Coup de projecteur sur les festivals internationaux de cinéma

L'Ennuie à Brno
0:00
/
0:00

Culture sans frontières vous invite aujourd'hui dans les coulisses des grands festivals internationaux de cinéma. Quelles sont leurs règles de sélection et leurs particularités ? Et pourquoi les films tchèques sont-ils si peu présents à des rendez-vous cinématographiques importants ? Autant de questions auxquelles les invités de ce magazine essayeront de répondre.

L'Ennuie à Brno
Tereza Brdeckova : "Je pense que chaque année, la République tchèque produit au moins trois films de qualité qui mériteraient d'être présentés aux grands festivals. Je pense par exemple aux Cendres et cachotteries d'Alice Nellis ou à l'Ennuie à Brno. Ce sont des films universels, compréhensibles partout dans le monde. Franchement dit, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateur à Cannes, on voit, parfois, des films qui sont nettement moins bien... Tout simplement, les pays post-communistes ne sont pas à la mode en se moment, mais on n'ose pas le dire à haute voix."

Tereza Brdeckova est journaliste, écrivain et directrice artistique du festival du film, de la télévision et de la vidéo Febiofest, dont la 12e édition se tiendra début avril à Prague. En marge du dernier Festival du film français, elle a animé, à l'Institut français, un débat public des professionnels du cinéma, tchèques et étrangers, organisé autour du thème : festivals internationaux de cinéma, rencontres artistiques ou outils marketing ? Mais, comme vous l'avez entendu, la discussion a été axée surtout sur la place du cinéma tchèque, et en l'occurrence centre-européen, sur la scène internationale. Guy Braucourt, membre du comité de sélection du Festival de Cannes, a été mitraillé de questions sur l'absence des films tchèques dans ce géant parmi les festivals...

G. B. : "Il y a des cycles... Je me souviens que dans les années 1980, le cinéma anglais avait disparu du Festival de Cannes. Les Anglais ont protesté, ils ont presque boycotté le festival. Tout ce que je peux dire que ce soit pour le cinéma tchèque, polonais ou espagnol qui ne va pas bien en ce moment, à l'exportation, c'est qu'il faut attendre. Il va se passer quelque chose. C'est comme en sport. Est-ce que c'est dû aux conditions du pays, aux conditions économiques, je n'en sais rien. Souvent, un cinéma national peut être florissant chez lui et ne pas être vendable, exportable. Mais ce n'est pas grave ! Je vais vous faire un aveu : cette année, on a fait un effort, on s'est dit qu'on allait quand même trouver un film allemand... On a pris un film allemand, mais alors, on n'a pas fait du bien au cinéma allemand... Le film a été massacré, au mieux, il est passé inaperçu."

Au sortir du débat, je me suis entretenue avec David Cenek qui collabore à l'organisation de plusieurs festivals de cinéma tchèques, notamment ceux de l'Ecole d'été de cinéma d'Uherske Hradiste et de Febiofest.

D. C. : "Je trouve inutile de parler de la sélection des films dans des festivals, parce que le choix est toujours subjectif... Ce qui m'a irrité, c'était ce débat à propos d'excellents films tchèques qui ne sont pas acceptés par les grands festivals. Il faut avouer que les films tchèques contemporains ne sont pas très intéressants pour le public étranger, parfois même pour le public tchèque. La renommée du réalisateur n'y change pas grand chose : les célèbres réalisateurs tchèques des années 60, Chytilova, Menzel, Nemec, sont toujours actifs, mais leurs films ne sont pas sélectionnés non plus... Sinon, je voudrais que les festivals tchèques, celui de Karlovy Vary et les autres aussi, bougent plus, qu'on y projette, comme à Cannes, des films 'dont on parle'".

Que faudrait-il alors pour que le cinéma tchèque renoue avec ses succès des années 60 et captive davantage le public international ? Tereza Brdeckova :

"A mon avis, notre pays ne manque pas de bons réalisateurs, mais ce qui fait défaut ici, ce sont des sujets susceptibles de captiver le public international. Les pays ex-communistes, y compris la Tchéquie, sont préoccupés par d'autres soucis que l'Europe occidentale : nous n'avons pas de minorité musulmane, on n'a pas encore trop de problèmes d'immigration, il n'y a pas de guerre ici, on vit bien, donc c'est totalement sans intérêt pour les médias et festivals étrangers. Mais il faut quand même rappeler qu'il y a, chaque année, quelques films tchèques à Berlin, à Venise, à Locarno, mais surtout à Rotterdam. C'est normal, parce que ce sont les festivals 'civils' où le cinéma tchèque trouve facilement sa place : chez nous, on tourne des films plutôt intimistes, à petit budget, qui parlent des vies ordinaires."

De plus, la République tchèque a des lacunes à combler au niveau de la diffusion de ses films. Seule la mini-équipe du Centre du film tchèque de Prague, au budget très restreint, s'en occupe.

T. B. : "On n'a pas encore des structures développées pour pouvoir montrer nos films aux directeurs des festivals. On devrait faire comme les Norvégiens. Il y a quinze ans, personne ne connaissait leurs films et aujourd'hui, ils sont partout, dans tous les festival. Et ils sont beaucoup moins nombreux que nous et dix fois plus 'provinciaux'! Mais ils ont un centre cinématographique qui embauche une vingtaine de personnes intelligentes et bien payées qui ne s'occupent que de la promotion du cinéma national dans le monde. Voilà ce qu'il nous faut."

"Mon festival préféré ? Cannes, évidemment. C'est la 'haute couture' de cinéma : on sait ce qu'on va porter l'année prochaine. Et puis, comme les Français, en tant que peuple latin, adorent discuter, vous voyez, après chaque projection, des cercles de journalistes se former, vous voyez naître l'opinion de la critique sur tel ou tel film, ce qui est, bien sûr, très intéressant."

Auteur: Magdalena Segertová
lancer la lecture