Quand Karel Gott écrivait au camarade Husák

Gustáv Husák et Karel Gott, photo: CTK

Il se passe rarement plus de quelques semaines dans ce pays sans que l’on parle de Karel Gott. Il y a quinze jours c’était à l’occasion de son 70e anniversaire ; cette semaine c’est parce qu’une de ses lettres vient d’être publiée. Pas n’importe quelle lettre : un courrier adressé en 1971 au secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque et envoyé depuis l’Allemagne de l’Ouest où le chanteur faisait un « séjour prolongé ».

La lettre de Karel Gott à Gustáv Husák,  photo: Aktualne.cz
« Ich bleibe in Deutschland ! » - Je reste en Allemagne ! : c’est le genre de titres d’articles parus notamment dans la Bild Zeitung de l’époque, qui annonçaient que le chanteur tchécoslovaque avait décidé de ne pas rentrer dans son pays en voie de « normalisation » après l’écrasement du Printemps de Prague en 1968. Partis en 1971, Karel Gott et ses amis musiciens les frères Štaidl ne sont pas rentrés à la date prévue et ont prolongé leur séjour en RFA.

Tentative d’émigration ? La réponse n’est pas claire. Mais cette semaine le serveur Aktualne.cz publie une lettre datée de juillet 1971 dans laquelle Karel Gott explique au camarade Gustáv Husák pourquoi il n’est pas encore rentré. Le chanteur a confirmé l’authenticité de cette lettre, dans laquelle on peut lire le passage suivant :

Karel Gott,  photo: CTK
« Malgré le fait que je me sois engagé en 1969 et 1970 avec mes collaborateurs dans les rangs de ceux qui souhaitaient sincèrement la normalisation de la vie culturelle et civique dans notre pays, et j’ai clairement exprimé cette position dans les faits, je me suis heurté au pays à des obstacles infranchissables à chaque pas. »

Interrogé par la télévision publique, Karel Gott a précisé qu’il avait d’abord été contacté par le secrétaire général du parti avant d’écrire cette lettre dans laquelle il indique vouloir « retourner devant son public » :

Gustáv Husák et Karel Gott,  photo: CTK
« Il nous a garanti que rien ne nous arriverait, qu’il n’y aurait pas de sanctions, et que tout serait réglé à Prague. Cette lettre a donc été précédée par cet appel de Gustáv Husák. »

... un appel transmis à Karel Gott par la mission économique tchécoslovaque à Francfort. Un appel que Milan Kundera, dans son roman Le livre du rire et de l’oubli, dit citer mot pour mot : « Cher Karel, nous ne sommes pas fâchés. Revenez s’il vous plaît, nous ferons tout ce que vous voudrez. Nous vous aiderons, vous nous aiderez ».

Et Kundera de souligner dans ce livre paru en 1981 que le régime a laissé partir sans sourciller des scientifiques, des peintres, des écrivains, des astronomes, etc., mais n’a pas supporté l’idée de perdre Karel Gott. « Parce que Karel Gott représentait la musique sans mémoire »écrit-il plus loin avant de conclure que le « Président de l’oubli » - Gustáv Husák – et « l’idiot de la musique » - Karel Gott – « travaillaient sur la même œuvre et ne pouvaient être l’un sans l’autre ». D’après le serveur Aktualne.cz, la police secrète tchécoslovaque disposait de moyens de pression sur Karel Gott, et notamment de la déposition de son psychiatre selon laquelle le chanteur souffrait d’une déviance sexuelle.