Deux footballeurs français ont fait de leur vie en Tchéquie un rêve (suite)

En signant, à l'été 2003, un contrat de deux ans pour le club de Marila Pribram, en Bohême centrale, Jean Arnaud Loseille et Noël Alexandre Mendy prenaient certes un risque, mais voyaient aussi s'offrir à eux la chance de leur vie. Sans véritable perspective d'avenir dans leurs clubs de la région parisienne, il leur a fallu venir en République tchèque pour faire de leur passion un métier.

Aujourd'hui, au terme d'une première saison dans le championnat tchèque qu'eux-mêmes estiment plutôt réussie, les deux jeunes hommes ne regrettent nullement leur choix. A l'image de Jean Arnaud Loseille lorsqu'il évoque la saison prochaine et l'orientation qu'il souhaite donner à la suite de sa carrière :

« Dans un premier temps, je viens d'apprendre par le staff technique de Marila que, pour la préparation d'avant-saison, il y aura un stage d'une ou deux semaines en France avec des matchs contre des grosses cylindrées comme Marseille, Lyon et Lens. Encore uen fois, j'approche du rêve. Si on m'avait dit, il y a six mois de cela, que j'allais jouer en République tchèque comme professionnel et peut-être rencontrer cet été des équipes que je regardais à la télévision... C'est magnifique. Mon objectif pour l'année prochaine est de m'imposer dans l'équipe. Cette année, j'ai un peu plus joué pendant la première partie, alors que pendant la deuxième, j'ai appris, travaillé, progressé physiquement. Je dois rattraper le retard que j'ai par rapport au rythme que j'avais en centre de formation. Mais l'année prochaine, j'aspire à une place de titulaire pour, qui sait ?, me faire remarquer par des équipes plus huppées et ainsi monter encore et toujours et gravir les échelons. »

- A plus ou moins long terme, votre objectif est-il de revenir en France ?

« Mon objectif est de toujours poursuivre ma carrière professionnelle. Ca peut être en France, en Italie, en Angleterre... Peu importe. Peu importe ! (il répète en insistant sur chaque syllabe). C'est vrai que retourner en France serait, non pas une revanche, on ne peut pas dire ça, mais quelque chose de fort quand même, ça oui. »

- Quel st le niveau de la première division tchèque ? Vous est-il possible d'établir une comparaison avec ce que vous avez connu en France ?

« C'est un jeu to-ta-le-ment différent. Justement, quand on va aller jouer en France, ça va être un bon test. En France, je n'ai pas joué en première division, je n'étais qu'un spectateur. J'ai quand même l'impression que le jeu ici, en Tchéquie, est beaucoup plus physique. En France, on pose le ballon, le jeu, on attend l'erreur, c'est vraiment différent. C'est difficile de donner mon avis, il faudrait qu'on se mesure à des équipes françaises pour voir à peu près ce que ça donne. Il y a des équipes françaises qui sont venues jouer en République tchèque et qui se sont cassées la figure. D'un autre côté, l'année dernière, nous avons joué contre Auxerre et perdu 3 à 0. »

- Quels ont été pour vous les moments forts de la saison ? Etait-ce le match contre le Sparta Prague, d'avoir eu Karel Poborsky au marquage et comme adversaire direct, d'avoir joué contre le Slavia Prague ?...

« Lorsque j'ai eu des problèmes avec mon genou pendant la deuxième partie de saison et que je jouais alors un peu moins, je me retournais sur les moments déjà passés qui resteront inoubliables. Quoiqu'il arrive au bout des deux saisons, je n'aurai aucun regret. Tout d'abord, il y a eu le premier match en championnat contre Teplice. Même si nous avons perdu, c'était mon premier match chez les pros et, dans la carrière d'un joueur, ça reste énorme. Après, le match contre le Sparta, alors là... (il s'en amuse) 8000 spectateurs, retransmission télévisée avec une bonne performance à la clef. Enfin, le troisième moment fort a été mon premier but en première divison. »

- En ce moment, des affaires de corruption (six arbitres ont reçu des dessous de table de l'ancien directeur sportif du FC Synot Uherské Hradiste, club qui a terminé cinquième du dernier championnat.) salissent le football tchèque. Quels sont les échos que vous en avez eus et avez-vous déjà été confronté à de telles pratiques ?

« Non, je n'ai pas d'expérience personnelle. J'ai suivi l'affaire de Synot. C'est dommage, mais je pense que c'est un cas unique pour cette saison. J'ai demandé à deux-trois managers ce qu'ils en pensaient, ils m'ont dit que ça se passait aussi peut-être dans d'autres championnats et qu'il ne fallait pas croire tout ce qui raconte. Bon, maintenant, ils se sont faits prendre la main dans le sac. Je ne pense pas que ça se renouvellera, parce que ça a fait gros bruit quand même. Le prochain qui voudra s'aventurer dans de telles pratiques sait ce qu'il risque. Personnellement, je n'ai entendu que cette histoire, donc je n'y fais pas trop attention. »

- Enfin, est-ce que le championnat tchèque est intéressant pour un joueur professionnel sur le plan financier ?

« Pour moi, de toutes les manières, il est intéressant, puisque, il y a dix mois de cela, j'étais « sans emploi ». Je n'avais pas de club et j'avais arrêté les cours pour me consacrer entièrement à ma passion, le football. Aux Lilas, je touchais quoi ? 1500 « balles » de fixe par mois et j'essayais d'accrocher quelques primes à droite et à gauche. Ici, je ne touche pas énormément, mais avec ce que je reçois et le mode de vie, je m'en sors très bien. Par exemple, avec 20-25 euros, je peux faire mes courses pour toute la semaine. »

Pour Noël Alexandre Mendy, moins bavard, les objectifs sportifs ne sont guère différents:

« A plus long terme, mon objectif est de toujours jouer dans un club de première division. Peut-être retourner en France ? Aller en Allemagne ? Il y a beaucoup de joueurs tchèques qui vont en Allemagne, pourquoi pas moi ? Je voudrais bien essayer de jouer une coupe d'Europe aussi. On verra. »

- Pensez-vous que cela soit possible avec votre club actuel (11e du dernier championnat) ?

« Pour la Ligue des champions, ce sera dur. Mais bon, en passant par l'Intertoto, on peut se qualifier pour la coupe UEFA, faire deux-trois tours... C'est possible. Après, tout se passe au fur et à mesure des matchs, on a toujours sa chance. »

- Que saviez-vous du football tchèque avant de venir ici ?

« Je connaissais plutôt l'équipe nationale et ses joueurs comme Nedved, Poborsky, ainsi que ceux qui ont joué en France : Vladimir Smicer, Radek Bejbl... Mais au niveau du foot, on peut dire que c'est avec l'Euro 1996 en Angleterre que j'ai découvert la République tchèque (battue en finale à Wembley par l'Allemagne 2 à 1 en prolongations, après avoir éliminé la France en demi-finale aux tirs au but). »

- Que pensez-vous de la première division et de ses équipes ?

« Je pense qu'il y a deux groupes : dans l'un, il y a des équipes comme le Sparta, le Slavia et Banik Ostrava qui développent un bon jeu. Dans l'autre, il y a des « petites équipes » qui se battent. Elles jouent avec leur coeur et c'est pour ça que c'est très engagé physiquement et qu'il y a souvent des matchs qui ne sont pas très beaux à voir. Mais quand les petites équipes jouent contre les grandes, ce sont de beaux matchs parce qu'elles évoluent en contre-attaques et du coup développent plus de jeu. »