Un monument controversé
Les victimes du communisme auront-elles un monument à Prague? Le projet de ce monument se heurte à toute une série d'obstacles. Vaclav Richter.
Un large escalier que descendent trois statues sombres et mélancoliques ressemblant à certaines silhouettes élancées de Giacometti. Tel est le monument proposé à la ville de Prague par les architectes Zdenek Hölzel et Jan Kerel et le sculpteur Olbram Zoubek. Bien que la réalisation du monument ait déjà commencé il n'est pas encore certain qu'elle sera achevée. On a longtemps cherché un endroit digne d'une telle oeuvre. On a proposé entre autres la place Venceslas, endroit le plus fréquenté de la capitale, ou la rue Bartolomejska dont la plupart des immeubles sont occupés par la police et où les prisonniers politiques avaient été soumis, sous le communisme, à de longs interrogatoires. Finalement, un jury composé de représentants de la ville et d'experts a décidé de situer l'escalier avec des statues au bas de la colline de Petrin dans le quartier de Mala Strana, à un endroit où commence un des plus grands parcs de la capitale. Cette décision s'est heurtée cependant à la résistance du département de la protection des monuments historiques de la municipalité de Prague. Les responsables de cette institution estiment que les dimensions et le caractère du monument ne sont pas compatibles avec l'endroit choisi et rappellent que l'idée initiale était de construire une oeuvre beaucoup plus discrète. Ils soulignent aussi que la partie concernée du parc de Petrin a subi récemment une reconstruction coûteuse et que le résultat de ces travaux serait de nouveau détruit ce qui serait un gaspillage des moyens publics. Et le rapport de conclure qu'on ne pourrait accepter le projet que si ses dimensions étaient considérablement réduites. Mais, rétorquent les auteurs du projet, un monument n'est pas un salami qu'on peut couper en morceaux. De plus, l'affaire ne manque pas d'aspect politique. Le sculpteur Olbram Zoubek, un des auteurs du projet, a exprimé dans la presse le soupçon que le monument des victimes de l'arbitraire communiste déplaisait à certains responsables car on ne leur avait pas "graissé la patte" et que le refus était le résultat d'une conspiration des nostalgiques du régime totalitaire. De quoi agacer la directrice du département de la protection des monuments historiques, Jirina Knizkova, qui a exigé une excuse publique. Cette excuse vient d'être publiée par le journal, Lidove noviny, mais elle ne fait pas avancer les choses. La réalisation du monument n'en reste pas moins bloquée. Tout cela rappelle en beaucoup d'aspects les affaires ayant accompagné, ces dernières années, la construction des monuments Masaryk et Dvorak. Les deux statues ont suscité, elles aussi, de longues polémiques mais on a pourtant fini par les dresser à Prague.