Cinquante cinq ans depuis l'organisation de la conférence de Potsdam
Les conférences de Yalta, en février 1945, et de Potsdam, en juillet de la même année, avaient préparé la réorganisation du monde. L'Allemagne fut totalement occupée et divisée en quatre zones, américaine, britannique, française et soviétique. Berlin, en zone soviétique, fut partagé de la même manière, devenant un germe de conflit pour l'après-guerre. En Europe centrale et orientale, les pays satellisés par l'Allemagne le seront désormais par l'Union soviétique qui avait installé des gouvernements communistes au fur et à mesure de l'avance de l'Armée rouge. Cette année, cinquante cinq ans se sont écoulés déjà depuis l'organisation de la conférence de Potsdam, mais certaines de ses conclusions ne cessent d'être remises en question notamment par certaines forces politiques allemandes qui cherchent ainsi à défendre leurs intérêts. Ces derniers concernent notamment le transfert des Allemands des Sudètes et leurs actuelles revendications patrimoniales. C'est pourquoi nous consacrons ces Chapitres de l'histoire tchèques à la conférence de Potsdam et son impact.
Après les conférences de Yalta et de Téhéran, la conférence de Potsdam a réuni au Cecilienhof de Potsdam du 17 juillet au 2 août 1945 les représentants de trois grandes puissances qui avaient combattu l'Allemagne : l'Union soviétique, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Elle avait pour objectif de régler les questions posées par la victoire. Elle décida la création d'un conseil des ministres des Affaires étrangères des cinq Grands, y compris la France et la Chine, pour conclure des traités avec l'Allemagne et ses satellites. Mais son objectif principal fut de définir le statut de l'Allemagne après la défaite de celle-ci et de déterminer les conditions et les modalités de transfert des Allemands de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie. Le dernier jour de la conférence, on a signé le « Rapport sur la conférence tripartite de Berlin " ; il comprenait un chapitre intitulé « Le transfert civilisé de la population allemande". On peut lire dans ce chapitre, je cite : "Les participants à la conférence ont convenu du transfert des Allemands de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie. Les trois gouvernements ont examiné cette question et ont abouti à la conclusion que la population allemande installée dans les trois pays cités devait être transférée en Allemagne. Les signataires du traité estiment aussi que ce transfert doit être réalisé de façon civilisée et humaine... ", fin de citation.
Au moment de l'adoption des conclusions de Potsdam, le président tchécoslovaque de l'époque, Edvard Benes, a publié le décret par lequel les Allemands tchécoslovaques perdaient la citoyenneté tchécoslovaque et leurs biens étaient confisqués conformément aux décrets du 19 mai, du 21 juin et du 25 octobre 1945. Rappelons que les décrets concernaient non seulement les Allemands mais quiconque avait nui aux intérêts de l'Etat tchécoslovaque pendant la guerre. Conformément au traité de Potsdam, les Allemands devaient être transférés de façon civilisée et humaine mais, comme on était au lendemain de la guerre, ce transfert a pris souvent le caractère d'une chasse sauvage qui rappelait, à plus d'un titre, les pratiques fascistes. A l'époque, environ 2 500 000 Allemands ont dû quitter la Tchécoslovaquie.
Après le changement du système politique en République tchèque, en novembre 1989, certaines forces politiques allemandes ont cherché à mettre en doute certaines conclusions de Potsdam. On se posait notamment la question de savoir si elles engageaient la Tchécoslovaquie à transférer les Allemands des Sudètes ou si elles étaient seulement une recommandation ou un consentement des puissances à ce transfert. Tandis que Berlin et des spécialistes allemands du droit international estiment que le traité des Potsdam n'engage en rien l'Allemagne sur le plan juridique, et que le transfert est donc considéré comme un acte dépourvu de légitimité, la partie tchèque insiste sur le fait que ce traité constitue une base juridique de l'arrangement d'après-guerre, y compris le transfert des Allemands des Sudètes. Selon eux, il ne s'agissait que d'une décision politique que l'Allemagne n'avait jamais reconnue. Cette constatation repose sur trois arguments : premièrement, le traité stipule un transfert civilisé et humain, condition qui n'était pas respectée ; deuxièmement, le terme "expulsion" figurant dans le texte du document, est en contradiction avec le droit des peuples à l'autodétermination au sens actuel des Droits de l'homme ; et troisièmement, du point de vue juridique, le traité ne lie pas l'Allemagne qui n'y fut pas partie prenante.
Les spécialistes tchèques, eux, estiment qu'après sa débâcle, l'Allemagne vit passer ses pouvoirs entre les mains des puissances victorieuses pour être représentée par ces dernières au moment de la signature.
Vu les revendications sudéto-allemandes, les Tchèques avaient peur que l'Allemagne ne réclame les territoires perdus ou des compensations patrimoniales. Mais ces craintes se sont avérées injustifiées, car l'Allemagne est signataire de la Convention sur l'arrangement des affaires - conséquences de la guerre et de l'occupation - signée le 26 mai 1952 à Bonn et amendée par le Protocole sur la fin du régime d'occupation en République fédérale d'Allemagne signé le 23 octobre 1954 à Paris. Rappelons que ces deux documents sont restés en vigueur aussi après l'adoption du dit accord 2+4 concernant l'arrangement définitif des relations avec l'Allemagne à la veille de la réunification des deux Allemagnes. L'accord 2+4 a été signé à Moscou en 1990 par les Etats-Unis, l'Union soviétique, les deux Allemagnes, la Grande-Bretagne et la Pologne.