Alchymista, un musée du café au centre de Prague
Originaire d’Ethiopie et introduit en Europe aux alentours de 1600, le café est arrivé en pays tchèques environ cent ans plus tard. Son histoire est à découvrir au Musée du café - Alchymista, situé dans le quartier pragois de Bubeneč, à quelques pas des parcs de Letná et de Stromovka. Nous l’avons visité en compagnie de Kateřina Ebelová, sa propriétaire et directrice.
« Nous voilà devant un ancien torréfacteur. Il a un tambour à l’intérieur, dans lequel on mettait du café vert. Ensuite, on le chauffait, souvent avec du charbon de bois. L’ouvrier devait ensuite faire tourner l’appareil pendant une vingtaine de minutes, pour que les grains soient toujours en mouvement et torréfiés de façon uniforme. En haut, il y a une petite cheminée pour libérer la chaleur et l’odeur. Curieusement, on ne sent pas l’odeur du café au cours de la torréfaction, car on fait brûler la peau des grains. Ce n’est qu’à la fin du processus que le café prend son arôme typique. »
Alchymista est un petit musée privé consacré à l’histoire du café en Bohême-Moravie. Situé au numéro 7 de la rue Jan Zajíc, dans le 7e arrondissement de Prague, il est associé à une galerie d’art nommée Scarabeus. La propriétaire du musée Kateřina Ebelová exploite aussi un joli café, une « cukrárna » comme on dit en tchèque, à proximité immédiate du musée.Le musée présente de nombreux accessoires, anciens et plus récents, liés à la consommation du café, ainsi que des photos qui évoquent l’univers des célèbres cafés pragois, tels que le Louvre, le Slavia ou l’« Unionka », très fréquentés au XIXe et XXe siècles par des artistes, écrivains et poètes.
Le premier café pragois a vu le jour en 1714, soit une quarantaine d’année après l’ouverture d’un premier café à Paris. Kateřina Ebelová :
« Il est documenté dans les archives que le premier vendeur de café à Prague s’appelait Deodatus, c’était un Arménien qui est arrivé à Prague d’Istanbul. Il a ouvert son commerce à la Maison au Serpent, situé rue Karlova, au cœur de la Vieille-Ville. Il préparait du café dans son appartement situé à l’étage et le proposait ensuite aux passants dans la rue. Plus tard, il a ouvert un café au pied de la tour située près du pont Charles. Mais avant cela, un café avait été ouvert à Brno, en Moravie. »A l’époque, le café était vendu en pharmacie, torréfié, moulu et emballé dans de belles boîtes qui font aujourd’hui rêver les collectionneurs d’objets anciens. Leur seul défaut était qu’elles n’étaient pas étanches et le café perdait son parfum.
Rare et coûteux, notamment pendant les périodes de guerre, le café a souvent été remplacé en pays tchèques par des boissons à base végétale, comme nous le raconte Kateřina Ebelová :
« C’est quelque chose d’assez typique pour notre pays. Les Tchèques ont toujours beaucoup consommé des boissons à base de chicorée ou de seigle torréfiés. Ils préparaient aussi du ‘café’ à base de fruits, un café aux figues par exemple qui était très populaire. On importait des figues de Croatie et d’Italie, on les torréfiait dans une usine à Kolín et on les vendait sous forme de petits cubes pressés. Cette boisson n’existe plus sur le marché, mais à l’époque de la Première république tchécoslovaque, elle était couramment consommée. Nous le savons grâce à des boîtes à café qui se sont conservées jusqu’à nos jours. »Même si la consommation du café progresse constamment dans le pays, les Tchèques ne se classent pas parmi les plus gros buveurs de café en Europe : ils n’en consomment qu’environ deux kilos par personne et par an (soit une tasse et demi par jour en moyenne) comparé par exemple à douze kilos en Finlande. Kateřina Ebelová explique comment ont changé les habitudes et les préférences des Tchèques au cours des dernières décennies :
« Avant la révolution de Velours, les Tchèques consommaient uniquement ce qu’ils appellent ‘le café turc’, ‘turek’ en tchèque, c’est-à-dire du café non-filtré. Ce que l’on pouvait acheter dans les magasins, c’était une sorte de robusta de mauvaise qualité. Peu à peu, on s’est habitué au café instantané qui était très à la mode ici à une certaine époque. Aujourd’hui, les Tchèques, eux aussi, savent préparer et apprécier un café de qualité. C’est toujours une question de mode, ce qui est le plus consommé actuellement, c’est du café arabica avec des notes fruitées et florales. C’est un café en torréfaction claire. Personnellement, j’aime le goût plus traditionnel du café dont la couleur de torréfaction est foncée, il est moins acide. »Pour déguster un bon café fraîchement torréfié, ainsi que le meilleur de la pâtisserie tchèque, rendez-vous au café Alchymista et, bien sûr, dans le musée éponyme. D’autres musées du même genre se trouvent à Klentnice, en Moravie du Sud ou encore à Pardubice, en Bohême de l’Est.