Czech made: le Semtex
Radio Prague vous propose cette année une série estivale consacrée à des marques et des produits de la République tchèque dont la réputation dépasse les frontières du pays. De l’antivirus Avast aux tracteurs Zetor en passant par le Semtex, la pervitine ou le knedlík - poilu ou non – la sélection ne sera sûrement pas exhaustive ; elle n’en sera pas moins variée.
A l’origine du nom Semtex, le hameau de Semtín, situé près de la ville de Pardubice, abrite le siège de la société Explosia.
Employé par cette société au doux nom, l’ingénieur chimiste Stanislav Brebera va développer le Semtex au milieu des années soixante, et la Tchécoslovaquie communiste commence à fabriquer en série ce nouvel explosif de type plastique.
Indétectable, inodore, résistant à l’eau et aux fortes températures, la réputation du Semtex s’établit rapidement dans les réseaux terroristes et Prague en exporte à tour de bras vers des contrées où il est clair que son usage ne sera pas prioritairement civil.Mouammar Kadhafi figure parmi les meilleurs clients de l’industrie d’armement tchécoslovaque, Semtex compris.
Si le doute plane encore sur la véritable identité des auteurs de l’attentat de Lockerbie et leurs motivations, il a été établi avec certitude que c’est bien du Semtex tchécoslovaque qui a servi en 1988 à faire exploser le Boeing de la compagnie PanAm au-dessus de l’Ecosse.
En 1990, le nouveau président Václav Havel déclarait que le régime qu’il avait contribué à renverser avait livré en tout plus de 1000 tonnes de Semtex à Tripoli, sur ordre de Moscou et à prix apparemment défiant toute concurrence.Pour son créateur Stanislav Brebera, c’est à cause de Kadhafi que le Semtex est devenu l’explosif privilégié par les terroristes :
« C’est justement ce qui induit les gens en erreur : les terroristes pouvaient utiliser d’autres explosifs : du C4 américain, du PE anglais, du français, même des explosifs industriels. Mais si le Semtex est devenu aussi tristement célèbre, déclarait Stanislav Brebera à Radio Prague, c’est parce qu’il a été exporté vers la Libye et que de là il était facilement accessible pour les terroristes du monde arabe et l’IRA. »
Stanislav Brebera est décédé en 2012. A son grand dam, son invention a fait beaucoup de victimes et le Semtex tue encore aujourd’hui.Dernière victime connue en date : l’ambassadeur palestinien à Prague, apparemment victime d’un reste de cet explosif dissimulé et que ses prédécesseurs auraient oublié de signaler.
Deux ans avant c’est une explosion accidentelle dans l’usine même de la société Explosia à Semtín qui a tué quatre employés.
La société Explosia est toujours contrôlée par l’Etat. Le plan du précédent gouvernement tchèque en vue de la privatiser n’a pas abouti. En revanche l’entreprise voisine Synthesia, qui reste son principal fournisseur, est tombée dans l’escarcelle du goupe Agrofert fondé par Andrej Babiš, aujourd’hui ministre des Finances.
Pour éviter que le conflit d’intérêt soit trop explosif, Explosia n’est plus, depuis quelques semaines, sous la tutelle du ministère des Finances mais sous celle du ministère de l’Industrie et du Commerce.Certains se demandent pourquoi le nom du Semtex n’a pas été changé pour redorer son image. « Malheureusement, c’est vrai que sans Lockerbie personne ne nous connaîtrait aujourd’hui », reconnaît Libor Antoš, le président du conseil d’administation d’Explosia.
Après une mauvaise passe, la société s’est refaite une santé ces derniers mois, notamment grâce à un nouvel explosif, appelé Razor et destiné aux destructions d’immeubles.Mais Semtex reste une marque déposée à très fort potentiel. Du coup certains tentent de se l’approprier : une boisson énergétique porte ce nom mais a eu quelques démêlés juridiques avec Explosia, Madonna a frôlé le procès après avoir baptisé sa société de production Semtex girls. L’un des DJ les plus populaires de la BBC se fait appeler DJ Semtex.