Une découverte des tours du Château de Prague
Je vous invite aujourd'hui à la découverte des tours du Château de Prague, et puisque nous sommes le dernier week-end du mois, notre collaboratrice Jaroslava Gregorova vous entretiendra d'une légende s'attachant à l'une de ses tours, la tour Daliborka.
Le Château de Prague est incontestablement la première destination touristique de Prague. Se dressant sur un éperon dominant la ville, au-dessus de la Vltava, le château occupe une position privilégiée et parfaitement intégrée au paysage. Ses jardins du versant sud forment un passage harmonieux avec la cité de Mala Strana. La silhouette du château est étroitement liée aussi au pont Charles, galerie sculpturale à ciel ouvert. En regardant le château, nos yeux sont tout d'abord attirés par les tours qui jaillissent de ce complexe grandiose.
Les deux tours blanches sont celles de la basilique Saints-Georges, dont la fondation remonte à 912, et qui est l'église romane le mieux conservée et l'un des plus anciens monuments romans non seulement de Prague, mais de toute la Bohême. La façade baroque de cette basilique dissimule une vraie église romane nullement baroquisée. A l'intérieur de la basilique, on remarquera particulièrement la longueur et l'étroitesse de la nef, toute simple, étroite et longue, et reliée au choeur par un bel escalier baroque. Les arcades des Xe et XIe siècles montrent de splendides pierres blondes laissées nues, fait très rare à Prague. Sous le choeur, la belle crypte romane recouverte d'une voûte referme le caveau des premières abbesses du couvent, dont le tombeau de Mlada, qui obtiendra du pape Jean XIII la lettre de fondation de l'évêché de Prague. A droite, notre attention est attirée par la statue de sainte Brigitte aux entrailles pleines de serpents et de lézards, et appelée Vanitas, allégorie naturaliste de la vanité. Selon la légende, c'était un tailleur de pierre italien, Spinetti, qui l'a sculptée en pénitence pour un acte de violence commis dans l'église. La basilique Saint-Georges est aussi le lieu du dernier repos de sainte Ludmila et, par la suite, celui d'autres membre de la famille des princes Premyslides dont Vratislav 1er, fondateur de la basilique. La basilique a subi de nombreux remaniements à l'époque gothique, puis à la Renaissance et au baroque.
Les tours les plus hautes et les plus majestueuses, constituant la dominante du Château, sont celles de la cathédrale Saint-Guy. C'est le roi Charles IV qui a entrepris sa construction, après que Prague avait été élevée au rang d'archevêché. Débutée par l'architecte français, Mathieu d'Arras, en 1344, et poursuivie par Pierre Parler, le plus grand bâtisseur gothique d'Europe centrale, et ses fils, la cathédrale ne sera définitivement terminée que cinq siècles plus tard, en 1929. Lors de ces travaux, on a restauré la partie gothique ancienne qui reçoit son aspect néo-gothique actuel. Ce sont surtout les deux grandes flèches hautes de 82 mètres qui ont été construites après 1900.
La tour principale de la cathédrale qui s'élève à quelque 99 mètres du sol, a été élevée par Pierre Parler. Entre 1560 - 1562, elle a été couverte d'un dôme Renaissance remplacé, en 1770, par un toit baroque en forme de bulbe par Pacassi. La tour principale est éclairée par une fenêtre ornée d'un très beau grillage Renaissance. La tour abrite deux étages de cloches.
A la sortie de la rue Jirska qui mène de la basilique Saint-Georges déjà mentionnée, on trouve une massive porte en ogive flanquée d'une tour qui s'appelle tour Noire. Elle fait partie du système de fortifications du château et date de la première moitié du XIIe siècle. Sous Charles IV, elle a été dotée d'une toiture dorée et appelée alors la tour Dorée, jusqu'à l'incendie de 1541 qui l'a endommagé et la noirci entièrement, d'où son nom actuel. En passant par la porte, on arrive sur une terrasse d'observation qui permet de découvrir toute la cité de Mala Strana.
La rue Jirska nous conduit aussi dans un autre endroit remarquable du château, la ruelle d'Or. La rue tire son nom de quelques petits artisans batteurs d'or qui s'y sont réfugiés après l'incendie de Mala Strana, en 1541. Sous le règne de Rodolphe II, au XVIe siècle, la vogue des sciences occultes a contribué à faire naître la légende de la ruelle des alchimistes et des chercheurs de l'élixir de vie. Après cet incendie donc, Rodolphe II fait construire des maisons entassées et miniatures. Certaines maisons ont un premier étage de moins d'un mètre de haut. Des habitations surgissent des deux côtés si bien que la ruelle n'excède pas d'un mètre de large. Au XVIIIe siècle, certaines constructions sont remplacées ou enduites de crépi. Dans les années 50 du XXe siècle, les maisons sont colorées et la ruelle transformée en un lieu touristique. Mais pourquoi je vous parle de cette ruelle? C'est à l'est et à l'ouest de la ruelle d'Or que se dressent deux autres tours remarquables du Château de Prague, la tour Blanche et la tour Daliborka. Construites comme bastions de fortification, toutes les deux serviront de prison jusqu'au XVIIIe siècle. La tour Daliborka a reçu le nom de Dalibor de Kozojedy, interné ici en 1498 et dont l'histoire inspira le célèbre opéra de Bedrich Smetana, Dalibor.
Et c'est ici que je cède le micro à notre collaboratrice, Jaroslava Gregorova, qui vous racontera l'histoire de Dalibor.
L'une des tours du Château de Prague, ronde, qui se trouve sur la droite, s'appelle la tour Dalibor, dite « Daliborka ». La tour a été construite au milieu du XIIIe siècle, au cours de la seconde fortification du Château de Prague, sous le règne de Premysl Otakar II. A l'origine, elle s'appelait la tour de Burgrave, car elle fut érigée à proximité du burgraviat. Après sa construction, la tour servait de bastion. Ce n'est qu'au XIVe siècle qu'elle est devenue une prison. Daliborka tient son nom du chevalier Dalibor de Kozojedy, l'un des prisonniers dont l'histoire a le plus marqué les murs sombres et humides du cachot.
Dalibor de Kozojedy était proche du peuple, contrairement à son voisin, Adam Ploskovsky de Drahonice, qui était un vrai tyran féodal. Dalibor avait incité le peuple asservi à Adam de Drahonice à la révolte contre leur seigneur. Les révoltés ont obligé Adam, grièvement blessé, à signer l'acte de libération de leurs sujétion. Ils voulaient servir Dalibor qui leur promettait de meilleures conditions de vie? Mais les autres seigneurs du voisinage ont porté plainte contre Dalibor auprès du roi qui a fait jeter Dalibor dans le cachot de la tour et a confisqué ses biens. A l'époque, chaque prisonnier était obligé de se nourrir par ses propres moyens. Dalibor utilisait la maigre somme qui lui restait encore, mais, bientôt, l'argent a commencé à lui manquer. L'idée lui est alors venue de demander au geôlier, qui appréciait beaucoup Dalibor, de lui procurer un violon. Le chevalier ne savait pas jouer de cet instrument, mais le temps était long et il avait faim. Grâce à son talent inné, il a appris à jouer du violon très rapidement. Les tons qui émanaient de son instrument étaient si émouvants et doux que les gens s'arrêtaient aux pied de la tour pour écouter. Dalibor faisait descendre un panier attaché au bout d'une corde et les gens y mettaient de l'argent, de la nourriture, les femmes même du linge propre et de la pâtisserie. Ce genre de charité était très courant au Moyen âge. Depuis ce temps-là, il existe un proverbe qui dit que la misère peut faire des miracles, car elle a même appris Dalibor à jouer du violon.
Séduites par son jeu et par sa beauté légendaire, les jeunes filles et les femmes demandaient la grâce royale pour Dalibor. En vain. En 1498, Dalibor de Kozojedy a été condamné à mort et décapité. On disait que des années après son exécution, on entendait parfois le son du violon s'échapper de la tour. C'était Dalibor qui se levait de son cercueil pour rappeler au roi et aux juges l'injustice de la sentence, que même la profondeur de la tombe ne pouvait effacer.