Visegrád - Ukraine : malgré tous les désaccords, la volonté de ne pas couper les ponts entre voisins

Radosław Sikorski, Jan Lipavský, Péter Szijjártó, Juraj Blanár

Un peu moins d’un mois après les Premiers ministres, les chefs de la diplomatie des quatre pays du groupe de Visegrád (V4) étaient réunis à leur tour à Prague, jeudi. La guerre en Ukraine, et notamment le soutien militaire à Kyiv, qui divise le groupe en deux camps aux positions diamétralement opposées, avec d’un côté la Tchéquie et la Pologne, et de l’autre la Hongrie et la Slovaquie, a une fois encore été au centre de toutes les attentions.

Malgré leurs nombreuses divergences sur la guerre en Ukraine, tous ont néanmoins convenu, jeudi à Prague, que l’agression de la Russie constituait une violation du droit international et qu’il convenait que le territoire ukrainien reste à l’intérieur des frontières internationalement reconnues. Là où les quatre pays du V4 s’entendent beaucoup moins, en revanche, c'est sur la manière de faire en sorte que l’Ukraine puisse défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale et repousser les troupes russes hors de ses frontières.

Alors que Prague et Varsovie sont favorables à un soutien à l'Ukraine quasi sans limite dans tous les domaines, et notamment donc militaire, la Hongrie et la Slovaquie, elles, appellent à l’ouverture de négociations de paix, sans toutefois en préciser les conditions.

Péter Szijjártó et Juraj Blanár | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

« Nous n’enverrons aucune arme à l’Ukraine parce que nous pensons qu’aucune solution militaire ne permettra de résoudre ce conflit », a ainsi déclaré le ministre slovaque, Juraj Blanár. Pas plus la Slovaquie que la Hongrie ne participeront donc à l’initiative tchèque visant à acheter quelque 800 000 munitions pour l’Ukraine auprès de pays situés hors de l’Union européenne.

Sur ce point concret, le chef de la diplomatie tchèque, qui a rappelé combien il était dans l’intérêt de toute la région (d’Europe centrale et de l’est) que l’armée russe reste aussi loin que possible de ses frontières, a d’ailleurs remercié la Pologne. En plus de la promesse de mettre la main à la poche, celle-ci s’est en aussi engagée à mettre en œuvre les moyens logistiques qui seront nécessaires pour permettre au projet tchèque d’aboutir.

Répétant, lui aussi, que l’agression russe était « injuste et illégale », le ministre polonais, Radoslaw Sikorski, n’a pas manqué d’exprimer son profond désaccord avec les positions hongroise et slovaque.

Radoslaw Sikorski et Jan Lipavský | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

« Si vous appelez une victime à négocier tout en refusant de lui fournir les instruments et moyens de se défendre par elle-même, cela signifie qu’en réalité vous l’appelez à capituler », a-t-il regretté lors de la conférence de presse durant laquelle il se tenait symboliquement à la droite de son homologue tchèque et où tous se sont exprimés en anglais.

Alors que les ministres hongrois et slovaque ont récemment rencontré leur homologue russe Sergueï Lavrov, tous deux expliquant qu’en matière de diplomatie il convenait de discuter aussi avec ceux qui ne partagent pas les mêmes points de vue et que fermer les canaux de communication avec la Russie reviendrait à abandonner l’espoir d’une solution diplomatique au conflit, Radoslaw Sikorski et Jan Lipavský ont, eux, exclu cette possibilité.

Jan Lipavský | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

« Il faudrait que les conditions soient réunies pour qu’une telle rencontre puisse être envisagée, mais il faudrait aussi que celle-ci soit nécessaire et puisse aboutir à quelque chose de concret. Et ce n’est pas le cas actuellement », a constaté le chef de la diplomatie tchèque.

Malgré ce gouffre qui les sépare, donc, pour ce qui est du conflit en Ukraine, mercredi, peu après avoir reçu personnellement son homologue polonais, Jan Lipavský, tout en reconnaissant que la recherche d’un dénominateur commun n’était pas chose aisée actuellement, s’est dit convaincu que le groupe de Visegrád dans son format actuel conservait du sens. Selon lui, les quatre pays parviennent encore à s’entendre en matière de coopération au sein de l’OTAN ou sur un certain nombre de questions européennes comme le soutien à l’énergie nucléaire, la lutte contre la migration clandestine ou le renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’UE.

« Le V4 reste opérationnel et nous partageons tous les quatre l’intérêt et la volonté qu’il en reste ainsi. C’est la meilleure nouvelle aujourd’hui », s’est ainsi réjoui le ministre hongrois, Péter Szijjártó, sans que l’on sache très bien s’il s’agissait là de sa part d’un trait d’ironie ou de la déclaration d’une réelle volonté d’entretenir, malgré tout, des relations de bon voisinage.

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