Ivan Jandl, le premier Tchèque oscarisé en 1949

Ivan Jandl (à gauche) dans le film 'Svědomí' (La Conscience)

A l’approche de la 89e cérémonie des Oscars, Radio Prague vous propose de remonter le temps aux côtés d’Ivan Jandl. Même si la carrière de cet acteur tchèque n’a duré que quelques années, son rôle dans le film « The Search », « Les Anges marqués » en français, lui a valu de remporter l’Oscar de la jeunesse, l’Academy Juvenile Award, en 1949. Il est ainsi devenu le premier acteur tchèque, et jusqu’à présent le seul, à avoir été récompensé par l’Académie cinématographique américaine.

« J’ai reçu le prix pour l’interprétation du rôle de Karel Malík. »

Ivan Jandl  (à gauche) dans le film 'The Search',  photo: Metro-Goldwyn-Mayer  (MGM)
Ivan Jandl se présentait ainsi dans un entretien accordé à la Radio publique tchèque en 1966. Alors âgé d’à peine 30 ans et journaliste à la radio à l’époque, il était revenu sur cet important épisode de sa vie, qui ne lui a néanmoins pas ouvert les portes d’une longue carrière au cinéma :

« C’était en 1947. A l’époque la société suisse Praesens-Film voulait réaliser un film qui parlait d’enfants emmenés de force en Allemagne. Le film évoquait le difficile parcours pour les parents qui cherchaient à retrouver leurs enfants. Cela révélait tout le travail colossal qui était lié à cela, ainsi que l’esprit de sacrifice des personnes qui y prenaient part. »

L’histoire de « The Search », dont le titre tchèque est « Poznamenaní », se déroule dans l’Allemagne de l’après-guerre où un garçon tchèque, joué par Ivan Jandl, et qui a survécu au camp d’Auschwitz, est placé dans un centre pour réfugiés. Mais son chemin croise celui d’un soldat américain, qui décide de s’en occuper. Parallèlement, la mère du jeune garçon, également rescapée de la guerre et interprétée par la deuxième actrice tchèque du film, Jarmila Novotná, cherche désespérément son fils dans les camps de la Croix-Rouge. L’enfant lui, qui avait perdu l’usage de la parole, réapprend à parler, mais en anglais. Ce drame américano-suisse, sur un sujet douloureux de l’après-guerre, a marqué l’esprit du public. Ivan Jandl se souvient :

Ivan Jandl  (à gauche) dans le film 'The Search',  photo: Metro-Goldwyn-Mayer  (MGM)
« Le film a été réalisé par Fred Zinnemann. Peut-être que certains se souviennent de certains de ses autres films comme « La Septième croix » en 1944 ou « Le Train sifflera trois fois » en 1952. A mes côtés, il y avait l’acteur américain Montgomery Clift, la chanteuse tchèque bien connue Jarmila Novotná, ou aussi Aline MacMahon. Il y en avait d’autres, mais bien évidemment je ne me souviens pas de tout le monde, en fin de compte je n’avais que dix ans. »

L’Américain Montgomery Clift, dont l’apparition dans le film représentait un de ses premiers rôles, avait lui aussi été nommé dans la catégorie du meilleur acteur, de même que Fred Zinneman pour la meilleure réalisation. Finalement, seuls Ivan Jandl et les scénaristes du film ont remporté la prestigieuse statuette. Ivan Jandl, qui ne parlait pas l’anglais et avait dû mémoriser phonétiquement ses répliques, a également été récompensé du Golden Globe pour son rôle. Mais comment les producteurs du film ont-ils été le chercher ?

« A l’époque, j’étais membre du chœur Disman de la radio tchèque. Le réalisateur est arrivé dans le bâtiment de la radio, car il cherchait des enfants acteurs dans pratiquement toute l’Europe. Fred Zinnemann a donc assisté à une répétition du chœur et c’est là qu’il m’a entendu. Et c’est comme cela que je me suis retrouvé en Suisse, où le tournage avait lieu. »

Mis à part la projection du film au festival de Mariánské lázně, le long-métrage n’est toutefois pas sorti sur les écrans tchécoslovaques. A Hollywood, Ivan Jandl a commencé à recevoir de nombreuses propositions. Mais cette carrière prometteuse du jeune acteur a été stoppée nette par l’arrivée des communistes en Tchécoslovaquie, au motif qu’Ivan Jandl devait être « préservé pour le bien de la cinématographie tchécoslovaque ». L’ancien chef du chœur Disman de la radio tchèque, Václav Flégl, décrit l’atmosphère de l’époque :

Ivan Jandl  (à gauche) dans le film 'Svědomí'  (La Conscience)
« L’orientation avait été donnée dès février 1948. J’avais lu dans un article de presse qu’Ivan Jandl devait être « conservé pour la cinématographie socialiste ». Le monde s’est divisé en deux. On ne pouvait pas parler de ce qui se passait de l’autre côté du rideau de fer. Mais la publicité que l’on faisait à Jandl aux Etats-Unis était bien plus importante. Il avait même fait la couverture de différents magazines. D’ailleurs, cela est prouvé par des échanges de courrier qui ont été conservés. Brigitte Bardot ou Shirley Temple lui ont écrit à l’époque. Les Etats-Unis ont vécu avec Ivan Jandl dans les semaines qui ont entouré la cérémonie des Oscars. On peut d’ailleurs comparer l’euphorie de l’époque à l’euphorie des Oscars de nos jours. »

Toutefois, cette cinématographie tchécoslovaque ne lui a pas permis de s’épanouir davantage. Ivan Jandl n’est plus apparu que dans les films Zelená knížka (« Le Livre vert ») de Josef Mach puis Svědomí (« La Conscience ») du grand réalisateur Jiří Krejčík. Sa dernière apparition au cinéma date de 1950, dans le film Vítězná křídla (« Les Ailes victorieuses ») de Čeněk Duba.

La Radio publique tchèque a aujourd’hui l’intention de baptiser un nouveau prix du nom d’Ivan Jandl, pour récompenser toute personne ayant contribué au développement de la création radiophonique. Décédé prématurément en 1987, Ivan Jandl aurait fêté ses 80 ans le 24 janvier dernier.