Albrecht de Wallenstein et son époque

Le portrait d'Albrecht de Wallenstein, avant 1628

Un noble tchèque, généralissime, commandant en chef des armées impériales, symbole de la Guerre de Trente ans, fin commerçant, stratège, diplomate, mais aussi un mécène grand amateur d’art, bâtisseur de palais et de villes, et généreux donateur : tout cela caractérise le duc Albrecht de Wallenstein dont nous fêterons l’année prochaine le 425e anniversaire de la naissance. Une grande exposition installée au palais que Wallenstein a fait ériger dans le quartier de Mala Strana à Prague et qui est aujourd’hui le siège du Sénat jette un regard nouveau sur cette personnalité controversée et sur son époque, longtemps considérée comme celle des ténèbres dans l’histoire tchèque.

Le portrait d'Albrecht de Wallenstein,  avant 1628
« Lorsque l’on m’a demandé à qui on pourrait comparer aujourd’hui la personnalité d’Albrecht de Wallenstein, j’ai répondu qu’on pourrait le comparer à quelqu’un comme Bill Gates – homme d’affaires, extrêmement travailleur. Issu d’une famille modeste, Wallenstein est devenu l’une des personnalités les plus marquantes de l’Europe de la première moitié du XVIIe siècle, une personnalité controversée et attrayante à la fois, dont les activités militaires sont connues mais ses réalisations dans le domaine de la culture ne cessent de surprendre et restent toujours sous-estimées », raconte la commissaire de l’exposition, Eliska Fucikova, à propos de la personnalité de Wallenstein.

Albrecht de Wallenstein
Qui était cet homme qui a influé sur l’histoire de l’Europe de la première moitié du XVIIe siècle ? Né en 1583 et élevé dans la foi luthérienne, Albrecht Vaclav Eusebius s’est converti au catholicisme en 1606. Au cours d’un voyage à travers l’Europe, il apprend à parler plusieurs langues et, de retour en Bohême, il opte pour une carrière de militaire. En 1604, il entre dans l’armée impériale et participe à la guerre opposant l’Autriche à la Turquie. L’expérience acquise et son ambition de briller l’aideront à progresser dans la hiérarchie militaire. En 1606, il est nommé colonel supérieur et, la même année, afin d’être admis au service de l’archiduc habsbourgeois Mathias, il se convertit au catholicisme. C’est sous le drapeau de Mathias qu’il part pour une première expédition contre le frère de ce dernier, l’empereur Rodolphe II.

La bataille de la Montagne blanche
En 1609, Albrecht épouse Lucrèce de Landek et ce mariage lui permet d’intégrer les rangs de la noblesse morave. Peu après le congrès morave de 1615, le gouvernement du pays morave nomme trois colonels de l’armée des Etats moraves, dont l’un, Albrecht de Wallenstein, est chargé de commander un régiment d’infanterie. Lorsque, après la défénestration pragoise en 1618, le soulèvement des Etats éclate à Prague, Wallenstein, bien qu’il soit au service des Etats, se range du côté de l’empereur. Wallenstein est en effet peu scrupuleux sur l’emploi des moyens et son pari sur une alliance avec l’empereur lui rapportera de gros bénéfices. Pour sa trahison, les Etats moraves finissent par l’expulser et lui confisquent tous ses biens. Or, après leur défaite dans la bataille de la Montagne blanche, c’est Wallenstein qui va confisquer les biens des Etats.

En 1619, les troupes de Wallenstein participent aux combats du côté de l’armée impériale habsbourgeoise contre le nouveau roi de Bohême, Frédéric de Palatinat. Malade, Wallenstein n’intervient pas personnellement dans les combats, mais avec son régiment, il avance jusqu’à Louny, ville stratégique sur la route de la Saxe à Prague, et lorsque la ville refuse de capituler, il donne l’ordre de l’incendier… D’autres villes, sous l’effet des violences, n’opposent plus de résistance et payent à Wallenstein une forte rançon. Après cet épisode, Wallenstein va s’installer à Prague et grâce aux prêts généreux accordés à l’empereur, il accède aux grosses fortunes qui font de lui l’un des hommes les plus riches de l’empire. C’est à Prague qu’il entreprend la construction du somptueux palais Wallenstein et se procure d’autres biens confisqués. Ses troupes, toujours actives, réussissent à conquérir une grande partie de la Silésie.

Le camp d'Albrecht de Wallenstein
La situation internationale s’aggrave et Wallenstein en profite pour mettre en oeuvre ses plans : auparavant, déjà, il avait proposé à l’empereur d’édifier une puissante armée, mais sa proposition n’est acceptée qu’en 1625. Le 25 juillet 1625, Wallenstein est nommé général des armées de 24 000 hommes. En septembre, son armée ouvre une offensive en Saxe qui va durer cinq ans. Wallenstein occupe de nombreuses villes saxes, occupe le territoire autour de l’Elbe et s’assure une position très forte en Allemagne qui lui vaut le surnom de général de la mer du Nord. Grâce à ces succès militaires, il s’inscrira dans l’histoire de l’Europe comme commandant militaire respecté et redouté.

La bataille de Lützen en 1632
Durant la Guerre de Trente ans, Wallenstein connaît des hauts et des bas. Licencié en 1630 du poste de commandant de l’armée impériale, il entame des entrevues privées secrètes considérées comme hostiles à l’égard de l’empereur. Finalement, l’empereur l’engage encore une fois. La bataille de Lützen, où Wallenstein conduit les armées impériales contre l’armée du roi suédois Gustav Adolf, ne connaît ni vainqueur ni vaincu et ce résultat indécis compromettra la réputation de Wallenstein. En outre, des rumeurs courent sur ses entrevues avec l’adversaire. Les méfiances à son égard culminent le 25 février 1634 avec son assassinant à Cheb.

L'assassinant de Wallenstein à Cheb
Mais Wallenstein était plus qu’un guerrier. Propriétaire de vastes domaines dans le nord de la Bohême, il a contribué d’une façon marquante à la prospérité économique et culturelle des villes de Jicin, Frydlant et Liberec. La présente exposition réhabilite la personnalité de Wallenstein ainsi que son époque, souligne Eliska Fucikova, commissaire de cette exposition :

« Les oeuvres exposées présentent d’une façon très personnelle Wallenstein et sa famille, elles montrent sa générosité, la grandeur de son esprit d’entreprise, ses réalisations qui ont changé l’image urbanistique des villes de Jicin, Liberec, et d’autres… Il est très intéressant de voir comment il organisait son immense domaine ainsi que ses entreprises militaires : Ainsi, par exemple, il était capable d’assurer la production journalière de 20 000 pains pour les soldats et de les acheminer vers l’armée. La logistique, les transports alors pratiquement inexistants étaient des armes très puissantes de Wallenstein. On peut conclure qu’il était l’un des rares Tchèques que toute l’Europe du XVIIe siècle connaissait, à part Comenius. »