Ilios Yannakakis : « la présidence tchèque – une chance ratée »
La présidence tchèque de l’Union européenne a sans doute été le moment le plus important que la République tchèque a vécu en 2009. Pour rappeler cette première présidence tchèque qui s’est déroulée durant le premier semestre de cette année et pour la situer dans un plus large contexte, Radio Prague s’est adressé à Ilios Yannakakis, politologue et universitaire français.
«Vu de Paris, on se demandait, y a-t-il eu une présidence tchèque ou pas. C’est passé d’une façon tellement fade, sans dynamisme, même l’Ambassade à Paris ou les services tchèques, culturels ou pas, auraient pu faire quelque chose d’important pour marquer cette présidence tchèque qui n’est pas une histoire banale, mais rien n’était visible, rien n’était senti. Et au milieu de cette présidence, crise ministérielle. On peut s’imaginer l’image qu’a donnée la République tchèque pendant ces six mois de présidence européenne. Moi je considère que ce fut une catastrophe. Mais les gens, l’opinion publique, ignorant tout de cette présidence, ne s’intéressait guère à la République tchèque. »
C’est ce qui est peut-être le plus grave.
« Ce qui aurait pu être un intérêt renouvelé pour la République tchèque, a été une occasion ratée, premièrement, parce que la présidence marque le dynamisme d’un pays, son intelligence, la capacité d’un pays de dire voilà nous sommes des Européens. Mais ce que je veux souligner, c’est que la présidence tchèque de l’UE a eu lieu cette année de festivités, cette année marquée par le 20ème anniversaire de la fin du régime communiste en Europe centrale. 1989 – 2009, vingt ans. Vous imaginez l’importance de cette présidence pour un pays qui a fait la révolution de Velours, un pays qui avait Vaclav Havel comme président, une révolution qui s’est fait dans la joie et l’intelligence. La chance qu’aurait pu avoir cette présidence a complètement raté ».
Pensez-vous que les Tchèques le réalisent pleinement ?
« Je pense que les Tchèques n’ont pas réalisé cela. Je remarque depuis que je suis à Prague et lors de mes voyages ici cette année, qu’il y a comme une séparation absolue entre la vie sociale, la vie des gens, et le monde politique. C’est comme si les Tchèques ne s’intéressent plus à la politique de leur pays. Et comme si la politique ne s’intéresse plus à la société. Cette coupure nette entre la politique et la société, cela me rappelle le temps des communistes, où on disait « oni a my », « my a oni », nous et eux. Il y a comme une répétition qui me laisse vraiment triste pour ce pays. Cette coupure entre des gens qui vivent maintenant de plus en plus normalement, qui ont des problèmes comme tout le monde, et le monde politique qui tourne en rond. On a l’impression vraiment qu’ils sont là entre eux, discutant à l’infini, de grandes envolées politico-médiatiques, mais sans aucun effet sur la société. Et là je pense que c’est vraiment une catastrophe pour ce beau pays-là. «