Biedermeier, la réhabilitation d’un style

Table à coudre, vers 1820

« Biedermeier, l’art et la culture en Bohême et en Moravie entre 1814 et 1848 », tel est le titre d’une exposition que les Pragois peuvent voir ces jours-ci au Manège du Château de Prague. Le Biedermeier, un style parfois décrié, souvent considéré comme conservateur, petit-bourgeois, prend aujourd’hui une suprême revanche. Les auteurs de l’exposition le montrent comme un style qui correspondait aux concepts de la vie pratique et qui, grâce à son rationalisme et à son élégance, est devenu précurseur de la modernité.

700 objets qui datent pour la plupart de la première moitié du XIXe siècle, sont réunis au Manège du Château de Prague. Le commissaire de l’exposition Radim Ondráček a caractérisé le style Biedermeier en ces termes :

«Le Biedermeier ne cherche pas à exprimer une révolte contre le monde. Il cherche au contraire une autre facette de la vie qui est également nécessaire et dont nous avons tous besoin de temps en temps. C’est la recherche des certitudes de la vie, la recherche d’un refuge, l’attention pour les choses qui se trouvent dans l’entourage immédiat de l’homme, etc. (…) Bien qu’on puisse parler de Biedermeier aussi en politique par exemple, cette exposition se propose de le présenter surtout comme un style artistique que ce soit dans les arts plastiques ou dans les arts appliqués, style qui est déjà relativement bien documenté dans la littérature et qui se manifeste par des traits caractéristiques.»

Quels sont donc les principaux traits du style Biedermeier ? Il s’agit surtout d’une simplification de la forme et de l’absence de décor. Les créateurs de l’époque ont mis l’accent sur la beauté du matériel, la pureté des lignes, les surfaces simples et lisses. Ces traits sont caractéristiques non seulement pour l’ébénisterie, domaine dans lequel ce style s’est épanoui sans doute avec le plus de vigueur mais aussi par exemple dans la verrerie. Dans les arts plastiques, c’est un peu plus compliqué mais dans ce domaine également nous pouvons constater l’apparition d’un nouveau rapport vis-à-vis de la réalité vécue, vis-à-vis du monde et de la nature.

L’exposition se divise en plusieurs parties. Dans la partie inaugurale, ses auteurs présentent le règne et la personnalité de l’empereur François Ier d’Autriche, personnage emblématique de toute cette période. Ils se penchent aussi sur le comportement délibérément plus simple et plus modeste des élites de l’époque et sur l’influence de ce nouveau mode de vie sur toute la société.

«Les autres parties de l’exposition évoquent surtout les arts appliqués de cette période, le mobilier historique, les articles de verre, de porcelaine, les objets d’usage quotidien qui sont présentés dans la section intitulée ‘La proximité des choses’. Une autre partie est consacrée à l’iconographie du Biedermeier et à toute une série de motifs caractéristiques pour la vie des gens de ce temps-là. L’homme de cette période préfère aux changements et tournants historiques l’idée de la stabilité, de la continuité, des retours cycliques et de l’ordre supérieur. Il se considère comme faisant partie d’un ordre auquel il doit se soumettre et qu’il ne doit pas violer.»

Une section de l’exposition est réservée à la mode féminine et masculine, une autre partie des objets exposés représente le rapport entre l’homme et la nature, rapport qui se manifestait notamment dans la peinture et plus précisément dans le paysagisme de l’époque. Et l’exposition débouche sur une section qui retrace les influences que le Biedermeier allait exercer sur les époques postérieures et la façon dont il s’est reflété par exemple dans la création des architectes et designers du XXe siècle dont Josip Plečnik, Jan Kotěra et Leopold Bauer.

Photo: Musée des Arts décoratifs de Prague