Chapitres de l’histoire
Le 10 septembre nous commémorons le 55e anniversaire de la mort de Josef Gocar, le plus célèbre et le plus original des architectes tchèques du XXe siècle. Son nom figure sur la liste des personnalités mondiales de l'UNESCO.
ssu d'une famille de brasseurs, Josef Gocar est né le 13 mars 1880 à Semtin près de Pardubice, en Bohême de l'Est. Son talent exceptionnel ne tarde pas à se manifester, de sorte que cet apprenti orfèvre abandonne bientôt son métier pour se consacrer aux études d'architecture. En 1907, deux ans après avoir terminé ses études, ce brillant disciple de Jan Kotera participe déjà au projet du pavillon du commerce construit pour une exposition de la Chambre de commerce et d'artisanat, en 1908. Ainsi commence une carrière vertigineuse que l'on peut diviser en trois étapes principales, à première vue très différentes du point de vue de l'expression artistique.
Dans l'esprit de la terminologie habituelle, la première étape de la création de Gocar peut être désignée comme moderniste. Cette étape relativement courte dans les années 1909-1910 a vu se former clairement sa conception peu conventionnelle de l'architecture. Gocar ignore entièrement la dualité de la création architectonique et comprend la construction comme une condition nécessaire de la création de l'espace et de son expression dans la façade qui, selon lui, doit jouer le rôle d'un médiateur communicatif. Il a su concrétiser cette idée dans la construction du magasin Wenke dans la ville de Jaromer. L'ossature en beton armé lui a permis de créer un espace à deux étages avec une galerie qui présente une façade homogène en métal et en verre. Le troisième étage à balcon est modernisé par un revêtement en céramique. La construction que son auteur a conçue à l'âge de vingt-neuf ans a devancé son temps de quinze ans.
Le projet de concours de l'édifice de l'Hôtel de ville sur la place de la Vielle Ville de Prague, où une masse pyramidale étagée se dresse monumentalement parmi les maisons horisontales et sobres comme si elle voulait détourner l'attention de l'église Notre-Dame-du-Tyn, dominante traditionnelle de cette place, est un présage d'un changement de style, d'une nouvelle expression artistique. Ce projet qui a été reçu avec beaucoup d'indignation à son époque est considéré effectivement comme le début d'un mouvement unique et spécifique dans l'architecture européenne - le cubisme tchèque - qui marque la deuxième période de la création artistique de Gocar.
La première construction réalisée dans ce style est la Maison 'A Notre-Dame Noire', rue Celetna à Prague, sans laquelle on ne peut pas imaginer l'entrée de la vieille ville. Il s'agissait, en effet, d'un grand magasin construit pour le grossiste Frantisek Josef Hechst, dont le rez-de-chaussé et le deuxième étage étaient réservés aux échoppes de nouveautés, le troisième étage aux bureaux et, le quatrième étage était réservé aux appartements. Son nom vient de la statuette baroque du XVIIe siècle située au front de la maison. La maison 'A Notre-Dame Noire' abrite depuis 1994 le Musée tchèque des arts plastiques.
En 1919, Gocar reprend son travail, interrompu par la guerre. En gardant la conception plastique et dynamique de sa création, il lance pourtant de nouvelles formes. Dans cette période, il opte aussi pour des couleurs plus marquées comme le prouve l'édifice de la banque Legiobanka à Prague, une réalisation datant du début des années vingt. Le rondocubisme, nom dont on désigne ce style, ne manque effectivement pas de légitimité. L'expression cubiste trouve vraiment un terrain propice dans la création de Gocar. En témoigne son projet du pavillon tchécoslovaque réalisé à l'Exposition internationale des arts décoratifs à Paris, dont le frontispice, sous forme d'une quille, est une dernière réminiscence de l'épanouissement du cubisme d'avant-guerre. Gocar a eu besoin moins de cinq ans pour passer d'une expression plastique à la pureté de la forme et cette période se reflète manifestement dans les constructions qu'il projetta, dans les années 1922-27, pour la ville de Hradec Kralové. Il a pris l'inspiration sur Le Corbusier, selon lequel les villes modernes devraient être plus claires et accueillantes. A Hradec Kralové il ne s'agissait pas seulement de la construction de différents bâtiments, écoles, églises, centres administratifs mais de tout un plan urbanistique. Grâce à Gocar, Hradec Kralové est une des plus belles villes tchèques, avec des boulevards éclairés, de grandes places et surtout une conception artistique claire où la nouvelle ville s'harmonise parfaitement avec le noyau historique.
Dans les années trente, Josef Gocar adopte une expression équilibrée et mûre d'un excellent professionnel. Il participe à presque tous les grands concours et son atelier dessine des séries complètes de constructions identiques en matière de genre mais d'une grande variété quant à la conception plastique du thème donné.
En 1924, Gocar devient professeur et chef de la chaire d'architecture à l'Académie des arts plastiques à Prague. Sa carrière d'enseignant n'est pas moins brillante que celle d'architecte et beaucoup de ses disciples contribueront considérablement à la renommée de l'architecture tchécoslovaque de l'entre-deux-guerres. L'oeuvre de Gocar est recon
nue aussi au-delà des frontières du pays. En 1925 à Paris, il remporte le Grand Prix pour le pavillon tchécoslovaque et l'année suivante il se voit décerner l'Ordre de la Légion d'honneur et devient membre correspondant de l'Institut royal des architectes britanniques. Il est élu membre de quatrième classe de l'Académie tchèque des Sciences et des arts.
Josef Gocar a été doté d'un talent exceptionnel qu'il développait systématiquement, grâce à sa capacité peu commune de donner une forme artistique perceptible aux impulsions de l'époque. Apparement aisée et pleine de victoires et de reconnaissances, sa vie n'était pas pour autant exempte de conflits intérieurs et de déceptions. Presque la moitié de sa vie de créateur est marquée par les périodes d'amertume et de vains espoirs accompagnant son effort de réaliser son plus grand rêve - la construction de la Galerie d'Etat. Il a présenté au total treize projets pour différentes localités pragoises mais ce travail gigantesque n'a été jamais réalisé.
Josef Gocar a travaillé pratiquement jusqu'à son dernier soupir. Il nous a laissé un héritage remarquable: plus de quatre cents projets dont la moitié a été réalisée.