Sylvain Luc, Richard Bona, Steve Gadd : trois pointures du jazz pour une tournée unique
Un batteur de légende, le bassiste de jazz le plus en vogue actuellement et un guitariste virtuose qui monte, qui monte ; le Lucerna Music Bar a accueilli mercredi 4 février dernier un trio exceptionnel avec respectivement l’américain Steve Gadd, le camerounais Richard Bona et le français Sylvain Luc. Les deux francophones du trio ont accepté de répondre aux questions de Radio Prague à la fin du concert.
Petite introduction biographique pour ce trio inédit : Steve Gadd, batteur de légende aujourd’hui, a joué avec les plus grands, dont Paul Simon, Eric Clapton, Michel Petrucciani, Paul McCartney et James Brown. Richard Bona est né au Cameroun, dans une famille de musiciens. Il fait de la guitare, du balafon, jusqu’à ce qu’il découvre Jaco Pastorius. Il se met alors à la basse et compose de nombreuses chansons où il mêle jazz et influences africaines. Enfin, Sylvain Luc est peut-être encore le moins connu de ce trio. Pourtant, il a aussi une carrière bien remplie en accompagnant des artistes de variété comme Georges Moustaki ou Michel Jonasz avant de devenir le bassiste de John Galliano. Il a reçu en 2007 son premier Django d’Or.
Le public du Lucerna avait sans aucun doute conscience de la chance de pouvoir écouter une telle formation. Une chance partagée par les protagonistes du concert :
Quelles sont vos impressions sur le concert ? Richard Bona vous êtes un habitué, vous êtes presque un Pragois d’adoption, donc je vais demander d’abord à Sylvain Luc ses impressions :
« Le public est vrailment très, très chaud ici. C’est la première fois que je joue à Prague. Ce sera un super souvenir, et ça donne envie de revenir. »
Richard Bona, les gens reviennent toujours vous voir en concert, vos impressions ?
« Ca fait plaisir de revoir les gens. Je revois des gens que j’ai déjà vu une dizaine de fois, et ça me fait plaisir qu’ils découvrent un musicien d’exception comme Sylvain. Et puis, la République tchèque, c’est un pays de musique. Les gens apprécient la musique. Quand on leur montre un projet comme celui-ci, ils l’apprécient à sa juste valeur. »
SL : « On sent que le public est musicien, ils apprécient la moindre note »
RB : « J’ai joué avec l’Orchestre symphonique de Prague, avec Joe Zawinul, et quand je suis revenu, j’ai vu les 30 musiciens de l’orchestre à mon concert. Les Tchèques sortent beaucoup, vont aux concerts. C’est beau à voir. »
Sylvain Luc, vous avez commencé avec la musique classique, ensuite vous avez joué de la basse, vous êtes à la guitare et maintenant vous avez ce projet avec Richard Bona et Steve Gadd, comment en êtes-vous arrivé là ? « C’est la suite logique quand on est musicien. La chance qu’on a quand on est musicien, c’est de faire des rencontres. J’ai rencontré Richard il y a quelques années. On s’est un peu perdu de vue, car Richard a fait la carrière qu’on connaît aux Etats-Unis. Ça a été un vrai bonheur de se retrouver. »
Et pour un ancien bassiste, ça fait quoi de jouer avec un bassiste tel que Richard Bona ?
RB : « C’est pas un ancien bassiste, on n’est jamais un ancien bassiste (rires). C’est un grand musicien. Il est ex-bassiste, bassiste et futur bassiste ! »
SL : « Richard c’est pareil, il peut jouer d’autres instruments : percussions... On a la chance d’être habités par la musique et tout instrument devient musical. Richard est bassiste mais il est aussi guitariste, percussioniste. Un musicien. »
RB : « Il y a un esprit musicien. C’est comme une peinture : on prend un pinceau et on se laisse aller. »
Une question par rapport à Steve Gadd. La relation entre les bassistes et la batterie est vraiment importante. Steve Gadd est un batteur de légende, un peu fou. Comment cela se passe-t-il avec lui ?
RB : « Ca se passe bien. C’est une légende, Steve. Il porte derrière lui aisément 40 ans de bonne carrière professionnelle. Son nom parle et ce qu’il a bâti aussi. C’est gratifiant pour nous de jouer avec lui. On reste de jeunes musiciens par rapport à lui. »
Quelle est la nature du projet avec Steve Gadd : allez-vous faire des tournées ? Un album ?
SL : « Pas pour l’instant mais on ne sait jamais. Il y aura un projet un jour. Pour l’instant il n’est pas encore question d’album mais on prend beaucoup de plaisir : on est sur la route depuis le 20 janvier. C’est une première prise de contact. Comme disait Richard, c’est un honneur pour nous de jouer avec Steve. Il nous a beaucoup influencés aussi. On est typiquement dans la génération influencée par Steve. »
RB : « Quand la tournée s’est présentée on l’a faite. Peut-être que si l’occasion d’un disque se présente, on le fera. On est musiciens, on est un peu comme des soldats : Allez, les gars, au garde-à-vous, hop, on y va ! On dit jamais non. »
Des soldats qui rient bien, il y a l’air d’avoir beaucoup de complicités sur scène...
SL : « Oui, il y a beaucoup d’humour. C’est très important, ça fait partie de la musique aussi. Il y a deux cas de figure : soit on prend les choses très au sérieux, la moindre note. Moi je pars du principe que les notes doivent sourire aussi. Richard pense exactement la même chose. Une note peut faire pleurer mais rire la seconde d’après. Pourquoi s’en priver ? »
RB : « Les musiciens sont un peu de grands enfants. Il faut garder ce petit esprit enfantin. La musique, c’est fragile. Ce n’est pas le bureau, la politique... Il faut la laisser respirer. Quand tu joues avec des amis, je pense que la musique a toujours une autre sonorité. Je joue la musique comme je vis. J’ai grandi dans un environnement musical fraternel, amical et familial. Quand je joue avec quelqu’un, c’est un membre de la famille. Quand je sens comme un mur, ça devient difficile pour moi de rentrer dans la musique. Mon grand-père me disait : la musique ça doit toujours être fun. C’est toute la définition de la musique. On vient écouter la musique pour se divertir. Ca doit rester ainsi. »
SL : « Et ça se transmet au public, les gens ressentent ça très fort. »
RB : « Les gens rentrent chez eux, c’est de ces moments qu’ils se souviennent. Les gens qui ont vu Sylvain aujourd’hui, dans 10-15 ans, que restera-t-il comme souvenir ? Que c’était une super soirée. Les visages s’illuminent. C’est ça la musique aussi. »