Festival de Karlovy Vary : le palmarès de la première édition post-Covid
Clap de fin, samedi, pour le 55e Festival international du film de Karlovy Vary, avec le dévoilement du palmarès final. Une première édition post-Covid marquée par des mesures sanitaires plus ou moins librement interprétées, la venue de trois stars internationales et un début de polémique #MeToo vite éclipsée, mais aussi et surtout, le plaisir de retrouver plus d’une semaine durant l’atmosphère unique des salles obscures de ce festival, après la longue disette culturelle due à la pandémie.
Malgré une édition 2020 annulée et le décalage de la 55e édition à fin août plutôt que début juillet pour permettre à davantage de personnes de se faire vacciner contre le coronavirus et dans l'idée que les salles de cinéma pourraient être remplies à 100 %, ce sont plus de 9 000 accréditations et plus de 100 000 billets qui ont été vendus cette année. Le Festival du film de Karlovy Vary peut donc se targuer d’avoir attiré quasi autant de visiteurs que lors des éditions précédant la pandémie.
« Nous sommes en quelque sorte des pionniers en la matière, » s’est félicité le directeur du festival Jiří Bartoška, « après un an et demi, nous sommes la preuve qu’il est possible d’organiser une grand événement comme celui-ci sans aucun problème. »
Il aura tout de même fallu faire des piqûres de rappel fréquentes lors des projections des films où l’obscurité a pu inciter d’aucuns à tomber le masque. Mais plus que les festivaliers ordinaires, c’est surtout la soirée d’ouverture du 20 août qui a suscité la controverse, une majeure partie du public V.I.P. ayant tout bonnement renoncé à le porter. D’ailleurs, une enquête administrative a été ouverte par les services d’hygiène de la région, les contrevenants s’exposant à une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 couronnes.
Si le début du festival a été marqué par la présence charismatique de l’acteur britannique Michael Caine, les derniers jours l’ont été par un début de polémique liée à l’invitation de l’acteur américain Johnny Depp. Les centaines de fans, essentiellement féminines, attendant sa venue sur le tapis rouge n’ont pas fait oublier les soupçons de violences conjugales qui pèsent sur la star.
Pour certains critiques de cinéma tchèques, les organisateurs du festival s’en sont sorti avec une « pirouette » en renonçant à lui remettre un prix pour sa carrière et en se concentrant uniquement sur la présentation de deux films, l’un produit par lui (Crock of Gold, sur le leader du groupe irlandais The Pogues, Shane MacGowan), l’autre où il interprète le rôle principal (Minamata). Aux reproches de l’ONG britannique Solace Women's Aid, engagée dans la lutte contre les violences contre les femmes, le festival a estimé, par la voix de son directeur, qu’ « il n’avait pas lieu de se justifier » sur cette invitation.
La fin du festival et la soirée de clôture – masquée cette fois – a toutefois été marquée par la venue d’une autre star venue des Etats-Unis, et bien moins polémique : l’acteur américain Ethan Hawke, venu présenter le thriller First Reformed (Sur le chemin de la rédemption) de Paul Schrader, dans lequel il interprète un prêtre en crise de foi. Il a également été distingué par le prix du président du festival, tout comme le réalisateur tchèque oscarisé Jan Svěrák.
C'est le film As Far as I Can Walk du réalisateur serbe Stefan Arsenijevic qui a remporté le Globe de cristal, prix principal du Festival du film de Karlovy Vary, mais aussi le prix du meilleur interprète masculin et un prix spécial pour la photographie. Le long-métrage est une co-production entre la Serbie, la France, le Luxembourg, la Bulgarie et la Lituanie. Il raconte l'histoire de deux migrants africains, Strahinja et sa femme Ababuo, qui ont quitté le Ghana avec l'espoir d'une vie meilleure en Europe. Au lieu d'atteindre leur destination finale, l'Allemagne, ils sont expulsés vers la Serbie.
Dietrich Bruggemann a quant à lui remporté le prix de la mise en scène pour le film allemand Nö, portrait d'une génération de trentenaires et de leur quête de bonheur, tandis que le prix spécial du jury a été attribué à la réalisatrice tchèque Erika Hníková pour son documentaire Every Single Minute sur des parents qui consacrent tout leur temps et leur énergie à l’éducation de leur fils.
La section compétitive East of the West, axée sur les œuvres cinématographiques issues des pays de l'ancien bloc de l'Est, de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord, a été remportée par Nuuccha, un drame yakoute sur les conséquences de la colonisation et de l'assimilation forcée des minorités ethniques au sein de la Russie tsariste, réalisé par Vladimir Munkuev. Le prix du public a été quant à lui décerné à Zátopek, le biopic du réalisateur David Ondříček sur le légendaire coureur tchèque Emil Zátopek.
Le festival qui s’est achevé samedi a d’ores et déjà donné rendez-vous aux festivaliers du 1er au 9 juillet 2022. En attendant pour voir certains des films-phare de la 55e édition, dont le film vainqueur, rendez-vous jusqu’au 3 septembre dans certains cinémas de Prague et Brno pour Šary Vary, des salles qui proposent le meilleur de la sélection de Karlovy Vary.