Le vieux slave, la langue des ancêtres des Tchèques

Cyrille et Méthode

Ce dimanche 5 juillet, jour de fête nationale, les Tchèques ont célébré les saints Cyrille et Méthode – Cyril a Metoděj, deux frères de Thessalonique qui ont évangélisé la Grande Moravie – Velká Morava, au IXe siècle. A l’occasion du 1 150e anniversaire de cet événement marquant dans l’histoire du pays, c’est à une plongée dans l’histoire de la langue tchèque ou plus précisément slave que nous vous invitons. Aussi parfois appelés Apôtres des Slaves, Cyrille et Méthode sont en effet à l’origine de deux faits essentiels : la mise au point d’une langue artificielle aujourd’hui appelée le vieux slave – staroslověnština, dont l’usage a ensuite permis la christianisation des Slaves…

Photo: Archives de Radio Prague
La langue tchèque, comme nous l’avons déjà expliqué dans cette émission, découle du slave commun, un tronc, comme son nom l’indique, commun à toutes les langues slaves. Ce slave commun était donc la langue de toutes les tribus slaves dont le foyer primitif, après leur arrivée en Europe, se situait à l'est des Carpates. La grande expansion des Slaves les fit arriver progressivement dans les Pays tchèques tout au long des Ve et VIe siècles.

La première langue littéraire utilisée sur le territoire de l’actuelle République tchèque fut le vieux slave, qui provient donc du slave commun. Le vieux slave, aussi parfois désigné comme vieux slave liturgique – stará církevní slovanština, est en fait du vieux bulgaro-macédonien, la langue d'évangélisation des pays slaves qui se transforma peu à peu en slavon, la langue liturgique.

Aussi appelé slavon d’église, il s'agit, en effet, d'une langue créée pour les besoins de la liturgie chrétienne. Elle a été utilisée par les frères missionnaires Cyrille et Méthode lors de leur mission d'évangélisation et d'alphabétisation, au IXe siècle, dans ce qui était alors l'empire de Grande Moravie, premier Etat slave qui ait vu le jour et qui s’étendait sur les territoires des actuelles République tchèque, Slovaquie et une partie de la Hongrie. A cette occasion, Cyrille, qui s’appelait Constantin avant de devenir moine, et Méthode, deux frères grecs originaires de Salonique où le vieux slave était parlé, traduisent donc l'Evangile, ou plus précisément des textes grecs tirés de la Bible et des Evangiles. De ces documents historiques écrits, il ne reste aujourd'hui malheureusement plus aucune trace, seules quelques copies de vieux originaux ont pu être conservées.

Mais pour mieux comprendre, il convient de replacer la mission de Cyrille et de Méthode dans le contexte historique de l’époque. En 863, le prince Rostislav, qui règne à la tête de la Grande Moravie, est soucieux de créer un contrepoids à l’influence en Europe centrale de l’Empire franc. Lui-même chrétien mais à la tête d’un royaume imparfaitement christianisé, Rostislav se tourne donc vers Byzance et demande à l’empereur Michel III de lui envoyer une mission chrétienne. Arrivent donc les deux frères avec l’intention de créer une Eglise de type oriental.

Pour parvenir à leurs fins et introduire la liturgie slave compréhensible de l’ensemble de la population locale, Cyrille et Méthode apportent avec eux un alphabet, l’alphabet glagolitique - hlaholice, dont Cyrille est l’inventeur. Cet alphabet, qui tire son nom du vieux mot slave « glagoljati » qui signifie « dire » est le plus ancien alphabet slave. Il donnera plus tard naissance à l’alphabet cyrillique grâce aux disciples de Cyrille et permet aux frères de créer une langue écrite, le vieux slave ou slavon, puis de traduire certains textes liturgiques qui permettaient, eux, de célébrer les cérémonies religieuses en langue slave et non plus en latin comme cela était le cas jusque-là.

L'écriture glagolitique
Plus tard, l'œuvre de Cyrille et Méthode dépassa les frontières tchéco-moraves, puisque, après la disparition du royaume de Grande Moravie, la littérature slave se répandit en Croatie, en Bulgarie et en Serbie. Aujourd’hui, leur héritage est marqué plus particulièrement dans les nations slaves orthodoxes, la Bulgarie, la Biélorussie, la Russie, la Serbie et l’Ukraine.

Précisons encore que le dialecte slave dans lequel les premiers textes furent rédigés avec l'alphabet glagolitique était logiquement celui de la région de Salonique, d’où était originaire Cyrille. Il s’agissait donc d’un dialecte de type bulgare, ce qui nous aide à comprendre qu’à cette époque, le slave – slovanština, présentait encore une unité suffisante pour qu’un dialecte du littoral méditerranéen soit compris par des Slaves de l’Europe centrale, ce qui, onze siècles plus tard, n’est plus du tout le cas...

C’est sur ce constat que se referme ce Tchèque du bout de la langue consacré donc à l’œuvre des frères évangélisateurs Cyrille et Méthode dans les Pays tchèques. Prochain rendez-vous avec la langue tchèque cette fois dans quinze jours. D’ici-là, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !


Rediffusion du 04/07/2013