Frantiska de Schoepfu
Frantiska de Schoepfu serait la toute première danseuse étoile du Théâtre national de Prague. Son père, Jindrich Schoepf de Schoeppen, employé au domaine seigneurial de la famille des Fürstenberg, était un Allemand. Mais, sa mère, fille d'un médecin tchèque, était une grande patriote.
Frantiska était douce avec pourtant beaucoup de tempérament. Sa technique était précise, ses jambes bien formées et ses gestes souples donnaient une impression de continuité, des mouvements ininterrompus, ne se terminant jamais. Frantiska avait, sans aucun doute une excellente technique, mais surtout une grande expressivité. Elle se rapprochait plus du style russe que du style tchèque. Les principes du ballet russe étant plutôt centrés sur la douceur, l'effet poétique de la danse, la grâce et la souplesse du mouvement, alors que le ballet tchèque s'appuyait surtout sur la virtuosité, la routine et une technique peut-être un peu carrée. Réservée et gracieuse, on comparait souvent Frantiska de Schoepfu à la célèbre danseuse autrichienne Fanny Elssler.
La danseuse étoile est née le 3 octobre 1862, à Prague. A sa naissance, elle est baptisée Barbora-Frantiska, mais elle a toujours utilisé son second nom de baptême, Frantiska. La fillette n'a que quatre ans lorsque son père disparaît. La mère inculque à ses sept enfants l'amour de la patrie et de leur langue maternelle.
Il est intéressant d'ouvrir une parenthèse sur l'aventure de Vilhelmina, soeur aînée de la mère de la danseuse étoile. Une histoire qui s'est passée dix-sept ans avant la naissance de Frantiska. La beauté et la spiritualité de Vilhelmina avaient bouleversé l'âme du remarquable poète tchèque Josef Jaroslav Kalina. Il était tombé éperdument amoureux de la jeune femme, au point de la suivre à Belgrade où elle s'était rendue pour travailler comme gouvernante du futur roi Milan. Mais, malheureusement le climat ne convenait guère au jeune poète. Il mourut de la tuberculose, à l'âge de 31 ans.
Mais, revenons à Frantiska de Schoepfu. Sa mère joue souvent du piano, instrument dont elle maîtrise fort bien le jeu. Ravie, la petite Frantiska se met immédiatement à danser. Elle tourbillonne à travers la pièce, suivant très bien le rythme, sa poupée inséparable serrée dans les bras. Les amies de sa mère, qui viennent prendre le thé et écouter de la musique, sont très impressionnées par le talent de la petite fille. Elles suggèrent à la jeune veuve d'inscrire Frantiska au cours de danse. La petite fille commence donc à suivre des cours chez une excellente danseuse et maître de ballet au Théâtre allemand. Comme la mère de Frantiska n'a pas assez de moyens, la danseuse décide d'apprendre gratuitement la danse à la fillette, ne voulant pas gâcher le talent prometteur de son élève. Après deux mois d'effort seulement, Frantiska monte sur la scène du Théâtre provisoire. Elle surprend les spectateurs par son rondeau à croupetons dans la Chauve-souris. Les bis, bis, bravo, l'obligent à répéter le rondeau. Frantiska joue également des rôles d'enfants dans des pièces de théâtre interprétées en allemand. Cela ne plaît absolument pas aux membres patriotes de sa famille. La mère de Frantiska est donc bien obligée de trouver un autre professeur de danse. Elle confie sa fille à Marie Hentzova, maître de ballet du Théâtre tchèque qui se charge de la petite danseuse avec plaisir, mais fait payer ses cours. A 15 ans, Frantiska est engagée comme soliste et, très rapidement, elle est nommée première danseuse. Elle arrive également à bien maîtriser les principes de l'école milanaise, ce qui lui permet d'alterner les rôles principaux dans les grands ballets, interprétés depuis 1885 uniquement par des danseuses étrangères. C'est bien l'époque de Vaclav Reisinger, premier maître de ballet du Théâtre national. Frantiska de Schoepfu se fait surtout remarquer dans les pas de deux faisant partie des morceaux de danse dans les opéras, tels que Titus de W. A. Mozart, Robert le Diable, Mignon, les Huguenots, la reine de Saba ou alors la Fiancée vendue, opéra dans lequel elle a dansé deux cent cinquante fois. Mais, bien évidemment la première danseuse du Théâtre national reste inoubliable dans les ballets romantiques Sylvie et Giselle.
Au cours de sa carrière professionnelle, Frantiska de Schoepfu est victime de deux accidents très graves. En 1888, elle tombe d'uneéchelle mal fixée au cours du ballet Sylvie. La chute provoque de grave blessures. La danseuse reste plusieurs jours entre la vie et la mort. Finalement, elle résiste, mais il lui faudra une longue convalescence pour se remettre de son accident. Cinq ans plus tard, son costume de la Fiancée vendue prend feu à cause de la flamme d'une lampe à gaz au cours de l'essayage à Marianske Lazne. Frantiska agit vite, elle arrache son costume et sauve ainsi sa vie. Heureusement, elle n'aura pas de séquelles de l'accident. En 1894 Frantiska de Schoepfu épouse le célèbre poète et critique musical Jaromir Borecky. Cinq ans plus tard, elle met fin à sa carrière professionnelle au Théâtre national. Mais, la danseuse ne quitte pas la scène définitivement. Elle réalise la chorégraphie de différents ballets et morceaux de danse pour les spectacles organisés pendant la Grande Guerre par la Croix Rouge ou par des associations patriotiques. Un an après la fin de la guerre, elle est nommée professeur au Conservatoire de Prague.
Frantiska de Schoepfu se retire définitivement du monde de la danse à l'âge de 71 ans. La grande danseuse, si modeste et si consciencieuse, est décédée le 19 octobre 1946.