Sara Navarro danse l’Orient à Prague
Je vous propose de rencontrer une jeune femme, Sara Navarro, qui multiplie les activités artistiques à Prague : chanteuse et danseuse, elle donne aussi des cours de danse orientale dans la capitale tchèque et espère pouvoir un jour tourner un album avec ses compositions, en français et en espagnol. Elle multiplie les activités et ses centres d’intérêt. Portrait.
Bonjour Sara Navarro, sur votre site Internet vous vous présentez comme étant d’origine bretonne et espagnole…
« Je suis née en 1978 à Quimper, ma mère est bretonne et mon père est espagnol, d’Aragon. Je suis à Prague depuis trois ans. »
Et comment vous êtes-vous retrouvée à Prague ? Ce n’est pas très lié à l’Espagne et à la Bretagne au premier abord…
« J’ai vécu pendant un an en Italie et j’ai eu l’occasion de rencontrer une petite communauté de Tchèques qui m’ont fait découvrir Prague. Après, j’ai passé deux ans à Paris pour préparer un doctorat que je n’ai pas terminé. J’ai eu envie de partir et j’ai choisi Prague parce que je suis tombée amoureuse de la ville. »
Vous avez fait des études d’histoire de l’art en Bretagne…
« J’ai fait un DEA sur les arts contemporains, j’étais plutôt axée sur les arts visuels. A l’époque, je faisais déjà de la musique en même temps. J’ai fait une maîtrise sur le musicien Pierre Henry. Cette année, je suis contente, car j’ai commencé à donner des cours à la faculté de pédagogie, je donne des cours d’expression écrite axés sur les arts visuels aussi, en français. La faculté de pédagogie tchèque, c’est un peu comme l’IUFM en France, ce sont des enseignants qui se préparent à entamer leur carrière. Je leur apprends à faire un commentaire d’œuvre d’art. Je leur enseigne tous les grands mouvements artistiques du début du XXe siècle, avec tout un support de vocabulaire. »
Vous avez donc un parcours atypique avec ces études d’histoire de l’art, vous enseignez le français. Mais vous êtes aussi danseuse, vous donnez des cours de danse orientale. Vous avez déjà un peu commencé en France ?
« J’ai commencé à faire de la danse assez tard, pendant mes années de formation universitaire. A Rennes, il y avait une petite communauté d’Algériens et de Marocains, et c’est plus dans le cadre d’une association que j’ai commencé à faire de la danse orientale. C’est en arrivant à Paris que j’ai décidé d’en faire plus. J’y ai rencontré Naïma Ouarda, d’origine tunisienne, qui a monté plusieurs spectacles. Pendant deux ans, j’ai suivi tous ses cours, tous ses stages. Elle m’a transmis quelque chose de sa culture, de sa culture familiale aussi, car son grand-père était musicien traditionnel. Depuis que je suis à Prague, j’ai donné des cours : c’est un peu à part du ‘belly-dance’ traditionnel, le grand circuit assez commercial de la danse orientale. Je donne des leçons à mon studio personnel, c’est plutôt une initiation au mouvement, aux rythmes orientaux, je leur enseigne une technique beaucoup basée sur la respiration, ce qui rejoint mon parcours de chanteuse : travailler sur le souffle et sur l’expression. »
Qui sont vos élèves ? Des jeunes, des vieux ? Des Tchèques, des étrangers ? Vos élèves vous expliquent-ils ce qui les motive à apprendre la danse orientale ? Sont-ils surpris par votre méthode ?
« Quand j’ai commencé à Prague, je donnais des cours dans les ‘Dum deti a mladeze’, ce sont des sortes de maisons de la jeunesse, des MJC. J’avais des femmes d’une vingtaine d’années jusqu’à la cinquantaine. J’ai eu l’occasion d’avoir des jeunes filles de 12-15 ans. J’ai travaillé avec à peu près tous les âges, souvent avec des débutantes. Souvent elles ne connaissaient rien du tout de la danse orientale ou alors quelques images très ‘strass et paillettes’. J’essaye de leur transmettre une culture de base, qui reste occidentale, car je suis européenne et il reste un filtre. Je leur fais découvrir la grande chanteuse égyptienne Oum Kalthoum, ou encore Natacha Atlas qui fait une musique plus moderne, des chanteurs populaires en France comme Rachid Taha ou Khaled. Ici à Prague, je vois que cette danse est plutôt mise en vitrine et est plutôt proche du cabaret. Ca m’intéresse moins. C’est ce que je leur explique. »
En France, la danse orientale et africaine est plus connue grâce aux différentes communautés, en République tchèque un peu moins. Il y a quelques temps, j’ai rencontré la chorégraphe Nizoucha qui me disait qu’elle avait plus ou moins introduit la danse africaine en République tchèque il y a quelques années…
« C’est vrai que quand je suis arrivée ici et que j’ai eu envie de continuer ma formation, je n’ai pris aucun cours de danse orientale. Par contre, j’ai voulu m’initier aux danses modernes, contemporaines. Et j’ai été assez enthousiasmée par le dynamisme des femmes et de certains hommes qui font de la danse africaine à Prague : ils sont beaucoup plus au fait de ce qui se passe en Afrique. La danse africaine n’est pas arrivée il y a très longtemps ici. Nizoucha y a en effet participé. Et aussi Monika Rebcova, une chorégraphe tchèque qui enseigne la danse moderne et africaine. »
Vous êtes aussi chanteuse, vous avez plusieurs projets en cours. Quels sont-ils ?
« Il y a un duo de chansons françaises où j’invite un percussionniste de percussions orientales, Stepan Kabele. C’est un duo qui existe depuis l’été dernier. On a déjà fait quelques concerts. En tant qu’invitée aussi, je prépare un répertoire de chansons populaires avec le trio vocal Triny, mené par Iveta Kovacova, une chanteuse d’origine rom. »
Et je précise aussi qu’elle était speakerine sur la télé publique tchèque, tout en menant une double carrière artistique.
« C’est cela. Avec elle et les deux autres chanteuses, on essaye de faire se confronter musiques tziganes et musiques populaires françaises, les chansons enfantines, populaires, et éventuellement aussi des compositions à moi. On construit une musique purement vocale basée sur l’héritage et les folklores européens. »
Qu’est-ce que ça donne ce mélange de musiques traditionnelles et de textes français ?
« Ce qui est intéressant de voir, c’est qu’il y a des mélodies qui se recoupent. Beaucoup de comptines tchèques s’inspirent de mélodies françaises, par exemple Sur le pont d’Avignon. Il existe une traduction en tchèque. On n’a pas choisi celle-là, mais on essaye de confronter les rythmes et les mélodies. C’est surtout sur la cadence des langages qu’il faut travailler. »
Vous chantez des chansons françaises, Gainsbourg par exemple, chantez-vous dans d’autres langues, par exemple en tchèque ?
« Le Tchèque manque un peu à l’appel. Dans les répertoires que j’ai développés, j’ai chanté en français, en espagnol, en anglais. J’ai fait des reprises en langue romani. J’ai aussi chanté en langue africaine du Congo, le lingala. »
Y a-t-il des musiciens et des compositeurs tchèques qui vous inspirent, même si vous ne les chantez pas ?
« Iva Bittova, indéniablement, j’ai beaucoup d’admiration pour elle. D’autant qu’elle est assez connue en France sur la scène de la musique improvisée. Iveta Kovacova bien sûr, car j’aime beaucoup son interprétation des musiques tziganes. J’aime bien des chanteurs plus ‘réalistes’ comme Karel Kryl, Nohavica. Je m’intéresse aussi à Raduza, et à Zuzana Navarova aussi, peut-être par nos noms qui sont bizarrement assez proches. En tout cas, c’est en projet d’introduire aussi quelques chansons tchèques. »