Entre la lune et l'eau
13 spectacles sont au programme du festival de la danse "Tanec Praha 2002" qui a été inauguré au théâtre de Vinohrady par une représentation du Cloud Gate Danse Theatre de Taiwan. Les organisateurs du festival ont placé donc, tout au début, le spectacle le plus attendu et sans doute aussi l'un des plus intéressants de tout le festival. Vaclav Richter était dans la salle.
Il est difficile de traduire par les mots l'impression qui se dégageait de ce spectacle intitulé "Moon Water - Lune Eau". 16 danseurs, hommes torse nu, femmes en tricot couleur de la peau, ont créé sur la scène une suite de tableaux vivants en perpétuel mouvement, un poème sur la beauté et la souplesse du corps humain. On dansait dans un espace dénudé, avec d'immenses miroirs en guise de plafond et, parfois aussi, au fond de la scène. La musique des suites de Jean Sebastien Bach pour violoncelle solo, musique sobre et élémentaire, se mariait étonnement bien avec la chorégraphie basée sur les danses rituelles d'Asie. Les mouvements presque abstraits des danseurs ne cherchent pas à illustrer les passions humaines comme c'est souvent le cas dans l e ballet occidental, mais s'inspirent plutôt des phénomènes de la nature. La lune symbolise, dans ce spectacle, l'esprit, tandis que l'eau est l'image du flot incessant de l'énergie. Parfois, le spectateur a l'impression que la vie prend un autre rythme, se ralentit à l'extrême, s'arrête presque, suspendue entre l'eau et la lune. C'est une cérémonie de la lenteur qui a le don de rendre tout liquide - les bras, les cous, les corps flottent dans l'espace, la danse flotte sur le fleuve d'une énergie épurée et cristalline comme un diamant. Le geste incroyablement léger des danseurs semble venir d'une autre dimension, les tableaux vivants formés par les corps sont d'une pureté inhumaine, froide, presque calligraphique. Vers la fin du spectacle, la scène se couvrait progressivement d'une immense flaque d'eau. La danse reflétée par l'eau et les miroirs en est devenue encore plus irréelle. Ce n'étaient que les applaudissements à la fin, les lumières dans la salle, les fleurs et les sourires des artistes qui ont fait revenir les spectateurs vers le monde palpable, rapide, bruyant et ordinaire de tous les jours.