David Tišer : « Toute ma vie, j’ai brisé des tabous »
Être gay, lesbienne ou trans est rarement un avantage. Mais quand comme David Tiser, on est ouvertement gay et rom, les oppressions subies sont multiples. A la croisée de deux minorités, il a décidé de se battre pour défendre les Roms et les personnes LGBT, se heurtant parfois à l’homophobie des uns ou au racisme des autres.
« Il y a des groupes ethniques roms comme les Sinti ou les Olah qui peuvent excommunier leur fils gay. Donc beaucoup ne veulent pas parler de leur homosexualité avec leur famille. »
Si David Tišer a pu faire son coming out sereinement au sein d’une famille plutôt ouverte, ils sont relativement peu de Roms à avoir cette chance. Dans son film Roma Boys, largement autobiographique, il raconte le destin de son partenaire, battu puis excommunié par sa famille après avoir annoncé son homosexualité. Le film, très partagé par les Roms homosexuels, a contribué à façonner la communauté rom LGBT, qui, avant l’arrivée de David Tišer, était tout simplement inexistante.
« Toute ma vie, j’ai brisé des tabous. Pas seulement celui de l’homosexualité. C’était une première étape. Bien sûr, dans ma famille, mon coming out s’est bien passé, mais pour mon partenaire, qui est un Rom olah, ça s’est très mal passé. Sa famille l’a battu, et il s’est réfugié à Prague. C’est pour ça qu’on a lancé la campagne I will say it… »
« Je m’appelle Luboš, Denisa, Miro, Patrik, je suis rom, je suis gay, je suis un être humain… »
Publiée au début de l’année 2017, la campagne I will say it réalisée par Ara Art, voulait aider les jeunes roms à sortir du placard sans craindre le rejet de sa famille. Ara Art a ensuite reçu beaucoup de messages de jeunes homosexuels en détresse.
Les Roms homosexuels, victimes du racisme au sein de la communauté LGBT
Mais l’oppression n’est pas l’apanage de la communauté rom. En tant que jeune Rom ayant grandi à Plzen, non loin de la frontière allemande, il a été de nombreuses fois battus pendant son adolescence. Il raconte aussi avoir mis un an à trouver un appartement. Au sein de la communauté LGBT, David Tišer peut aussi vivre une forme de racisme.« A Prague, il y a un club gay qui ne nous autorise pas à rentrer parce que nous sommes Roms. C’est pour cela que je parle de discrimination multiple. La différence entre les Tchèques et les Roms, c’est que l’homosexualité dans la société tchèque est un sujet dont on parle depuis une trentaine d’années. Chez les roms, on a commencé à parler d’homosexualité quand j’ai fondé Ara Art, donc il y a six ans seulement. »
Du fait de cette double-appartenance, trouver sa place en tant qu’activiste n’est pas simple pour David Tišer. Même si son association Ara Art a pris beaucoup d’importance au sein de la communauté rom et fait partie des organisateurs de la journée internationale des Roms, ainsi que que la marche des fiertés, il fait état du rejet qu’il subit régulièrement au sein même des milieux activistes.
« C’est compliqué parce que beaucoup d’activistes roms sont homophobes. Ils ne veulent pas coopérer avec moi. Mais ils sont bien obligés puisque je suis l’expert quand il s’agit d’alerter la société sur le racisme que les Roms rencontrent par exemple. Donc ils doivent bien me parler, s’asseoir à une table avec moi… Mais d’un autre côté, j’arrive à faire passer mes messages autour de moi, dans la société tchèque, et je suis très soutenu, y compris par des activistes des droits des Roms. »
De l’activisme à la politique
Si la République tchèque n’est pas le pays le plus hostile pour les personnes LGBT, David Tišer sait qu’il y a encore fort à faire. C’est pourquoi le jeune homme a décidé de s’engager en politique. En 2013, il se présente aux élections législatives sur la liste du parti des Verts. Je lui ai demandé pourquoi.« Parce que c’est l’étape suivante. La première étape, c’est celle de l’activisme, dans les associations… Mais si on veut vraiment faire advenir le changement, il faut avoir soit du pouvoir soit de l’argent. Et je n’ai ni l’un ni l’autre… Ou alors il faut entrer en politique. C’est comme ça qu’on arrivera à faire changer les mentalités. Quand j’ai voulu me présenter aux élections législatives, il m’a semblé que les Verts étaient le seul parti qui me correspondait. Les autres étaient plus problématiques… Aujourd’hui, à mon avis, le meilleur parti c’est le parti Pirate. Ils sont vraiment à la pointe des combats pour les droits humains. Et beaucoup de gens des Verts ont rejoint les Pirates… Je pense que c’est un très bon parti. »
En attendant les prochaines échéances électorales, David Tišer a fort à faire, occupé entre ses cours, son association, et la préparation de multiples manifestations politiques en faveur des droits humains. Parce que quand on est rom et homosexuel, et qu’on veut le clamer haut et fort, on s’engage dans un travail à temps plein.