François-Joseph 1er
Le 18 août, nous commémorons le 170e anniversaire de la naissance de l'empereur d'Autriche et roi de Hongrie, François-Joseph 1er. Son règne a marqué un record européen quant à sa durée ; il était au trône pendant soixante-huit ans, de 1848 à 1916, son règne aboutissant à la Première Guerre mondiale, l'un des conflits les plus sanglants du XXe siècle.
François-Joseph 1er est né le 18 août 1830 au château de Schönbrunn. Sa mère fut la princesse de Bavière, Sophie, de la famille Wittelsbach, et son père François-Charles des Habsbourg. La mère exerçait une forte influence sur le jeune François-Joseph, elle le préparait systématiquement au rôle de futur empereur. Après son couronnement, en décembre 1848, au palais archiépiscopal d'Olomouc, en Moravie, le jeune empereur, qui n'a que dix-huit ans, se fixe comme objectif principal de son gouvernement : sortir le pays du chaos causé par la révolution de 1848. Pour y parvenir, il institue un régime autoritaire à l'encontre des minorités nationales et des libéraux. Fortement attaché aux traditions, il s'appuie sur l'armée qui seule peut garantir l'unité de son empire et sur une administration fortement centralisée. Bref, un néo-absolutisme. Avec son ministre Bach, il établit une étroite surveillance policière dans tout l'empire et renforce la germanisation dans les provinces. Mais les revers de cette politique à impact fort négatif sur la position de l'empire à l'échelle internationale, dont les défaites de Magento et de Solférino ou la perte de la Lombardie en 1859, le forcent à modifier sa politique intérieure. Il entame une réorganisation de son empire, il appelle un ministre libéral, Goluchowski, et réunit un Conseil de notables composé de bourgeois allemands libéraux et de propriétaires fonciers magyars ou slaves. Malheureusement, il n'a su jamais choisir entre les tendances unitaires des uns et les aspirations fédéralistes des autres.
Entre-temps, sur le plan international, François-Joseph 1er essuie un échec après l'autre, dus surtout au chancelier prussien Bismarck qui, en vue d'unir l'Allemagne, entraîne l'Autriche dans un conflit militaire avec la Prusse, ce qui conduit au désastre de Sadowa en 1866. L'Autriche quitte l'Alliance allemande qu'elle préside à l'époque et perd son influence en Italie. Dans le même temps, elle se rapproche des Hongrois, le résultat de ce rapprochement étant le compromis de 1867 reconnaissant la division de l'empire en deux Etat égaux ayant un empereur, une armée, un Trésor et une politique extérieure communs. L'adoption de la Constitution libérale assure les droits et les libertés fondamentaux à tout le monde. Mais le compromis de 1867 se heurte aux exigences des Tchèques qui poussent l'empereur à signer un rescrit, dans lequel il s'engage à se faire couronner roi de Bohême. Mais, à cause d'une forte pression politique des Allemands et des Hongrois surtout, il renonce à ce couronnement. Après un court retour à l'absolutisme dans les années quatre-vingt-dix, il revient au système libéral en 1907 et institue, non sans hésitation, le suffrage universel. Mais l'antagonisme entre Slaves et Allemands s'en trouve renforcé. En effet, l'empereur n'était pas un nationaliste, il se rendait compte au contraire que l'oppression des droits des différents peuples de la monarchie ne conduirait tôt ou tard qu'à son éclatement. Décédé pendant la guerre, il n'y assista pas...
Jusqu'ici nous avons parlé de François-Joseph 1er comme d'empereur mais quelle était la vie privée de cet homme ? On a peu d?informations sur ce point, car l'empereur n'avait pas beaucoup d'amis intimes qui en auraient rendu témoignage. Il y a néanmoins les mémoires de son valet de chambre, d'après lesquelles l'empereur était un homme ascétique et rigoureux : "Le matin, il se levait à 3 h 30, prenait son petit déjeuner, consultait son médecin et après avoir pris un bain froid, il se mettait à la table de travail, habillé en uniforme de lieutenant d'infanterie. A 8h, il transmettait à son aide de camp les documents étudiés et s'entretenait des questions actuelles avec les ministres. Dans l'après-midi, il continuait de travailler avant de se coucher entre 21 et 22 h"... fin de citation. Quant aux femmes, François-Joseph 1er a épousé l'une des plus belles femmes de la cour autrichienne, Elisabeth de Wittelsbach, surnommée Sissi. Ils se sont connus à Bad Ischl ; il avait 23 ans et elle seulement 15 ans. Leur mariage n'était pas très heureux, car exposé à beaucoup d'épreuves, dont la mort du fils Rodolphe. Détestant les conventions, Sissi s'est écartée de la cour et s'est mise à voyager. Au cours d'un voyage en Suisse, en 1898, elle fut assassinée par un anarchiste italien. La vie de l'empereur n'était pas très heureuse, il a survécu à deux attentats, en 1853 et en 1882, il a dû se résigner à la mort de sa fille Sophie, de son frère Ferdinand Maximilien assassiné par les révolutionnaires méxicains, et de son fils et prince héritier, Rodolphe (1858-1889), que l'on avait trouvé mort à côté du cadavre de son amante Mary Vetser dans le pavillon de chasse au milieu du Bois de Vienne. Il se tira une balle dans la tête après avoir donné la mort à son amie.
Si l'on parle de François-Joseph 1er, on ne peut pas ne pas parler d'un essor culturel sans précédent dans la dernière période de son règne. Vers la fin du XIXe siècle, la monarchie n'était plus en mesure de créer une nouvelle idée étatique en faveur d'une coexistence pacifique entre les différents peuples d'Europe centrale. C'est pourquoi, en pressentiment de la fin inévitable de quelque chose, l'attention publique s'est concentrée sur la culture, cet âge d'or de la culture centre-européenne prenant fin avec l'éclatement de la guerre. Vienne comptant à l'époque 2 millions d'habitants dont 400 000 Tchèques avait un visage officiel représenté par le palais impérial de Hofbourg, mais elle était surtout une ville d'opérettes, de la bohème, d'escrocs, de journaux à scandale, de valse et de cafés notamment. Une telle concentration d'artistes, de scientifiques et de manifestations culturelles n'est comparable qu'à Paris des années vingt. Il suffit de mentionner les noms de Strauss, Brahms, Mahler, dans la musique, Roth, Zweig ou Werfel, dans la littérature.
Au déclin de sa vie, l'empereur refusait d'utiliser le téléphone, l'automobile et l'ascenseur et il avait l'horreur de la guerre. Mais celle-ci s'annonçait avec urgence surtout après l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, en 1908, que le lobby militaire a offert à l'empereur comme cadeau - une boîte de Pandore. Il fallait apparemment solutionner le problème serbe. Après l'attentat de Sarajevo, le vieil empereur reportait toujours la décision de déclarer la guerre et, malgré son "Appel à mes peuples" et la mobilisation, il ne cessait de croire qu'il ne s'agirait que d'un conflit local. Il est mort le 21 novembre 1916, sans être témoin de l'éclatement de son empire.