Une visite de Policka, ville natale de Bohuslav Martinu

Merci de nous rejoindre pour cette balade touristique qui nous conduira aujourd'hui à Policka, située à 130 km en direction sud et orientale de Prague, à une altitude de 555 mètres, sur les hauteurs Zdarske surnommés, pour ses forêts épaisses, Toit vert de l'Europe. Policka est l'une des rares villes de Tchéquie possédant un système de fortifications médiévales en bon état de conservation. L'anneau de remparts long de plus d'un kilomètre encercle tout le noyau historique de Policka, réputée ville natale du compositeur Bohuslav Martinu. C'est ici que l'enfant prodige est né, en 1890, et où le compositeur repose.

Mais commençons par le commencement. En 1167, l'appellation "Na polickach" - petits champs - apparaît sur la liste des lieux confiés par le roi à l'administration du couvent des Prémontrés de la ville de Litomysl pas trop éloignée. C'est le roi Premysl Otakar II qui, le 27 septembre 1265, chargea son fonctionnaire Konrad de la fondation de la ville de Policka /Petit champ/. C'est à ce roi que la ville doit sa disposition: une place oblongue avec quatre rues donnant sur les portes des remparts. Premysl Otakar II a donné la ville en dot à son épouse, Kunhuta. Dorénavant, la ville devient une ville des reines tchèques. Des revenus de la caisse municipale se déversent souvent de la dot des reines.

Au 14e siècle, Policka vit un essor. L'église Saint-Jacques, le Majeur, prend son aspect gothique. Sur la place centrale est élevée la tour de l'hôtel de ville et les premières maisons bourgeoises. Dans l'une d'elles séjourna, en 1356, l'empereur Charles IV. Il y signa un décret permettant de paver la ville. Sous son règne, la ville fut cernée par une ligne de remparts en pierre renforcée de 19 donjons, dont 18 se sont conservés jusqu'à nos jours. Les remparts de Policka comptent parmi les mieux conservés en Europe centrale. Sous le roi Georges de Podebrady, les remparts ont encore été renforcés et complétés des barbacanes.

Le 18e siècle est appelé l'âge d'or de Policka. L'aspect de la ville change, surtout par l'édification de nombreuses maisons en style baroque. La ville s'embellit de riches façades et de nombreux ouvrages de Jiri Pacak, représentant remarquable du baroque tchèque, proche par son expression de Mathias Braun. C'est lui qui enrichit, en 1731, la place de Policka des statues ornant deux fontaines municipales. La statue de Saint-Jean-Népomucène est aussi son oeuvre tout comme la grandiose colonne de l'Immaculée conception. Peu de colonnes mariales en Europe centrale peuvent rivaliser avec la richesse de ce chef d'oeuvre. Au milieu de la place centrale, un hôtel de ville somptueux, occupant une grande surface de cette place, est édifié par Frantisek Kanka, éminent architecte baroque de Prague. Le 19e siècle inflige à la ville une épreuve cruelle. Un incendie qui s'y déclare, en 1845, détruit pratiquement toutes les maisons sur la place. Seul l'hôtel de ville et les remparts en sont épargnés. L'église Saint-Jacques a été entièrement détruit. Des artistes tchèques renommés ont participé à sa nouvelle construction. C'est dans la tour de cette église rénovée qu'est né, le 8 décembre 1890, Bohuslav Martinu, futur compositeur réputé.

Le père de Bohuslav Martinu était gardien de la tour. Sa tâche était de surveiller les incendies et de les signaler en sonnant l'alarme, le jour, ou en allumant une lanterne rouge, la nuit. Les visiteurs qui montent, à pied, l'escalier de la tour haute de 36 mètres, n'arrivent pas à comprendre comment la famille Martinu pouvait habiter dans ces lieux. Déjà, l'accès est énormément compliqué. Il faut monter plusieurs dizaines de marches d'un escalier en colimaçon avant d'arriver dans l'appartement. En réalité, ce n'est qu'une seule pièce, petite, avec un coin pour cuisiner. Ici, six personnes ont vécu, sans compter la femme de ménage et deux apprentis. Il fallait apporter de l'eau, du charbon, du bois, des vivres, tout... La famille a pourtant vécu une vie calme et heureuse. Le soir, on lisait, la mère, sérieuse et énergique, chantait, papa, grand enthousiaste du théâtre amateur, racontait des histoires. Le guide de touriste nous a raconté que Bohuslav Martinu enfant était de santé fragile. Incapable de monter l'escalier, c'est son père qui devait le transporter en haut, et en bas. Souvent malade, enfermé dans cette chambre, et isolé du monde qu'il regardait du haut, il jouait avec des bûchettes en bois comme si c'était un violon. Est-ce la raison pour laquelle son père lui a acheté un petit violon et un petit tambour. Bientôt, le jeune Martinu a commencé des cours de violon chez le professeur Cernovsky. A l'âge de 15 ans, il a été invité pour jouer à Borova lors d'une fête. C'était probablement son premier concert en public. Après avoir fait des études à Prague, il arrive, en 1923, à Paris. Bientôt, il devient l'un des plus brillants représentants de l'école de Paris. En 1940, il émigre aux Etats-Unis et ne revient en Europe qu'après la guerre. Pourtant, il n'a jamais perdu le contact avec l'âme tchèque, comme en témoigne une partie importante de son oeuvre. Il a dédié à sa ville natale un cycle de cantates Ouverture des sources, l'hymne à Saint-Jacques, et d'autres.

La ville de Policka est très fière de son célèbre fils. Une statue dans le parc municipal le rappelle, tout comme une plaque commémorative sur la tour de l'église Saint-Jacques. Au musée de Policka, on peut visiter l'exposition permanente Bohuslav Martinu présentant son oeuvre et sa vie. Les archives gardent plusieurs partitions manuscrites du compositeur et sa correspondance. Sa chambre natale en haut de la tour a été reconstituée dans son état original et est visitée comme un musée. Les Journées musicales Bohuslav Martinu ont lieu tous les ans à Policka. Mort, en 1959, à Liestal, en Suisse, le corps de Bohuslav Martinu repose maintenant au cimetière Saint-Michel de Policka, aux côtés des siens et de son épouse française, Charlotte, née Quennehen.