Venise : retour d’Ecstasy, premier film du cinéma classique à suggérer un orgasme féminin
85 ans après sa première internationale à la Mostra de Venise, le film Ecstasy de Gustav Machatý est revenu au festival et a été présenté mardi soir, dans sa version restaurée et numérisée. Aujourd’hui considéré comme un classique du cinéma tchécoslovaque, il fit alors scandale pour son histoire d’adultère et les scènes de nu de son interprète, la future star d’Hollywood Hedy Lamarr.
Aux Etats-Unis, dans les années 1930, le film Ecstasy fut cantonné aux salles de cinéma pornographique mais déçut ce public parce que les scènes de nu étaient trop peu nombreuses. A Venise, choisi par Gustav Machatý pour la première internationale de son film en 1934, il faillit être interdit de projection, les scènes sulfureuses suscitant l’ire du pape Pie XI. Aujourd’hui, à regarder Ecstasy avec un œil contemporain habitué à l’étalage des corps, on se demande bien ce qui a pu faire frétiller ou hurler le spectateur d’alors.
Mais autre temps, autres mœurs, la nudité de l’actrice principale, Hedy Kiesler (devenue plus tard Hedy Lamarr), bien qu’esthétique, provoqua le scandale, comme le rappelle Michal Bregant, directeur des Archives nationales du film :
« Dans certains pays, la censure a vivement réagi notamment à cause du fait qu’il s’agissait de l’histoire d’amour adultère d’une femme mariée. C’était quelque chose qui était considéré comme totalement inacceptable dans un film commercial. Dans d’autres pays, au contraire, c’est la nudité de l’actrice principale qui a été considérée comme une provocation. »Et pour cause, le film montre des scènes d’un érotisme champêtre où Eva, le personnage principal, gambade dans la tenue de son homonyme biblique avant de rencontrer – ça ne s’invente pas – Adam, qui deviendra son amant. Ecstasy est également le premier film qui évoque un rapport sexuel entre les deux amants et peut également se targuer d’avoir suggéré le premier orgasme féminin du cinéma classique.
« On dit que Benito Mussolini est intervenu personnellement pour permettre la projection du film parce que la légende qui accompagnait déjà le film était liée au charme de Hedy Kiesler. Mais il y a eu à l’époque bien d’autres tentatives de censure. Il est étonnant qu’en Allemagne, c’est la scène où le mari trompé se suicide qui a été supprimée. C’était considéré comme quelque chose de tabou dans l’Allemagne nazie. »85 ans après sa première, le film de Gustav Machatý a fait son grand retour dans la cité des Doges, en pré-ouverture de la Mostra. Ecstasy existait en plusieurs versions linguistiques, le réalisateur tchécoslovaque espérant que son œuvre fasse le tour du monde. Mardi soir, c’est une version tchèque restaurée et numérisée par les Archives nationales du film qui a été présentée au public vénitien :
« Le film existait en effet en plusieurs langues, mais nous voulions retravailler sa version tchèque et atteindre quelque chose le plus proche possible de l’image et du son d’origine. Au tout début du cinéma parlant, les technologies d’enregistrement et de reproduction du son étaient complètement différentes de celles d’aujourd’hui. Nous avons essayé de faire en sorte que le film ait un son proche de celui des années 1930. »
Film à la réputation sulfureuse, Ecstasy est à jamais lié à l’interprétation de sa protagoniste principale, Hedwig Kiesler. Née à Vienne, la future Hedy Lamarr a fait plus tard une carrière hollywoodienne non exempte des rebondissements les moins glorieux d’une vie de star.Mais celle qui était considérée comme une des plus belles femmes du monde a laissé à la postérité autre chose que le souvenir d’un beau visage et d’un corps parfait : avec le compositeur américain George Antheil, elle est l’inventrice, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’un système de codage des transmissions, ancêtre des techniques utilisées aujourd’hui notamment pour la téléphonie mobile ou le Wi-Fi.