Dans le tramway de Prague (III) : à bord de la ligne 9 de Smíchov à Olšany
Pour ce troisième épisode notre série, embarquez à bord de la ligne 9 avec Averil Huck. Bientôt guide touristique féministe, elle nous fait découvrir Prague au rythme de la lutte pour les droits des femmes.
Nous sommes montées dans le tramway numéro 9 à l’arrêt U Zvonu, dans le quartier de Smíchov. Après avoir profité de la vue sur le Château de Prague depuis le pont des Légions, nous sommes arrivées dans la Vieille-Ville. Une fois de l’autre côté de la place Venceslas, la Gare centrale de Prague nous a fait face, puis notre trajet s’est terminé derrière le cimetière d’Olšany, où sont enterrées des personnalités importantes pour l’histoire des droits des femmes, telles les écrivaines Eliška Krásnohorská ou Karolína Světlá…
Saviez-vous que… sur les 28 présidents et présidentes de l’Académie tchèque des Sciences, deux seulement étaient des femmes ? Qu’à l’arrêt Vodičkova se situe ce qui a été la première école primaire pour filles dans les pays tchèques au sein de l’Empire Austro-Hongrois ?
Voici quelques extraits de ce reportage que nous vous recommandons vivement d’écouter !
Averil Huck, pourquoi avez-vous choisi la ligne numéro 9 ?
« Je prenais cette ligne quasiment tous les jours pour aller au travail, donc elle est importante pour moi. Nous sommes à Smíchov, c’est mon quartier, là où j’habite depuis quatre ans. Et c’est un peu mal famé : les Pragois et Pragoises n’aiment pas trop traîner par ici, mais moi j’adore. C’est là où il y a mes restaurants vegan préférés. Je vous recommande d’aller à Pastva, à l’arrêt Anděl. Ou alors à Eaternia, si vous voulez de la junk food. »
« Chose intéressante : les nouvelles rues de ce quartier porteront les noms de plusieurs femmes importantes de l’histoire tchèque. J’ai une liste de quelques noms, comme Madeleine Albright, qui a été secrétaire d’État des États-Unis — et elle est née à Smíchov, donc ça fait sens qu’elle prenne de la place ici. Il y a aussi une rue qui sera appelée Toyen, une artiste surréaliste bien connue. Ou encore Jiřina Šiklová, sociologue et dissidente sous l’ère communiste. Elle a ouvert la voie aux études de genre en Europe centrale. Donc c’est très important d’avoir le nom de personnes féministes dans les rues de Prague. »
« Là, on est à Arbesovo náměstí. J’aime bien faire mon shopping par ici. Ma boulangerie préférée est un arrêt avant. Elle s’appelle « Tady a teď », je recommande ! »
« On va arriver à Švandovo divadlo. Je ne suis jamais allée à ce théâtre. Mais c’est à faire, un de ces quatre. Et il y a Cyrano de Bergerac ! »
Est-ce que vous avez des souvenirs marquants dans le tram ?
« Ce qui me vient en tête s’est passé il y a quelques mois. J’ai aidé à plusieurs reprises des grands-mères à descendre du tram, parce que les vieux trams ont des grandes marches et ce n’est pas toujours facile, pour les personnes qui ont des problèmes, de monter dans le tram ou d’en descendre. Je me suis sentie vraiment intégrée parce que je leur ai dit quelques mots en tchèque et elles étaient contentes. C’est un souvenir qui me fait plaisir. »
« On va arriver à Lazarská, qui est un peu le hub de la nuit. C’est là que tous les trams de nuit s’arrêtent et qu’on verra tous les gens qui étaient en soirée essayer de rentrer chez eux. C’est assez drôle à voir, de temps en temps »
Oui, parce que tous les trams s’arrêtent cinq minutes, je crois. J’avais calculé, une fois. C’est vrai que c’est très pratique que le tram passe la nuit. Il y a une assez bonne fréquence. Ce n’est pas quelque chose que l’on voit dans toutes les villes.
« À Lyon par exemple, les métros s’arrêtaient à une heure du matin, même le week-end. Après, il y avait peut-être un ou deux bus de nuit, si je me souviens bien. Mais c’était assez galère. Alors qu’à Prague, on se sent très libre de nos mouvements. »
Selon vous, qu’est-ce que les transports en commun de Prague disent de Prague ?
« Je pense que l’esthétique des trams nous dit quelque chose de l’esthétique tchèque. J’adore les plus anciens trams et je trouve que cela apporte une identité. Il y avait eu un vote pour changer la voix qui donne le nom des arrêts, et les gens pouvaient choisir pour celle qu’ils préféraient. Je trouve que c’est une bonne initiative aussi, au niveau de l’engagement citoyen. Là, on arrive à l’arrêt Vodičkova. Je ne sais pas si vous voyez la Základní škola, l'école élémentaire… Aujourd’hui, ce très beau monument est une école primaire, mais ça n’a pas toujours été le cas. En 1867 y a été inaugurée une école primaire pour les filles. C’était la première sur les terres tchèques au sein de l’Empire Austro-Hongrois. Aussi, pendant quelques années, le premier lycée pour filles de toute l’Europe centrale, le gymnasium Minerva, a été hébergé pendant quelques années dans cette école-là. C’était un lycée privé. Les femmes qui l’ont créé ont eu du mal à avoir un endroit stable, donc elles ont bougé pendant quelques années dans différents locaux. »
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