Bony Wilfried : « La sélection tchèque ? Pourquoi pas ? »
Pour la première fois de son histoire, la Coupe du monde de football se dispute cette année en Afrique. Vu depuis Prague, la République tchèque est forcément la grande absente de cette grande fête du ballon rond. Elle l’est d’autant plus qu’un seul joueur évoluant dans son championnat sera présent sur les terrains en Afrique du Sud : le milieu de terrain slovaque du Sparta Prague Juraj Kucka. Mais au Sparta, un autre joueur aurait pu rêver de participer au Mondial : le jeune attaquant ivoirien Bony Wilfried (21 ans). Arrivé à Prague il y a trois ans de cela, le natif d’Abidjan est parvenu à gagner sa place au sein de l’effectif de l’un des deux plus grands clubs tchèques. Titulaire à part entière la saison dernière et auteur de dix buts, Bony Wilfried a pleinement contribué à la reconquête par le Sparta du titre de champion de République tchèque. Pour autant, Bony Wilfried voit plus loin encore, comme il nous l’a confié la semaine dernière :
Qu’attendez-vous personnellement de cette nouvelle saison ?
« D’abord faire mieux encore que la saison passée. Mais pour que je puisse donner le meilleur de moi-même, il faut que je sois en bonne santé. Jusqu’à présent, j’ai souvent souffert de différents pépins. Il va falloir que je profite de chaque entraînement pour lui prouver qu’il a raison de me faire jouer et de mettre sur le terrain. »
Vous entamez la préparation pour la nouvelle saison. Un des objectifs du Sparta sera d’abord d’essayer de se qualifier pour la Ligue des champions, éventuellement de faire mieux que la saison dernière en Ligue Europa, où vous avez été éliminés en phase de groupes. Comment expliquez-vous les difficultés du Sparta en coupes d’Europe ?
« Je pense que nous souffrons d’un manque d’expérience. Nous sommes une équipe très jeune, et à l’automne les mêmes joueurs jouaient jusqu’à trois fois par semaine. On a donné le maximum. Parfois cela suffisait, mais d’autres fois non. On ne baisse pas les bras, on sait que les matchs sont durs pour nous à ce niveau. »
Revenons à votre arrivée au Sparta. Comment êtes-vous venu à Prague ? Vous êtes l’un des rares joueurs africains en République tchèque ?
« Je suis arrivé pour un essai. J’ai d’abord passé six mois avec l’équipe réserve. Il fallait d’abord que je m’adapte. Ce n’est qu’ensuite que j’ai intégré l’équipe première. Ce n’était pas facile pour moi, car je suis passé de l’équipe B, qui venait de finir sa saison, à l’équipe A, qui entamait sa préparation pour la saison suivante, sans pratiquement aucun repos. »
Avant de venir au Sparta, vous avez fait un essai aussi à Liverpool…
« Oui, c’était en 2005. J’ai passé près d’un mois là-bas. Ce n’était pas mal, mais c’est compliqué en Angleterre. Il faut beaucoup de papiers. Il fallait que je revienne encore pour d’autres essais. Mais même si j’avais été pris, j’aurais sans doute été prêté car il faut un permis de travail. Je suis donc rentré en Côte d’Ivoire, où j’ai continué à jouer et à m’entraîner normalement. Jusqu’au moment où j’ai reçu une invitation du Sparta. J’ai préféré ne pas attendre et je me suis dit ‘pourquoi ne pas aller là-bas ?’. Si c’est par Prague que je dois passer pour réussir, pourquoi ne pas y aller. J’ai tenté ma chance et ça a marché. »Que saviez-vous de la République tchèque avant de venir ?
« Je connaissais la République tchèque grâce à ses footballeurs, comme Pavel Nedvěd, Petr Čech ou Karel Poborský. C’est un pays qui est connu à ce niveau-là. Mais cela n’enlève rien au fait que cela a été très difficile au début. La langue n’est pas facile, le climat est complètement différent, le mode de vie aussi, et il fallait que je m’intègre. »
Vos bonnes prestations la saison dernière vous ont valu d’apparaître à plusieurs reprises dans les médias tchèques. On a pu lire quelques interviews avec vous, et tout le monde semble se féliciter de vos progrès en tchèque…
« C’est comme le reste : quand tu veux quelque chose, il faut se donner à fond ! J’ai toujours mon dictionnaire à la maison, et dès qu’il y a un mot que je ne comprends pas, je cherche dedans. Et quand je ne sais pas, je demande. Quand je découvre un nouveau mot dans le dictionnaire, j’essaie de la placer dans une conversation les jours suivants. Tous les jours, je découvre ainsi au moins deux ou trois mots. »
Alors, vous êtes tellement bien intégré qu’à un certain moment la saison dernière, après avoir fait plusieurs très bons matchs, notamment en coupes d’Europe, les médias tchèques ont évoqué l’éventualité de vous sélectionner en équipe nationale tchèque. Dans quelle mesure cette idée était-elle sérieuse ?
« Oui, j’ai vu ça aussi dans les journaux. Le club m’a renseigné. Mais il faut vivre au minimum cinq ans ici avant de pouvoir entamer des démarches allant dans ce sens. Le problème est que je ne sais pas si j’ai envie de rester cinq ans ici. L’important en attendant est donc de rester tranquille et de garder la tête sur les épaules. »Malgré tout, seriez-vous prêt à jouer pour l’équipe nationale tchèque si la possibilité s’offrait à vous ? Ou est-ce une éventualité que vous n’envisagez pas du tout car votre pays, c’est la Côte d’Ivoire ?
« Non, ce n’est pas inimaginable. Je ne serai pas le premier joueur qui changerait de nationalité, ni le dernier. Mais pour le moment, comme je l’ai dit, l’essentiel est de continuer à travailler et à progresser. La priorité, c’est le Sparta. Pour le reste, ce qui doit se passer se passera. »
A signaler que le Sparta Prague a fait signer deux joueurs camerounais ce lundi. Le défenseur Bondoy Adiaba et l’attaquant Léonard Kweuke, en provenance de Slovaquie (Dunajska Streda), font l’objet d’un prêt d’une saison avec option d’achat. Deux jeunes Ghanéens en provenance de Nice sont également actuellement à l’essai.