Témoignage de la Prague disparue, la maquette d’Antonín Langweil bientôt visible à nouveau

Pont Charles
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Il aura fallu cinq ans de travaux pour près de 290 millions de couronnes pour remettre en état, moderniser et rendre plus accessible le Musée de la ville de Prague qui permet de découvrir l’évolution historique, sociale et architecturale de la capitale tchèque. Clou de la future exposition : la célèbre maquette d’Antonín Langweil, seul témoignage de l’apparence de l’ancien quartier juif avant sa démolition au début du XXe siècle.

Dès cet été, les visiteurs et les passionnés de la ville de Prague pourront ainsi découvrir le Musée qui avait fermé ses portes il y a cinq ans, pour travaux. Mais aussi et surtout, l’impressionnante maquette de plus de 20 m² de la ville de Prague qui permet de découvrir la ville comme a pu la voir en son temps l’écrivain français Chateaubriand, lors de son voyage en Bohême en 1833.

Antonín Langweil | Photo: e-Sbírky,  Musée national,  CC BY 4.0 DEED

C’est grâce au petit employé de la bibliothèque universitaire, Antonín Langweil, que nous savons à quoi ressemblait Prague dans les premières décennies du XIXe siècle. Miniaturiste, dessinateur et modeleur habile, Antonín Langweil a créé, entre 1826 et 1837, une maquette unique en son genre qui représente Prague avec ses maisons, ses rues et ses places jusqu’aux détails les plus infimes. L’historienne Kateřina Bečková est en charge de cette maquette au Musée de la ville depuis 35 ans. Elle la connaît sous toutes ses coutures, et est devenue une véritable spécialiste, à tel point qu’elle a publié un livre en 1996 sur l’œuvre, la vie de son créateur et les changements survenus dans la ville de Prague au fil des ans.

« Au début de l’été, nous allons ouvrir une nouvelle exposition. La maquette va être présentée dans un environnement totalement nouveau. Elle sera exposée non assemblée, ce qui est rare, car normalement elle est exposée assemblée, comme un tout, les plus de cinquante pièces étant présentées derrière une grande vitrine. Mais cette disposition ne permet pas de voir tous les détails, ce qui est dommage : il s’agit d’une maquette unique en son genre puisqu’elle montre de manière très complète ce à quoi ressemblait Prague il y a deux cents ans. »

Place de la Vielle-Ville | Photo: Jan Vrabec,  Musée de la ville de Prague

Car si l’on a tendance à considérer la Prague actuelle comme relativement inchangée depuis cent ans, la maquette rappelle qu’à l’époque de sa création, la cathédrale Saint-Guy était encore inachevée, dépourvue alors de ses deux tours néo-gothiques, qu’un seul pont – le Pont Charles – reliait les deux rives de la Vltava, et que la colonne mariale place de la Vieille-Ville n’avait pas encore été déboulonnée après la Première Guerre mondiale (avant d’être réinstallée il y a quelques années…).

Josefov | Photo: Jan Vrabec,  Musée de la ville de Prague

Aussi et surtout, cette Prague fabriquée en carton et en bois à l’échelle 1/480 donne à voir à quoi ressemblait l’ancien quartier juif de la capitale de la Bohême. Car les rues de Josefov que touristes et Pragois arpentent aujourd’hui autour des différentes synagogues et du vieux cimetière juif ne ressemblent en rien à celles du milieu du XIXe siècle : en effet, au tournant du siècle, la municipalité a décidé de lancer une grande opération d’ « assainissement » de ce qui avait cessé officiellement d’être un ghetto en 1850 pour devenir officiellement un quartier pragois. Toutes les petites maisons et bicoques existantes ont été rasées et remplacées par d’élégants immeubles de rapport de styles différent, avec beaucoup d’éléments Art Nouveau notamment.

Des façades des maisons sur la place de la Vielle-Ville | Photo: Musée de la ville de Prague

La maquette d’Antonín Langweil permet de capter un peu de l’atmosphère de ce quartier entièrement transformé : sur les 2 500 maisons miniatures qui composent cette Prague en modèle réduit, 950 de ces bâtisses n’existent en effet plus aujourd’hui, faisant de cette maquette une source d’informations irremplaçable sur l’architecture pragoise du passé. Certain quartiers sont toutefois absents de l’ensemble déjà bien complet : la colline de  Petřín et de Strahov notamment, n’y figurent pas car Antonín Langweil est décédé avant d’avoir pu achever son œuvre :

« Langweil avait l’intention de continuer à travailler sur la maquette, même s’il est vrai qu’à cette époque, il n’y avait pratiquement rien sur la colline de Petřín. Mais pour le quartier de Strahov, par exemple, il avait réalisé une bonne moitié du projet. Il existe en effet des dessins qu’il a faits sur le terrain, mais sans qu’ils ne les utilisent pour les ajouter à la maquette. »

Château de Prague | Photo: Jan Vrabec,  Musée de la ville de Prague

Selon Kateřina Bečková, Antonín Langweil aimait à se promener dans la ville, un carnet à la main, croquant les rues et les bâtiments à l’encre. Pour l’historienne, un des aspects les plus fascinants de la maquette est qu’elle reproduit même les collines et les élévations du terrain pragois à l’aide de blocs de bois.

Kateřina Bečková | Photo: Juan Pablo Bertazza,  Radio Prague Int.

« Après le décès de Langweil, sa veuve a proposé cette maquette à l’empereur Ferdinand V, qui l’a achetée avant d’en faire don au Musée national. C’est ainsi qu’elle a rejoint les collections en 1840. Puis en 1954, soit plus de cent ans plus tard, le Musée de la ville de Prague a voulu en faire l’acquisition. Le Musée national a accepté, et la maquette est restée chez nous depuis. Le problème, c’est qu’après plus d’un siècle depuis sa création et beaucoup de déplacements, l’œuvre était très abîmée, et il a fallu procéder à une importante restauration. »

Une restauration méticuleuse qui a duré huit ans dans les années 1960, avant que la maquette puisse enfin être exposée au public à partir des années 1970 et jusqu’à il y a quelques années encore. Si la date exacte de la réouverture du Musée n’est pas encore fixée, l’été est l’horizon prévu pour venir (re)découvrir dans le quartier de Florenc, les collections et la fascinante maquette d’Antonín Langweil.

La maquette d’Antonín Langweil | Photo: Jolana Nováková,  ČRo
Auteurs: Anna Kubišta , Juan Pablo Bertazza
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