Education : les caractères scriptes peinent à s’imposer dans l’apprentissage de l’écriture

Comenia script, photo: Milan Baják, ČRo

La rentrée 2010 avait été marquée par une sacrée innovation : l’apprentissage de l’écriture dans certaines écoles tchèques devait désormais s’effectuer via une nouvelle forme d’écriture, le Comenia script, un modèle censé être plus simple pour les élèves. C’est un constat d’échec qui s’impose aujourd’hui, puisque seules 5% des écoles primaires ont depuis lors adopté ce système.

Comenia script,  photo: Milan Baják,  ČRo
La police Comenia script, qui tire son nom du grand pédagogue tchèque Jan Amos Komenský, plus connu sous le nom de Comenius, s’éloigne de l’écriture cursive et de sa ligne fluide « en attaché » jusqu’alors enseignée, pour se rapprocher d’une écriture scripte avec des caractères plus comparables à ceux utilisés dans l’imprimerie ou en informatique. A la rentrée 2010, quarante écoles primaires pilotes avaient été chargées de tester le projet, avant qu’il ne soit ouvert en 2012 à tous les établissements volontaires, sous réserve de l’accord des parents. On était, semble-t-il, en passe d’assister à une véritable révolution dans l’apprentissage de l’écriture du tchèque, dont la forme cursive est réputée difficile en raison des caractéristiques propres à cette langue slave occidentale. C’est ce qu’à l’époque estimait sur Radio Prague Antonie Landová, la directrice adjointe d’une école de Frýdek-Místek, en Moravie :

« Il s’agit d’une forme d’écriture simplifiée, plus proche de l’écriture imprimée qui est celle avec laquelle les enfants communiquent aujourd’hui, que ce soit par SMS ou par mail. C’est donc une écriture lisible même s’ils écrivent vite. Nous pensons que grâce à la forme des lettres, la personnalité des élèves pourra mieux s’épanouir. Cette écriture encourage la créativité, la lisibilité et l’aspect fonctionnel à l’ère de l’informatique. »

Photo: Štěpánka Budková
La nouvelle approche, entre autres motivée par la prédominance de l’informatique et des appareils dits connectés, n’est pas spécifique à la Tchéquie : cet été, le gouvernement finlandais a ainsi décidé de mettre fin à l’enseignement de l’écriture cursive à la rentrée 2016 et de privilégier l’écriture scripte et la frappe sur clavier. Une approche déjà adoptée par de nombreux Etats américains mais qui fait débat. La Télévision tchèque cite par exemple le graphologue Jan Jeřábek, qui considère que les caractères Comenia script limitent le développement de la personnalité et de la sensibilité des enfants. Il critique également la fragmentation des mots qu’elles induisent, complexifiant la compréhension des liens qui existent entre les lettres d’un même mot. D’autres soulignent la confusion qui peut régner dans des classes où les enfants ont appris l’écriture avec des méthodes différentes.

Les défenseurs de la nouvelle police rejettent ces accusations : l’écriture Comenia script contient des éléments cursifs et les élèves se l’approprieraient de façon différenciée. Sa créatrice Radana Lencová, qui travaillait dans le cadre d’un projet supervisé par la Faculté de pédagogie de l’Université Charles, indique qu’aujourd’hui elle ne changerait rien, sinon des menus détails, aux caractères qu’elle a contribué à créer. Pourtant, selon l’Inspection scolaire tchèque, l’écriture nouvelle ne serait enseignée que dans 5% des écoles primaires du pays. Un constat d’échec que Radana Lencová explique par le fait que l’innovation serait trop en avance sur son temps :

Photo: Archives de Radio Prague
« Je me demande toujours si ce projet n’a pas été lancé trop tôt. Je dirais qu’il est vrai que la société tchèque est plutôt conservatrice ou bien que les enseignants ont peur de devoir modifier leur approche. Ils attendent de voir les résultats de cette méthode. Je pense qu’elle a encore besoin de temps. »

Le débat est houleux mais les promoteurs de l’écriture scripte en Tchéquie sont parvenus à le lancer, à défaut de s’imposer dans les écoles. Il est des pays comme la France où l’écriture cursive est la règle et ne souffre pour l’heure aucune discussion.