sport pour moi, c'est grimper aux arbres. J'y grimpais encore récemment. Ajoutons que notre Morave a fêté ses 100 ans, en 2001 ! La recette de Marie Markova, de Moravie du nord ? Le travail ; elle a travaillé jusqu'à ses 90 ans. En l'an 2000, elle a fêté son siècle et déclare toujours aimer les tartines grillées, car elle possède toutes ses dents.

Ainsi donc la recette de la longévité serait le travail, la bonne humeur et une table selon l'appétit. Les spécialistes restent les pieds sur terre : la longue vie, c'est génétique ! Hé bien, qui vivra verra, comme l'on dit ! Mais vivre cent ans, en bonne santé et en possession de tous ses moyens, cela ne serait, quand même, pas si mal. Qu'en dites-vous ?