Dana Kyndrová (2ème partie)
Nous vous proposons la 2ème partie de l'entretien avec la photographe tchèque Dana Kyndrova.
Est-ce que vous-n’avez jamais ressenti d’hostilité, voire une sensation de danger, lorsque vous avez photographié les sans-abri ou les drogués dans la rue ?
« Bien sûr, parce que ces gens vivent dans des conditions très dures. Et lorsque vous arrivez vers eux, ils ont souvent l’impression que vous allez utiliser les photos pour les journaux et ils sont mécontents, alors parfois leur agressivité contre le monde actuel se concentre sur vous. »
Avez-vous eu peur ?
« Non. J’ai peur qu’un jour on me vole mon appareil photo, mais sinon je n’ai pas peur. »
Récemment vous avez eu deux expositions sur l’arrivée et le départ des troupes soviétiques de la Tchécoslovaquie après la chute du régime communiste. D’où vous est venue l’idée ?
« Sous le régime totalitaire j’ai photographié beaucoup de manifestations communistes. J’ai travaillé sur ce sujet pendant quinze ans et naturellement pendant la Révolution de velours tout le monde photographiait les mêmes choses, mais la fin réelle du système totalitaire, ça a été le départ des troupes soviétiques, alors j’ai poursuivi mon travail et j’ai fini mon projet sur le système totalitaire par le départ des troupes soviétiques. »
Dans l’exposition intitulée « Départ des troupes soviétiques », il y a aussi quelques photos en couleur. Chez vous, c’est assez rare. Pourquoi avez-vous choisi de mettre de la couleur dans les photos ?
« Les photos en couleur représentent le décor que j’ai photographié dans les casernes parce qu’il y avait le rouge et le jaune agressif, ce qui est très typique pour le système communiste totalitaire. Et moi j’ai senti qu’il fallait le faire en couleur, alors dans ce projet il y a des photos de gens et de soldats ordinaires, la pauvreté et la misère de ces gens qui ont vécu dans ce système et ils sont placés dans ce décor aux couleurs communistes. Je pense que cela va très bien ensemble. »
Actuellement vous êtes en train de préparer une exposition sur Jan Palach, l’étudiant qui s’est immolé sur la place Venceslas en janvier 1969 pour protester contre l’invasion des troupes soviétiques. Pourriez-vous me parlez de ce projet plus en détail ?
« En ce qui concerne cette exposition, il ne s’agit pas de mes photos car à l’époque j’avais quatorze ans et je ne photographiais pas encore. Mais je collecte les photos des photographes tchèques et slovaques qui ont saisi ces dix jours qui ont suivi la mort de Jan Palach, qui s’est immolé le 16 janvier 1969 et dont les funérailles ont eu lieu le 25 janvier. Je rassemble donc les photos sur ces dix jours qui montrent la situation critique à Prague, parce que il y avait beaucoup de manifestations, l’ambiance était très émotive, alors je me suis dit que c’était une chose à faire. Je suis donc commissaire de cette exposition. Et moi j’ai fait une exposition sur 1968, cette été, à la galerie Mánes à l’occasion du 40ème anniversaire et Jan Palach va bien avec. »
Vous avez dit que vous avez commencé à faire de la photo à 18 ans. Qui était l’initiateur ou l’initiatrice qui vous a amené à faire de la photo, est-ce que c’était votre père ou votre mère ?
« C’était ma mère qui était dans les années soixante rédactrice dans le journal ‘La photographie tchécoslovaque’. Elle voulait que je fasse de la photographie, mais moi je ne voulais pas. Puis il y a eu ces deux copains au lycée dont j’ai parlé, et ma mère m’a dit qu’il fallait leur montrer que j’étais capable, alors j’ai commencé à photographier.»
Quel était exactement l’objectif des photos prises dans le cadre du projet la Femme française proposé par le ministère français des Affaires étrangères ?
« J’ai passé deux mois à Paris, j’ai surtout photographié les cabarets - le Moulin Rouge, le Crazy Horse, j’ai pris des photos dans les rues, ce qui ce passe à Paris. A l’époque je travaillais déjà sur le projet sur la femme et j’ai choisi Paris précisément pour ses cabarets et l’ambiance. »
Vous avez aussi été en Suisse est-ce que c’était dans le cadre du même projet?
« C’était le début de ce projet parce qu’on m’a proposé une bourse et on m’a demandé d’écrire un projet. J’ai écrit un projet sur la femme parce que je me disais que cela pourrait être très intéressant. Il était dans mon intention de comparer la femme tchèque et la femme suisse, trouver les différences et les points communs. C’était en 1993, j’ai passé six mois en Suisse et après je me suis dit que j’allais continuer et que j’allais finir ce projet. Mais la bourse suisse était le début de ce projet. »
J’ai cru comprendre que vous avez vécu un certain temps en Algérie...
« Oui, quand j’avais neuf ans, mon père était entraîneur de volley-ball à Alger. J’ai passé deux ans à Alger et c’est là que j’ai commencé à parler le français. »
Je vous remercie de cet entretien.
Dana a obtenu huit prix dans le cadre du concours Czech Press Photo 1995, 1999 et 2006, le Prix principal du tour national Fujifilm Euro Press Photo Awards 1998 et une subvention attribuée par le maire de la ville de Prague en 2006 dans le cadre du projet des organisations à but non lucratif pour personnes en état d’insuffisance sociale. Parmi ses publications citons : Per musicam aequo, la Femme entre l’inspiration et l’expiration, le départ des troupes soviétiques 1990-1991, la Russie subcarpatique et bien d’autres encore.