Bruno Crémer : « A Prague, on est en terrain familier »
La récente disparition de l’acteur Bruno Crémer a attristé non seulement le public français mais aussi beaucoup de cinéphiles et téléspectateurs tchèques. En Tchéquie cet artiste dont le physique était, selon un critique, un subtile mélange de virilité et de douceur, est souvent identifié au personnage du commissaire Maigret, héros des romans policiers de Georges Simenon, qu’il a incarné d’une façon inimitable et inoubliable. Et c’est justement la série des Maigret qui a été tournée en grande partie à Prague et en République tchèque. Le célèbre comédien en avait parlé d’ailleurs au micro de Radio Prague en avril 2004 lors d’un de ses nombreux séjours pragois.
« De Maigret, que je viens tourner ici depuis environ une douzaine d'années. On vient à peu près trois, parfois quatre fois par an. Alors, on est en terrain familier et même affectif, parce qu'on a la grande chance d'avoir la même équipe depuis douze ans. Des liens d'amitié se sont formés et on travaille dans des conditions assez exceptionnelles. C'est rare de pouvoir travailler comme ça, d'une manière aussi chaleureuse. »
Est-ce que les rues et les intérieurs de Prague correspondent aux décors dont vous avez besoin pour ce film?
« Oui, parce que le monde de Simenon, le monde de ses romans, le monde de Maigret, est un monde qu'on peut situer dans les années cinquante. La plupart des histoires se passent à Paris, mais à Prague il y a des coins qui peuvent parfois évoquer aussi une ville des années cinquante, ce qui émane de Prague dans certains quartiers peut avoir le même charme que certains quartiers de Paris. »
Dans le passé, plusieurs acteurs célèbres ont joué le rôle de Maigret. Est-ce que vous avez donné à votre Maigret quelque chose de spécial ?
« Oui, j'ai complètement révolutionné Maigret, n'est-ce pas... (rires) Non, j'ai eu la chance, si je puis dire, de pouvoir de ne pas être influencé par les autres interprétations parce que je n'en ai vu aucune. Alors je suis arrivé avec un œil neuf. J'ai essayé, et c'est peut-être particulièrement à moi, j'ai essayé de le rendre plus intemporel, de lui donner un caractère un peu mythique, plus proche d'un psy que d'un policier. C'est un peu le médecin des âmes. Alors, le côté naturaliste, le côté que lui donne Simenon quand il le décrit chez lui, tout cela, on l'a gommé. Tout cela date un peu, tout ce côté, pas misogyne, mais paternaliste un peu, macho, lorsque Simenon décrit les rapports de Maigret avec sa femme. Les femmes ont beaucoup évolué. Donc, on ne s'est pas beaucoup attaché à tout ce côté-là, et on garde de Maigret sa passion, son don extraordinaire de psychologue qui exerce son métier avec une sorte d'intuition et de créativité. C'est ce côté-là de Maigret vers lequel je suis allé. »Avez-vous pendant le tournage aussi un peu de temps pour voir Prague, pour vous promener dans les rues et pour vivre la vie des Pragois ?« Oui, j’ai l’impression maintenant d’être à Prague un peu comme à Paris. Je regrette un peu, c’est la seule chose que je regrette à Prague, c’est qu’on ne voit pas assez les Pragois. Prague est inondée (pardon pour l’expression qui rappelle un mauvais souvenir), envahie par les touristes qui prennent un peu le pas sur les habitants. C’est le seul reproche qu’on puisse faire. En même temps, ce sont le charme et la beauté de la ville qui attirent le monde entier. Alors tant mieux pour les Tchèques. »