Alzbeta Oulikova

Alzbeta Oulikova
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Les magnifiques chapeaux de la modiste Alzbeta Oulikova, née en 1890 à Prague, complétaient souvent les exquises créations de la grande couturière Hana Podolska. A l'opposé de cette dernière, dont les prix des tenues étaient exorbitants et pratiquement inaccessibles pour le commun des mortels, A. Oulikova avait une philosophie différente. Sa devise était : Joli et à prix raisonnable. Ainsi on peut dire que le « Tout-Prague » achetait ses chapeaux, partant de la petite bonne, passant par la boulangère du coin jusqu'à la richissime bourgeoise ou la vedette de cinéma. Ses chapeaux étaient toujours des modèles uniques, élégants, la qualité du matériel exquise à un prix intéressant. Dans son magasin, il y avait donc des articles pour les femmes de toutes les couches sociales. A. Oulikova n'avait pas de formation professionnelle, mais elle était très créative avec de bonnes idées en tête. La modiste arrangeait elle-même les vitrines de son magasin et dessinait les modèles de ses chapeaux. Elle s'inspirait également des magazines parisiens et, rarement, il lui arrivait même de copier un joli modèle de Paris.

Pour obtenir plus d'informations sur la remarquable modiste j'ai contacté son petit - fils, maître Tomas Oulik, que j'ai rejoint dans son cabinet de notaire au centre de Prague. Un bureau qui ne ressemble en rien à ces bureaux modernes et impersonnels sillonnés par l'électricité statique. Les meubles de qualité en bois portent le cachet d'un goût héréditaire. Dans certaines pièces, on retrouve les photos des années vingt et trente des modèles de chapeaux de sa grand-mère. Maître Oulik, homme discret et galant avec beaucoup de classe a gentiment refusé de participer à notre émission s'excusant qu'il n'aimait pas s'afficher en public, mais il salue cordialement nos auditeurs. Par ses paroles, maître Oulik a fait revivre les temps des succès de sa grand-mère.

Alzbeta Oulikova était issue d'une famille bourgeoise qui habitait au rez-de-chaussée d'un immeuble situé dans un quartier de Prague, près de la Vltava. Très souvent, les habitants étaient victimes de la hausse du niveau du fleuve. Jeune fille, Alzbeta tombe amoureuse de Vaclav Oulik, fils de fermier et relieur de métier, qu'elle épouse pour lui donner quatre enfants. Vers la fin de la Grande Guerre, Alzbeta achète avec son mari une maison à crédit où plus tard elle installe son magasin. La boutique est divisée en deux parties : l'atelier et le magasin. Le matériel tel que le feutre est livré de différentes régions de la Bohême. Le nombre des effectifs est de 14 modistes qui, en pleine saison, aident toutes à la vente des chapeaux, tellement il y a de clients. Alzbeta a le sens des affaires.

La boutique de Madame Oulikova
Elle donne beaucoup d'importance à la publicité, et fait passer des annonces représentant les photos des modèles de ses chapeaux dans les magazines les plus prestigieux du pays et au cinéma. Par contre, son mari Vaclav n'est pas trop passionné par la création et la vente des chapeaux, il s'ennuie. Sans hésiter, Alzbeta lui achète un maraîchage où il cultive des fleurs et les vend. Mais finalement, Vaclav prend goût à la boutique et travaille au magasin de sa femme comme caissier.

Madame Oulikova était catholique romaine non pratiquante. Elle appréciait la bonne cuisine et pour différentes fêtes elle confectionnait de très bons plats, souvent assistée par la cousine de la famille de son mari. A cette occasion, elle et son mari invitaient toujours une personne socialement faible. Une fois, le couple invita une mendiante. Ce jour-là, il n'y avait pas de viande au menu. La mendiante en fit la remarque, ce qui mit le mari d'Alzbeta en colère. Par la suite le couple n'invita plus aussi souvent ce genre de personnes : Faites - vous miel, les mouches vous mangeront.

La présidente de l'Association des modistes tchèques, Alzbeta Oulikova, est décédée en 1938 à Prague. Son fils venait d'être mobilisé. Vaclav, le mari d'Alzbeta vécu jusqu'à l'âge de 95 ans.

Après le décès d'Alzbeta Oulikova, le magasin fut reprit par son mari Vaclav. Mais finalement trop âgé, il ne pouvait plus s'occuper du magasin et en remit la gestion à son fils, le père de maître T. Oulik. Lui-même se mit à écrire de jolis poèmes. Après la prise du pouvoir par les communistes, en 1948 le magasin fut confisqué. Le père de maître Oulik continua de créer des chapeaux, mais pour les magasins d'état.

Madame Alzbeta Oulikova ne sortait jamais sans chapeau, elle en portait même à la campagne. Par contre, son petit-fils Tomas Oulik n'en porte jamais, estimant que c'est un accessoire obsolète.

Photos prêtées par Tomas Oulik

Photos du calendrier de Lenka Oulikova