Visite d'un atelier traditionnel de vitraux vieux de plus de 70 ans

Photo: www.vitraz.cz

C'est de verre et plus précisément de vitraux dont il sera aujourd'hui question dans cette émission. Au centre de Prague se trouve un atelier pas comme les autres. Un atelier où l'on fabrique et restaure des vitraux depuis plus de 70 ans. Ouvert en 1935, c'est dans l'atelier Jiricka-Coufal qu'ont été créées puis restaurées les verrières des temples religieux les plus célébres du pays, comme la cathédrale Saint-Guy ou la synagogue Pinkas à Prague. Et pour nous faire visiter ce lieu rempli d'histoire, Frédéric Schendel, un Français qui fait partie depuis deux ans de la petite dizaine d'employés que compte l'atelier.

« L'atelier est organisé de telle manière que chaque table peut être adaptée à tout travail. En ce moment, mes collègues travaillent ici sur la restauration de peintures, sur une sorte de modèle en calque, en reproduisant un motif, soit un bandeau soit un rinceau de fleur. On reprend tous les traits au pinceau, et pas à la brosse ou autre... »

A quoi sont destinées ces pièces ?

« Ce sont des vitraux d'une église baroque située à une trentaine de kilomètres de Plzen. »

On passe à la table suivante

« Alors chaque table peut être utilisée à la fois pour l'assemblage, la peinture ou le nettoyage. Là on nettoie une pièce historique du XIXe siècle qui vient de l'église Saint-Cyrille et Saint-Méthode du quartier pragois de Karlin. Sur le plan de travail d'à côté, on trouve encore de la peinture de restauration. 80% du travail ce sont des restaurations pour les églises, et de temps en temps pour des commandes particulières pour des châteaux mais c'est très rare. Il y a aussi des commandes privées et des créations. »

Frédéric Schendel,  devant un four électrique des années 1930
Il y a ici une machine qui a l'air essentielle dans l'atelier. Qu'est-ce que c'est et comment ça marche ?

« Cette machine est destinée à tirer le plomb. On achète le plomb en gabarit assez épais... »

Le plomb c'est donc tout ce qui est entre les pièces de verre sur un vitrail ?

Photo: Archives de ČRo7
« Exactement, on a donc ces gabarits en forme de 'H' qui vont être adaptés à la taille du verre. Les pièces de verre s'incrustent dans ce plomb et vont être bloquées en rabattant le plomb par la suite. »

Qu'est-ce que fait un Français dans un atelier tchèque ?

« Je me suis égaré dans le quartier en venant rejoindre mon amie à Prague. J'ai trouvé cet atelier par hasard et ai eu l'opportunité d'y travailler. »

Le hasard fait bien les choses, parce que cet atelier est l'un des plus prestigieux du pays, dans lequel ont été faits des vitraux de la cathédrale Saint-Guy

« Oui, le fondateur de l'atelier, Josef Jiricka, a travaillé avec Max Svabinsky en 1935 pour réaliser avec lui la plus grande verrière de la cathédrale, celle du Jugement dernier. Un travail qui a pris deux ans pour un total de 27 000 pièces de verre, réalisé dans cet atelier. »

On voit partout des casiers avec des pièces de verre

« Tout autour des tables il y a des rayonnages avec des verres relativement vieux pour la plupart, dans la mesure où les fabriques de verre n'existent plus. Donc l'atelier a un stock de verre impressionnant, dans le sous-sol également. Cela nécessite tout un système, comme une bibliothèque, avec des codes. Il y a deux grandes familles de verre : le verre cathédrale et le verre antique. Donc à partir de ces deux familles on peut retrouver telle pièce de verre selon la restauration ou la création qu'on veut faire. »

La plus ancienne pièce date de quand ?

« De 1850 ou 1860. Il y a aussi des pièces d'antiquité qui peuvent être beaucoup plus vieilles mais qu'on ne fait que restaurer et qu'on ne peut pas réutiliser. »

Et ces pièces-là ?

« Ce sont des pièces destinées à la vente. Beaucoup de reproductions de grands vitraux gothiques ou un peu plus classiques. Des pièces héraldiques tchèques aussi avec par exemple le lion de Bohême à double-queue et puis des pièces plus liées à l'empire austro-hongrois. »

Ces pièces se vendent bien ?

« C'est très variable, selon la fréquentation. »

Est-ce que vous avez parfois des commandes de l'étranger ?

« Souvent des particuliers nous commandent de l'étranger, surtout des Etats-Unis. Les Américains sont très amateurs de vitraux. »

Ils vous commandent des pièces pour la qualité, mais aussi pour les tarifs je suppose

« Je pense qu'il y une question de tarifs, mais c'est aussi pour la patine : l'idée d'avoir quelque chose qui vient d'Europe et d'un des creusets du vitrail. Prague, avec la France et peut-être Barcelone, représente un fleuron du vitrail en Europe et dans le monde. »

C'est toujours un plaisir de venir travailler ici le matin ou on s'habitue à tout ça ?

« Tous les jours je découvre un petit détail. On sent qu'il y a une âme dans ce lieu. C'est un vrai musée, toutes les pièces qui sont autour de nous ont une histoire. Jusqu'au fers à souder par exemple qui nous servent pour le travail, de vraies pièces d'art : un cylindre un peu cuivré qui fonctionne au gaz et qui chauffe une panne. La soudure est une étape cruciale du travail. Et une des particularités du travail à la tchèque est de faire la soudure sur l'ensemble de la résille de plomb, au lieu des deux petites croix qu'on peut faire en Allemagne ou en France. Cela demande jusqu'à une demi-heure de travail pour quelqu'un d'expérimenté et parfois cela peut être très très long. »