Areva, seul candidat européen, écarté de l’appel d’offres pour l’extension de Temelín
La nouvelle a fait l’effet d’une petite bombe, vendredi, en début d’après-midi. La compagnie énergétique ČEZ a fait savoir qu’elle avait écarté le groupe français Areva de l’appel d’offres pour l’extension de la centrale nucléaire de Temelín. Laissant en jeu deux acteurs seulement : une société américaine et un consortium russe.
Toutes ces raisons ont été expliquées en détail dans un rapport transmis à Areva par la société tchèque. Des raisons que peine à comprendre Michal Šnobr, analyste de la société d’investissement J&T :
« Je dois dire que c’est une énorme surprise pour moi. Quand j’ai entendu la nouvelle de l’écartement d’Areva, j’ai pensé qu’il s’agirait de raisons purement formelles. Dès que j’ai eu vent du communiqué plus précis de ČEZ, selon lequel il s’agit de raisons commerciales et légales d'un caractère fondamental, j’ai été vraiment surpris : j’ai du mal à imaginer qu’une société aussi importante qu’Areva ait pu faire autant d’erreurs pour être éliminée dès ce premier tour, alors que cet appel d’offres est extrêmement important pour elle dans le cadre de l’Union européenne. »
Selon l’édition de samedi du quotidien Mladá fronta Dnes, cette élimination serait liée au fait que l'entreprise française n'aurait pas garanti un prix de livraison fixe et aurait ignoré certaines lois tchèques relatives à l'énergie atomique. D’après des « sources sûres » citées par le journal, la société ČEZ estimerait qu’Areva n’aurait pas été en mesure d'assurer les conditions de prix et de délai de livraison prédéterminés. La firme française aurait ainsi été dans l'incapacité de préciser combien coûteraient certains éléments de cette commande géante dont la valeur estimée représente une somme comprise entre 200 et 300 milliards de couronnes (8 à 12 milliards d'euros).Les spéculations font évidemment florès depuis l’annonce de vendredi, certains allant même jusqu’à envisager, sinon l’annulation pure et simple de l’appel d’offres si de semblables manquements venaient à être découverts chez les autres participants, à tout le moins son retardement. Cette dernière hypothèse est davantage privilégiée par Zuzana Kubátová, du quotidien économique Hospodářské noviny :
« L’idée que tout le processus prenne du retard, parce que ČEZ va vouloir éclaircir certains détails techniques avec les fournisseurs, n’est pas du tout improbable. Je pense qu’aujourd’hui, c’est même avantageux pour ČEZ parce que plus le groupe va repousser sa décision, plus il a de chance de faire le bon choix. A l’heure actuelle, ČEZ prendrait une décision sans disposer de certaines informations importantes du marché qui pourraient être plus claires un an plus tard. »
D’autres analystes estiment toutefois que cet écartement jette une ombre néfaste sur l’ensemble de l’appel d’offre. Michal Šnobr :« Certes, il reste toujours deux candidats, il existe toujours une certaine concurrence au niveau du prix. Mais il faut dire que c’est un candidat de l’Union européenne qui a été écarté et qui construit à l’heure actuelle des réacteurs sur le sol de l’UE. Les deux autres candidats ont des contrats en Asie, en Russie et ne sont pas des fabricants européens. Cela complique donc grandement l’appel d’offres. Et si Areva décide de porter plainte, et pas seulement de faire appel, cela peut sérieusement prolonger tout le processus d’appel d’offres. »
Seuls deux participants restent donc à l’heure actuelle en lice : l'américain Westinghouse (contrôlé par le japonais Toshiba) et le consortium des russes Atomstroïexport et Gidropress alliés au tchèque Škoda JS. En attendant, la société Areva s’est seulement exprimée pour dire qu’elle allait faire appel de cette décision et a fait savoir que son offre était la plus compétitive. Le groupe français à quinze jours pour faire objection.