A la découverte de l’hymne tchèque

Чешский национальный гимнm, фото: Архив Правительства Чешской Республики

Le 28 septembre est un jour de fête nationale, que les Tchèques appellent « Den České státnosti », littéralement le « Jour de l’Etat tchèque ». S’il n’existe pas d’équivalent exact en français du mot tchèque « státnost », il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une des fêtes les plus importantes du pays. Le 28 septembre n’est pas seulement le « jour de l’Etat tchèque », mais il s’agit avant tout du jour de fête de Saint Václav, soit de Saint-Venceslas, le saint patron du pays.

S’il existe bien évidemment plusieurs symboles qui représentent l’Etat tchèque, tels que l’emblème national - deux lions à deux queues et deux aigles - les couleurs bleu blanc rouge du drapeau, le tilleul à petites feuilles ou encore le drapeau du président de la République portant l’inscription « La vérité vaincra » - « Pravda vítězí », nous avons porté l’attention dans notre dimanche musical sur l’évolution historique de l’hymne national.

« Ma Patrie Où est ma patrie ? Dans ma patrie
L’onde murmurante coule par les prairies ;
Des forêts bruissent sur les rochers ;
Des jardins au printemps resplendissent de fleurs
Et ce paradis terrestre,
C'est ma patrie, la terre de Bohême »

Telles sont les paroles de l’hymne national. A l’inverse de l’hymne national français qui n’a point évolué depuis 1792, date à laquelle Rouget de Lisle l’a composé, l’hymne tchèque n’a pas été l’unique hymne du peuple tchèque.

'Hospodyne pomiluj ny'
Le plus ancien chant spirituel tchèque connu jusqu’à nos jours, le chant « Hospodyne pomiluj ny » - « Seigneur, aie pitié de nous », a pris naissance probablement au tournant du Xe s. et du XIe siècle. Il s’agit d’un chant en forme simple composé de huit versets, sans rimes et sans divisons de strophes. Même s’il n’est possible de le savoir avec certitude, la composition entière de ce chant a été attribuée à Saint Adalbert (Svatý Vojtěch), second évêque de Prague, devenu par la suite le saint patron de la Bohême, de la Pologne et de la Hongrie. La première apparition de ce chant date de 1055, lorsqu’il a été interprété à l’occasion de l’élection de Spytihněv II, devenant ainsi duc de Bohême. Il deviendra l’hymne médiéval de la Bohême : il sera interprété en dehors de l’enceinte des églises, lors de diverses festivités ainsi qu’en temps de guerre. Au XIVe siècle, le roi Charles IV l’introduira dans la cérémonie de couronnement et Jan Hus le fera chanter dans la chapelle de Bethléem à Prague.

A ce jour, ce chant est interprété dans sa version originale après les liturgies. Il peut être considéré, avec le chant de Saint Venceslas, que nous allons vous présenter à présent, comme l’un des premiers hymnes nationaux tchèques.

'Svátováclavský chorál'
Le 28 septembre est donc le jour de fête de tous les Václav, de tous les Venceslas. C’est à cette date, en l’an 935, que le duc Saint Venceslas Ier de Bohême a été assassiné dans la ville de Stará Boleslav, par son frère Boleslav aidé de plusieurs seigneurs, avides de pouvoir. Le fait que Venceslas ait préféré des procédés de paix plutôt que la guerre lui a valu un certain mépris de la part de beaucoup de ses compagnons. Venceslas, qui a modifié le système judiciaire en réduisant le recours à la peine capitale ou à la torture, s’est distingué par sa bienveillance; une bienveillance qui lui a valu la mort. L’Eglise l’a canonisé et le célèbre désormais le 28 septembre comme martyr. Le « chant Saint-Venceslas » – « Svátováclavský chorál », qui a fait l’objet de nombreuses variations musicales, est un hymne ecclésiastique dont les origines remontent probablement au XIIe siècle. Ce chant est une prière faite au saint patron Venceslas, afin qu’il intercède auprès de Dieu pour la nation tchèque, et qu’il l’aide à lutter contre toute injustice.

'Fidlovačka'
Les origines de l’actuel hymne remontent néanmoins au 21 décembre 1834. C’est sur la scène du Théâtre des états, situé en plein cœur de Prague, que le public découvrit un chant qui allait devenir, en 1918, au moment de la naissance de la Tchécoslovaquie, l’hymne national tchèque. Ce chant intitulé « Kde domov můj ? » - « Où est ma patrie? » était le résultat du travail en commun du dramaturge, Josef Kajetán Tyl, et du compositeur, Frantisek Škroup, qui adapta la mélodie aux paroles. Lors de la première de la comédie musicale intitulée « Fidlovačka », farce pour laquelle « Kde domov můj ? » a été spécialement conçue, peu de gens auraient imaginé que ce chant deviendra par la suite l’hymne de tout un peuple.

Dans les années 70 du XIXe siècle, de nombreuses voix s’élevèrent pour critiquer ce qui était déjà devenu officieusement l’hymne du peuple tchèque. L’écrivain Jan Neruda aurait même invité le compositeur Bedřich Smetana à composer un autre chant. Mais selon les témoignages de l’époque, ce dernier aurait refusé en affirmant : « Le chant que le peuple seul a choisi pour hymne, ce chant-là restera son hymne ».

Avec la création de la Tchécoslovaquie en 1918, « Kde domov můj ? » devient officiellement l’hymne du pays. En 1920, le premier couplet du chant « Nad Tatrou sa blýska » - « Au-dessus des monts Tatras brille l’éclair », relatant la révolte slovaque de 1848 contre les Hongrois, est ajouté à l’hymne. Entre les années 1918 et 1938, il existait en plus de la version tchèque de l’hymne, la version allemande et hongroise. Mais avec la séparation pacifique de la Tchécoslovaquie en 1993, les deux pays reprennent leurs hymnes respectifs.

Néanmoins la version tchécoslovaque de l’hymne a été interprétée a cappella sur la Place Venceslas lors de la Révolution de velours en novembre 1989, par les deux chanteurs les plus connus de l’époque, Karel Gott et Karel Kryl ; une étrange rencontre toutefois entre ces deux musiciens, dans la mesure où le premier avait été adoubé par le régime qui venait de tomber, tandis que le second, interdit au public, représentait le symbole de la résistance contre l’oppresseur.