Jan Palach : suicide ou sacrifice ?

Jan Palach

Jan Palach
Dans la vie, quand on n'est pas d'accord avec quelque chose, on a plusieurs possibilités d'agir : le plus facile, c'est de se soumettre. Solution numéro deux, c'est manifester, au moins d'une façon symbolique, son mécontentement. Puis, il existe à chaque époque des personnes exceptionnelles, celles qui choisissent le chemin le plus dur. Elles sont prêtes à aller jusqu'au bout, à risquer, au nom de la liberté, de la justice, de la morale et du bonheur des autres, leur vie. Jan Palach, étudiant tchèque qui, le 16 janvier 1969, s'est immolé par le feu en protestant contre l'occupation de la Tchécoslovaquie par l'armée soviétique, se range parmi elles. Etait-il un héros ou un fanatique ? Son acte désespéré, peut-on l'appeler un sacrifice ou plutôt un suicide ? Bien que trente deux ans se soient déjà écoulés, bien que les Tchèques vivent onze ans dans la démocratie, ils n'arrêtent pas de se demander à quel point la mort de ce jeune homme, soulevant toujours beaucoup d'émotion, était utile...

Jan Palach était étudiant en histoire à la Faculté des lettres de l'Université Charles. Il avait 20 ans, lorsque l'arrivée des chars a mis fin au Printemps de Prague. Jan n'a tout simplement pas pu, dans son esprit, accepter cette perte subite de la liberté. Il a voulu réveiller les Tchèques et les Slovaques désabusés, les secouer, les réveiller de la léthargie dans laquelle ils étaient tombés. Il s'est opposé à la censure, au loyalisme des grandes figures du Printemps de Prague. Comment ? En s'immolant en plein coeur de Prague, sur la place Venceslas, sous les yeux de toute la nation. Malgré l'effort des médecins, Jan meurt dans trois jours, le 19 janvier 1969. Le pays, choqué, est en deuil, la scène politique aussi. Les étudiants déclarent la grève de la faim, une centaine de milliers des Tchèques assistent à son enterrement, toutes les cloches pragoises sonnent, les théâtres sont fermés... La torche a fait fondre la glace, dirait-on. Malheureusement, ce n'est qu'une apparence. Quelques mois plus tard, un autre jeune Tchèque, Jan Zajic, s'immole sur la place Venceslas. Il a l'impression que Jan Palach est mort en vain... Dans les autres villes tchèques, les torches vivantes flambent également, mais les gens n'en savent rien. La censure fonctionne très bien, l'arbitraire communiste est de retour. Tout est perdu ? Oui et non. L'essentiel, c'est que l'on n'oublie pas. Le tombeau de Palach, dans son village natal, devient un véritable lieu de pèlerinage sous l'ancien régime. En janvier 1989, on se rappelle, par de grandes manifestations pragoises, le vingtième anniversaire de sa mort. Prélude, sans doute, de la Révolution de velours...

Jan Palach... Mort inutile ou mort héroïque ? Voilà la question qui a ouvert cette émission. Alena Gebertova l'avait posée à quatre étudiants du Lycée français de Prague, rue Stepanska. Que pensent-ils de l'époque qu'ils n'ont pas vécue? D'un côté, un chagrin immense des proches du héros et l'opinion des certains que seulement un homme vivant puisse faire changer ce monde. De l'autre côté, l'idée que le sens de la vie est justement dans la possibilité du sacrifice... En janvier dernier, trente ans après la disparition de Palach, on a pu lire dans un hebdomadaire tchèque de tels mots : "S'il n'y avait pas de gens, prêts à mourir pour des idées et des principes suprêmes, à qui pourrait-on s'attacher dans des moments difficiles ? Ces personnages-là nous démontrent que nous sommes capables d'éprouver des émotions, que notre existence vaut plus qu'une vie sauve. (...) Jan Palach nous met aussi en garde contre la monstruosité de l'ancien régime et contre les propos superficiels du genre : jadis, la vie était meilleure. Non, elle ne l'était pas. Elle était horrible et il ne faut plus jamais que cela revienne".

Auteurs: Alena Gebertová , Magdalena Segertová
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