Une joyeuse nuit de noces
Dans notre dernière émission, nous avions évoqué le mariage – svatba, et plus particulièrement la différence qu’institue la langue tchèque en fonction du sexe de la personne qui se marie. En forçant singulièrement le trait, nous en étions ainsi arrivés à la conclusion que, sémantiquement, dans un mariage tchèque, la femme se donne et même s’abandonne à son époux, tandis que celui-ci se munit d’une femme, un peu comme on se chausse ou enfile un vêtement… Avouons que tout cela était un peu tiré par les cheveux, néanmoins, ce qui ne l’est pas est que le mariage reste, le plus souvent, un temps de réjouissance et de fête, un temps que les Tchèques appellent svatební veselí… Et c’est précisément ce dernier mot « veselí » qui va nous intéresser pour cette fois...
« Nemít prachy – nevadí. Nemít srdce – vadí. Zažít krachy – nevadí. Zažít nudu – jó to vadí, to vadí. »
« Ne pas avoir de fric – c’est pas grave. Ne pas avoir de cœur – c’est grave. Vivre un échec – c’est pas grave. Mais s’ennuyer – oh ça c’est grave, oui ça c’est grave. »
« Není nutno, není nutno, aby bylo přímo veselo – hlavně nesmí býti smutno, natož aby se brečelo. »
« Il n’est pas indispensable de faire la fête – mais surtout il ne faut pas être triste, et encore moins pleurer. »
Telles sont quelques-unes des paroles d’un couplet et du refrain de la chanson intitulée « Není nutno », une chanson des années 80 signée Zdeněk Svěrák et Jaroslav Uhlíř que tous les enfants tchèques apprennent à chanter dès leur entrée en maternelle, comme si sa connaissance constituait un bagage indispensable pour leur parcours scolaire et plus généralement le long chemin de vie qui les attend. Une chanson extrêmement populaire qui est aussi un hymne à la bonne humeur et qui, en tant que tel, est très souvent reprise lors des fêtes de mariage et autres moments où règne une bonne ambiance.
Outre le mot « veselo » que l’on trouve dans cette chanson, tous les substantifs, adjectifs, verbes et autres adverbes comme « veselý », « veselí », « vesele », « veselice », « veselit se » ou encore « veselost » portent en eux les notions de gaieté, de joie, d’amusement, de rire, d’hilarité, de réjouissance, d’entrain, de fête, de bonne humeur et finalement de bonheur de vivre ; l’art en quelque sorte de savoir profiter du moment présent, de la nature, des gens qui nous sont proches, bref profiter de ce que nous offre la vie dans ce qu’elle a de plus simple et en somme de plus beau.
On retrouve tout cela dans l’idée de mariage. Depuis toujours, les noces ont été célébrées comme une étape marquante tant dans la vie des hommes que des femmes, les réjouissances durant parfois même plusieurs jours, selon les us et coutumes des pays. Même si la fête ne dure pas aussi longtemps qu’en Pologne voisine par exemple, il en va de même également bien sûr dans les pays tchèques. Et c’est la raison pour laquelle le mot « veselka » désigne ces noces. Avec le temps, même s’il est toujours resté moins employé que « svatba », le terme a également désigné le mariage même. Notons d’ailleurs la similitude en Pologne avec le mot « wesele ». Les deux mots, tchèque et polonais, possèdent bien entendu une racine commune, à savoir l’adjectif panslave « vesel », un adjectif dont l’origine reste toutefois inconnue.
Pour en revenir au tchèque, notons toutefois qu’il existe une nuance entre les mots « svatba » et « veselka ». En effet, si le second peut lui aussi signifier « mariage », il englobe néanmoins obligatoirement les réjouissances qui font suite à la cérémonie et à l’acte officiel et solennel d’union entre les époux. A la différence du mot « svatba », le mot « veselka » ne sera toutefois jamais utilisé pour désigner uniquement cet acte officiel d’alliance point de départ pour la formation d’une famille. Les Tchèques utilisent alors précisément le mot « svatba ». En revanche, celui-ci peut servir pour l’ensemble du mariage, réjouissances donc y compris, depuis le cortège jusqu’au repas et à la nuit de noces qui s’ensuit ; noces ici dans le sens de fête – veselí, mais aussi de première nuit que passent ensemble les jeunes mariés. La confirmation est « que nuit de noces » se dit bien « svatební noc » et non pas, aussi belle, gaie et joyeuse puisse-t-elle être, « veselá noc »…C’est sur cette « veselá svatební noc » que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue ». On se retrouve dans quinze jours pour une nouvelle émission que nous pouvons déjà vous promettre tout aussi pleine de bonne humeur. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !