Presse : la polémique Johnny Depp au Festival de Karlovy Vary

Johnny Depp

Cette nouvelle revue de la presse reviendra d’abord sur le Festival international du Film de Karlovy Vary et les interrogations liées à la présence de la star américaine Johnny Depp. Le soin accordé au paysage baroque tchèque sont-ils occultés par l’intérêt accordé à l’architecture du XXe siècle ? Quelques remarques ensuite de la plume d’un commentateur tchèque au sujet de la situation en Afghanistan. Il y sera enfin question de l’immigration économique en rapport avec la pénurie de main d’œuvre en Tchéquie.  

« Un festival de cinéma doit-il prendre en compte la vie privée des comédiens qu’il invite ? » Telle est la question soulevée par la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt en lien avec la présence de l’acteur américain Johnny Depp au Festival international du film de Karlovy Vary dont la 55ème édition a été clôturée samedi dernier. « Outre le festival de San Sebastian du mois de septembre, celui de Karlovy Vary est le seul festival européen à avoir invité la star américaine soupçonné de violences conjugales. A la différence du festival espagnol, ce dernier a décidé de n’attribuer à Johnny Depp aucun prix, une façon d’apaiser les critiques, comme celles formulées par l’organisation britannique Solace Women’s Aid. »

Respekt précise que, contrairement à Cannes ou Venise, le festival de Karlovy Vary n’a jamais été un événement particulièrement attrayant et prestigieux pour les grandes stars internationales. Pourtant, comme il le souligne, leur présence dans un festival est important tant du point de vue de l’intérêt du public et des sponsors que sur le plan promotionnel. « Johnny Depp, un des plus grands acteurs des années 1990, est toujours une grande vedette. Et en dépit des controverses qui l’accompagnent, ses nombreux fans lui sont fidèles », écrit-it.

Le texte explique que la direction du festival de Karlovy Vary a d’abord refusé de commenter cette invitation « en dehors de son admiration pour le travail de l’acteur américain ». Et que ce n’est que quelques jours plus tard que son directeur artistique a fait mention, dans un entretien pour la revue Screen Daily, du principe de la présomption d’innocence. Voici ce qu’il en ressort :

« Il semble que la volonté de faire venir à Karlovy Vary une grande star internationale a prévalu sur les réflexions d’ordre moral. Par ailleurs, il existe en Tchéquie une certaine tolérance vis-à-vis des violences domestiques. Le festival a préparé une clôture particulièrement excitante pour les spectateurs. Tous ceux qui s’y connaissent dans le fonctionnement des festivals, comprendront pour quelle raison il a agi ainsi. Or, c’est davantage l’approche de certains membres de la direction du festival à l’égard de ‘l’affaire Depp’ qui pourrait nuire à la renommée du festival plus que la présence de l’acteur elle-même. »

Le paysage baroque tchèque en péril

« La liste rédigée par l’Institut du patrimoine national contient des milliers de monuments en péril. Mais en dehors de cette liste, on peut trouver beaucoup de monuments dans un état de délabrement avancé, mal entretenus par leurs propriétaires. Il en existe beaucoup non seulement dans des régions frontalières, mais également à Prague et dans d’autres grandes villes. »

Močidlec | Photo: Juandev,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

C’est ce que l’on peut lire dans un texte publié dans le quotidien Lidové noviny de ce lundi qui rapporte que le paysage baroque est un des éléments les plus menacés du patrimoine tchèque. »

« Le paysage culturel tchèque a été formé au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. A l’époque, toutes les constructions, laïques et sacrées, ont été pensées selon des projets ingénieusement conçus et en parfaite harmonie avec la nature et le milieu. On ne peut pas savoir à quoi ressemblait exactement ce paysage à l’époque car il a connu de nombreux changements à partir du XIXe siècle, pour finir par être totalement dévasté après la Deuxième Guerre mondiale. Le peu qu’il reste aujourd’hui du paysage baroque tchèque détermine pourtant le caractère du pays et permet à ses habitants de s’y identifier. »

« En dépit du nombre élevé de monuments baroques dévastés, l’attention des autorités est désormais dédiée à la préservation et à la conservation de l’architecture du XXe siècle », constate le commentateur sur un ton critique. La rénovation de l’hôtel Thermal à Karlovy Vary et la réouverture de sa piscine, très médiatisée, en serait, selon lui, un des récents exemples marquants. Un autre chapitre à retenir, selon lui, c’est le sort négligé de centaines de monuments industriels remontant au XIXe siècle.

L’Afghanistan : une leçon, pas un échec

La situation en Afghanistan continue, sans surprise, à préoccuper cette semaine la presse tchèque. L’auteur d’un commentaire publié dans le quotidien Deník  estime que le départ des troupes alliées de ce pays ne représentait pas une défaite mais plutôt une leçon :

Afghanistan | Photo: Khwaja Tawfiq Sediqi,  ČTK/AP

« En Afghanistan, nous avons gagné la guerre contre le terrorisme, ou du moins celle contre le type de terrorisme qui nous menace directement. Ce que nous n’avons en revanche pas gagné, ce sont nos investissements en Afghanistan, pour ses habitants et pour l’armée afghane. Tout en étant très importants, ils ont été gaspillés en l’espace de quelque jours, lorsque l’armée afghane s’est retrouvée en déroute face aux talibans,  leur permettant de s’emparer sans combat de l’ensemble du pays ou presque. »

Force est d’admettre que ce n’est pas la première fois qu’une telle entreprise a échoué. Le commentateur rappelle le cas de l’Irak « qui ne répond pas à notre concept de démocratie occidentale bien gérée ». Et de conclure :

« Il est difficile de prédire l’évolution en Afghanistan. Il se peut que le pays se transforme en un pays pauvre et arriéré, mais relativement calme, un pays de l’islam, mais pas islamiste. Un pays dont l’intérêt pour le monde sera faible dans un proche avenir. La leçon à tirer de ce chapitre de la lutte contre le terrorisme pour nous-mêmes, pour l’OTAN et les Etats-Unis, c’est qu’il faut faire les choses plus efficacement et plus rapidement. Certes. il faut liquider les terroristes et combattre les dictateurs, mais l’occupation de pays tiers ne doit plus être à l’ordre du jour. »

La Tchéquie en besoin d’une immigration économique

La Tchéquie ne peut se passer d’une immigration économique bien gérée. Ce constat a été dressé dans un texte intitulé « Après s’être défendu bravement contre les migrants, on leur demandera humblement de venir travailler chez nous » et publié sur le site aktualne.cz. Son auteur déplore le fait qu’au lieu de mener un débat sur un système intelligent de visas de travail, on voit plutôt attiser les craintes à l’égard des migrants :

Photo illustrative: Commission européenne

« Une fois la crise du coronavirus achevée, de nombreux de secteurs en Tchéquie sont confrontés à une nouvelle crise qui touche le marché du travail. Une situation difficile notamment à la lumière de la politique ‘zéro réfugiés’ mise en place par le gouvernement. C’est une politique à laquelle il va falloir renoncer, si l’on ne veut pas se retrouver face à de graves problèmes économiques. »

Le commentateur du site aktualne.cz rappelle que déjà avant la pandémie de  coronavirus, certains métiers avaient disparu, d’autres n’étant préservés que grâce à des travailleurs venus de l’étranger. Aujourd’hui, la situation est beaucoup plus grave, car le problème touche de nouveaux secteurs économiques comme la restauration, les services, l’hôtellerie, les établissements de soins sociaux et beaucoup d’autres. « Les dirigeants politiques sont appelés à réaliser que les pays européens dont les populations vieillisent ne peuvent pas éviter une immigration économique, » souligne-t-il avant  d’ajouter :

« Selon un rapport gouvernemental non-officiel, il y avait en 2020 en Tchéquie près de 390 000 travailleurs des pays de l’Union européenne et quelque 144 000 issus de pays tiers. Or, malgré le refus de ressortissants étrangers prôné par le Premier ministre Andrej Babiš, la Tchéquie dispose de plusieurs programmes migratoires, sans lesquels elle aurait du mal à tenir. Le problème, c’est que sans un appui politique, les choses ne peuvent jamais bien fonctionner. Un avertissement dont il faut en tenir compte au vu de la crise démographique qui nous attend d’ici quelques années. »