150e anniversaire de la naissance de Zdenek Fibich
Le 15 octobre, le monde de la culture commémore le centenaire de la mort, et le 21 octobre, le 150e anniversaire de la naissance de Zdenek Fibich, le cadet du trio des fondateurs de la musique tchèque moderne, où il figure aux côtés de Bedrich Smetana et d'Antonin Dvorak. Parmi les opus les plus connus de Fibich, qui se sont inscrits dans la mémoire musicale vivante, il y a sans doute Le Poème, une partie de l'idylle pour orchestre La tombée du soir, qui a été rendue célèbre par le violoniste Jan Kubelik, auteur de l'arrangement. A l'occasion de ce double anniversaire du compositeur Zdenek Fibich, dont l'oeuvre reste toujours un peu à l'ombre de ses deux collègues aînés et attend donc encore sa vraie appréciation, Radio Prague lui consacre ces Chapitres de l'histoire tchèque.
Zdenek Fibich fut l'un des musiciens tchèques les plus instruits et cultivés de son temps. Fils d'un inspecteur des forêts, il passa son enfance au village de Vseborice, dans une famille passionnée d'art et animée notamment par sa mère, originaire de Vienne. Il reçut une instruction aussi complète que possible. Après avoir passé son baccalauérat aux lycées de Vienne et de Prague, il poursuivit ses études de composition et de piano au conservatoire de Leipzig. Pour acquérir plus d'expériences, il partit pour Paris, où, en dehors des leçons, il donnait des concerts de piano dans des familles aristocratiques. Excellent pianiste, il fut apprécié aussi bien comme soliste, que comme musicien de chambre et accompagnateur. Après son année parisienne, il revient aux études; cette fois à Mannheim, où il suit des cours de composition, de direction d'orchestre et de contrepoint chez l'éminent professeur Vinzenz Lachner. De retour en Bohême, il retrouve tout d'abord ses parents, avant de s'installer définitivement à Prague. Ici, les leçons privées de piano et de théorie musicale restent la source principale de ses revenus, car les efforts du directeur du conservatoire de Prague, qui voulait engager Fibich comme professeur, se heurtaient au manque de compréhension des autorités. Ses fonctions de second chef d'orchestre et de maître de choeur du Théâtre Provisoire et vers la fin de sa vie de responsable du répertoir de l'opéra du Théâtre National ne furent que de courte durée.
Les sources biographique de l'époque décrivent Fibich comme un homme plutôt timide en public alors qu'entouré d'amis, il se montrait communicatif, cordial et plaisantin; il parlait en vers tchèque ou allemand, en alternant habilement les deux langues. Sans jamais quitter sa bonne humeur, évitant les colères et les disputes, il savait agir avec fermeté et intransigeance dans les affaires importantes. Il maîtrisait bien le français, ainsi que le latin et le grec appris au lycée.
Le caractère du compositeur se reflète pleinement dans son oeuvre. Une grande profondeur expressive, assortie d'un fort effet émotionnel, caractérise les mélodrames de Fibich, destinés d'abord à être produits en concert et plus tard sur scène. Attiré par l'exemple de Jiri Antonin Benda et de Robert Schumann et tirant conséquemment partie de la méthode wagnérienne des leitmotives, Fibich accomplit la syntonie subtile et délicate de la parole récitée et de la musique. Notamment le Soir de Noël et l'Ondin, mélodrames de concerts composés sur les poèmes de Karel Jaromir Erben, représentent une mise en musique parfaite de la ballade folklorique tchèque.
L'allure dramatique des poèmes donne à Fibich la possibilité d'exprimer en musique et de caractériser de façon efficace les mobiles psychologiques et les états d'âme des personnages principaux. C'est surtout la trilogie Hyppodamie, inspirée par le texte du poète Jaroslav Vrchlicky, qui excelle par l'alliage original et unique de la parole et de la musique.
Zdenek Fibich apporte de nouvelles impulsions aussi dans le domaine de l'opéra, à l'instar de Bedrich Smetana. Sa Fiancée de Messine est le premier opéra tchèque imbu de l'esprit de fatalité de la tragédie antique. Parmi ses opéras les plus appréciés, il y a sans doute Sarka, dont le sujet est tiré de la mythologie tchèque. Composé en 1890, il garde l'empreinte d'un nouvel élan créateur sous l'impulsion de l'amour ardent que Fibich portait alors à la jeune femme de lettres et poétesse Anezka Schulzova, son élève et librettiste de ses derniers opéras. La même décennie vit la naissance aussi d'un recueil unique de 376 brèves compositions lyriques pour piano, intitulé Humeurs, impressions, souvenirs et considéré comme un journal intime et érotique de Fibich.
Cette période optimiste vit encore l'apparition de la IIe Symphonie en mi-bémol majeur, dont la richesse mélodique constituait une sorte de défoulement à la suite de la sobre Hyppodamie. Malheureusement, cette période ne dure pas longtemps, elle est interrompue par la maladie et puis la mort en pleins préparatifs de son nouvel opéra La Chute d'Arkona, au Théâtre National.
A l'occasion du double anniversaire de Zdenek Fibich, la Société Fibich, qui se propose de faire connaître l'oeuvre du compositeur non seulement chez nous mais aussi à l'étranger, organise cette année le Concours international Zdenek Fibich dans l'interprétation des mélodrames. Il y aura aussi le Colloque international Zdenek Fibich, centré sur le mélodrame et la période de la fin de siècle en musique auquel participeront des spécialistes tchèques et étrangers. En collaboration avec le Musée National, une grande exposition de documents originaux du legs de Fibich a lieu au Château de Prague jusqu'à la fin de l'année. En septembre, la maison de disque Supraphon a contribué aux célébrations en publiant deux disques compacts dédiés à la musique de chambre de Fibich. Ainsi, la Société Fibich espère que le compositeur dont elle porte le nom reprendra sa place, comme il le mérite, aux côtés de Smetana et de Dvorak, les grands maîtres de la musique tchèque de la seconde moitié du XIXe siècle.