A Prague, le nouveau chef de la diplomatie polonaise répond aux critiques

Witold Waszczykowski, photo: ČTK

Crise des réfugiés, intégration économique régionale, sécurité : « il y a peu de choses sur lesquelles nous n’avons pas trouvé d’accord » a déclaré le ministre tchèque des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek après la réception ce lundi de son homologue polonais Witold Waszczykowski. Pour la première fois à Prague, ce dernier, membre du nouveau gouvernement formé par le parti conservateur Droit et justice (PiS), a cependant dû également répondre aux critiques visant un projet de réforme des médias publics polonais.

Witold Waszczykowski,  photo: ČTK
Prague et Varsovie ont la même analyse sur les solutions à apporter à la question des réfugiés : il serait nécessaire de baisser le nombre de migrants qui entrent dans l’espace Schengen et de mettre en place un organe de surveillance opérationnel de ses frontières extérieures. Sur la sécurité, les violons des deux capitales sont bien accordés. Le gouvernement issu des élections parlementaires polonaises organisées en octobre dernier défend une ligne atlantiste, position qui a également ses adeptes en Tchéquie. En conférence de presse, Witold Waszczykowski a ainsi estimé que la sécurité européenne devrait être garantie, pas seulement en coopération avec l’UE, mais aussi, et peut-être surtout, dans le cadre de l’OTAN, dont les deux pays auraient selon lui intérêt à être des acteurs importants. Aussi pour le politologue Lubomír Kopeček, interrogée par la Télévision tchèque, le cabinet du social-démocrate Bohuslav Sobotka aurait plus d’atomes crochus avec le nouveau pouvoir en place à Varsovie qu’avec l’ancien gouvernement libéral d’Ewa Kopacz :

« Sur la question migratoire, il y a eu auparavant quelques décisions qui, selon certaines opinions, auraient pu menacer l’existence même du groupe de Visegrád (le V4). Je rappelle qu’il s’agissait d’un désaccord sur le thème des quotas obligatoires pour l’accueil des migrants. Le précédent gouvernement, mené par le parti de la Plate-forme civique, a décidé au dernier moment d’accepter ce système des quotas que refusaient la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie. »

Outre cette thématique géopolitique, qui confirme la réticence des pays d’Europe centrale à contribuer à l’accueil des réfugiés, le ministre polonais n’a pas oublié d’évoquer le chapitre économique, où tous les voyants sont au vert, puisqu’il a rappelé que la Tchéquie est le deuxième plus important partenaire économique de la Pologne après l’Allemagne et qu’elle devrait le rester.

Dans la capitale tchèque, Witold Waszczykowski n’a cependant pas pu éviter les controverses déjà nombreuses auxquelles fait face son gouvernement parfois qualifié d’ultraconservateur. Plus tôt dans la journée de lundi, il avait ainsi reçu, après convocation, l’ambassadeur allemand en poste en Pologne qui devait répondre de propos jugés « anti-polonais » tenus par plusieurs politiciens allemands. Après des polémiques portant sur des réformes de la Cour constitutionnelle et des services de renseignement, Varsovie fait désormais l’objet de vigoureuses critiques pour un projet de loi sur les médias publics. Le chef de la diplomatie polonaise a commenté :

Witold Waszczykowski et Lubomír Zaorálek,  photo: ČTK
« Nous corrigeons un système médiatique qui s’est avéré dysfonctionnel ces dernières années. Nous voulons que les médias publics, les seuls concernés par la réforme, soient des médias ouverts aux larges débats politiques qui ont cours en Pologne. »

A l’inverse des voix qu’on peut entendre à Bruxelles ou dans différentes capitales occidentales qui disent craindre pour l’Etat de droit en Pologne, certains évoquant un risque « d’orbanisation », en référence au premier ministre hongrois, les politiciens tchèques restent plutôt mesurés. Lubomír Zaorálek a bien illustré cette tendance, en veillant bien à ne pas froisser son invité du jour :

« J’ai confiance dans le fait que la démocratie polonaise va fonctionner de telle sorte que l’opposition politique disposera d’un espace pour exprimer ses opinions. Tout simplement je pense que la Pologne, qui a derrière elle plusieurs années d’une évolution positive, est en mesure de supporter un changement de gouvernement. Pour ma part, je n’ai pas de doute sur le fait que la liberté d’expression perdure en Pologne. »

Quoi qu’il en soit, le ministre tchèque estime que les deux pays devraient s’appuyer sur les éléments qui les rapprochent plutôt que de s’écharper sur leurs oppositions, au rang desquelles on compte par exemple un conflit frontalier mineur en passe d’être résolu ou encore un débat récurrent sur les produits alimentaires polonais, dont la qualité est parfois mise en doute côté tchèque.