Hm… : la poésie en musique

Hm…, photo: Tomáš Vodňanský, ČRo
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« Hm… » est un groupe qui met la poésie en musique. A travers leurs six albums, ils mettent en place une démarche, qui devient facilement reconnaissable – les textes de poètes tchèques et étrangers, connus et moins connus, reçoivent un habit musical identifiable du point de vue du style. Le dernier album des Hm… est sorti à la fin de l’année 2013. Radio Prague vous propose de découvrir les « Hm… » dans une interview réalisée avec deux de leurs membres, et de goûter à leur poésie musicale, où éclosent les morceaux de Rimbaud et Apollinaire.

Nous venons d’écouter la chanson « Lovu zdar ! » « Bonne chasse ! » qui a donné le nom au nouvel album du groupe « Hm… » Il s’agit d’une chanson révélatrice de leur façon de jouer, dans la mesure où le nom et le style de la chanson n’ont pas de rapport entre eux, à première vue. Un trait que nous allons fréquemment retrouver chez les Hm…

Les Hm… sont composés à l’heure actuelle de quatre membres. Le premier est Marek Doubrava, l’auteur d’une grande partie des textes, il propose le plus souvent des poèmes à mettre en musique. Interrogé sur ses sources d’inspiration, il affirme que la lecture des poèmes, qu’il propose au groupe, lui permet d’arrêter temporairement un juke-box, qui joue dans sa tête de façon permanente. Au sein du groupe, Marek Doubrava chante, et joue du piano et de la guitare. Nous pouvons l’entendre dans la chanson suivante. Chantée avec un ton presque joyeux et avec un fond musical naïf, le morceau « Batohy » - « Les sacs à dos » aborde des sujets pourtant sérieux traitant de l’infidélité entre jeunes partenaires.

« Nous nous sommes jetés l’un sur l’autre dès qu’il a posé son sac à dos par terre. […] J’ai dit à mon copain Jirka que je vais accueillir une amie d’Angleterre mais qu’il ne peut pas nous accompagner car j’ai honte de parler anglais devant lui. » Mais ce que l’on comprend des paroles de la chanson « Bahoty », c’est que ce n’était pas une amie mais un ami que la fille en question accueillait.

Hm…,  photo: Tomáš Vodňanský,  ČRo
Outre Marek Doubrava, le groupe « Hm… » est composé de trois autres membres. Viktor Ekrt, qui joue essentiellement le violon et la basse, est un ingénieur du son qui a participé aux films connus tels que Alois Nebel de 2011, Tmavomodrý svět de 2001 ou Revival de 2013. Son rôle au sein du groupe consiste de soumettre un regard de critique constructive sur la production des « Hm… ». L’avant dernier membre du groupe est Tomáš Rejholec joueur de tambour, qui a également été engagé par le théâtre V Dlouhé à Prague. Filip Nebřenský, programmeur infromatique dans la vie, joue des instruments à vent ainsi que la basse. Il est actif dans plusieurs ensembles de musique pour des enfants comme « Gerbille est de retour » (Pískomil se vrací), ou « Bombarďák ».

« Plán na zimu » « Un plan pour l’hiver » provient de l’album portant le même nom et qui a été baptisé en 2008. Il s’agit d’un texte de Rimbaud que nous retrouvons en premier sur cet album. Le deuxième s’intitule « Čtveračka ». Mais avant de l’entendre, écoutons Marek Doubrava qui explique le sens du nom du groupe :

« C’est clairement une sorte d’anti-nom. Quand on nous demande dans quel groupe on joue et on répond « hm » les gens redemandent encore une fois… et c’est un bon signe. Ils s’intéressent de ce fait au groupe. Plusieurs personnes nous ont déjà suggéré de changer de nom, si on voulait s’imposer sur la scène musicale, mais, vous voyez, on essaie de voir s’il est possible de réussir, même avec ce handicap. »

L’humour ne manque pas aux membres du groupe. Le nom « Hm… » étant déjà très particulier en tchèque (et dans d’autres langues aussi), ils réfléchissent même en rigolant à le changer en « -M-m », ce qui est une expression tchèque de désapprobation. Ils restent cependant loin du champion de ce genre, Brian Eno, musicien et arrangeur britannique : les chansons de son album portent des noms composées de signes, comme des points ou des virgules.

Ecoutons maintenant une chanson du nouvel album des Hm .. « Strejda Mára » - « L’oncle Mára ». Dans cette chanson on écoute un homme fatigué rentrant du travail : « Je sens déjà que je vais devoir dire à ma femme qu’elle est belle. Mais je veux surtout me poser et lire mon journal. Mais telles des carottes dans la marmite, elle s’apprête déjà à me cuire à l'étouffée. Et je dis ‘Ma chérie, pas maintenant, ma chérie, je mange maintenant’. » A ce propos nous avons demandé à Marek Doubrava, quelle vision de l’amour transmet à ses auditeurs le groupe « Hm… » :

« Dans la vie, j’adopte souvent une posture défensive en ridiculisant et en me moquant des choses dures. Quand j’ai un problème, lié par exemple à l’amour, j’en fais une hyperbole dans la chanson. Si notre dernier album contient plusieurs morceaux déprimants sur comment cela ne marche pas dans l’amour, ce n’est pas pour dire que cela ne va pas dans la vie réelle. J’ai moi-même une relation heureuse de quinze ans et des enfants. Mais la chanson, c’est une auto-thérapie des problèmes. J’y transforme des petits en grands et cela me guérit. Le message n’est pas celui que les problèmes sont partout, c’est plus une invitation faite au public, de les expérimenter par eux-mêmes à travers les chansons et de revenir à la maison purifiés. »

Hm...,  photo: Michal Louč,  CC BY 3.0 Unported
Le même procédé s’applique à la chanson « V myčce » - « Dans le lave-vaisselle ». Littéralement, la personne se trouve jusqu’aux yeux noyée dans le pétrin mais croit toujours à la possibilité de se faire laver. Dans la chanson on aborde également la thématique de l’infidélité, du mensonge et des promesses non tenues. En parlant du public, Marek Doubrava fait remarquer qu’il rigole à la première mention d’un mot vulgaire. Mais en arrivant à la deuxième strophe cela commence à faire un peu mal et les rires s’estompent, pour réapparaître vers la fin.

Nous terminons avec la chanson basée sur le texte d’Apollinaire. A son propos, Marek Doubrava note que ce poème lui paraît typiquement français, car il ne fait que parler de nourriture. Le groupe l’a notamment interprétée à Lille, à l’occasion de la Fête de la musique il y a quatre ans - « Oběd » « Le déjeuner ».