Jan Patocka

Jan Patocka

Jan Patocka, né en 1907, en Bohême du nord, est l'un des plus grands philosophes modernes. Un conflit avec le pouvoir public communiste lui coûtera la vie. Sa mort fera partie des plus tragiques de l'histoire, faisant parallèle à la fin de Socrate, condamné à mort par le tribunal démocratique d'Athènes.

Jan Patocka, né en 1907, en Bohême du nord, est l'un des plus grands philosophes modernes. Un conflit avec le pouvoir public communiste lui coûtera la vie. Sa mort fera partie des plus tragiques de l'histoire, faisant parallèle à la fin de Socrate, condamné à mort par le tribunal démocratique d'Athènes.

Le philosophe a fait ses études à la faculté des lettres de l'Université Charles, à Prague. Un stage à la Sorbonne, en fin des années trente, lui permit de faire connaissance avec Edmund Husserl, fondateur de la méthode phénoménologique, auquel il est présenté par le philosophe Alexander Koyré. Juste après la soutenance de la thèse le Monde naturel comme problème philosophique, thème central de sa pensée, le jeune philosophe se déplace à Berlin et à Fribourg pour continuer ses études pendant une période de deux ans. A Fribourg, il entre en contact plus étroit avec Edmund Husserl et ses élèves dont Eugène Fink et Martin Heidegger. Au retour à Prague, J. Patocka fonde le Cercle philosophique de Prague et écrit pour plusieurs revues. L'année de l'éclatement de la seconde guerre mondiale, le professeur J. Patocka donne des conférences à la faculté des lettres. Période plutôt brève car les écoles supérieures sont fermées peu après l'invasion du pays par les troupes allemandes. J. Patocka n'a d'autre solution que d'enseigner au lycée. Après la libération, le philosophe redonne des conférences à la faculté des lettres à Prague et plus tard à l'Ecole normale d'instituteurs à Brno. Le régime communiste empêche le professeur de poursuivre son activité. Il occupe différents postes à l'université, à l'Institut de T. G. Masaryk et à l'Institut pédagogique de J. A. Komensky : surtout la recherche et l'édition.

Les années soixante amènent une certaine libéralisation politique illusoire. Le professeur J. Patocka exerce ses activités à l'Institut philosophique de l'Académie tchécoslovaque des Sciences sans entraves et soutient un doctorat ès science, avec une thèse axée sur Aristote. Il revient donner des conférences à la Faculté des lettres de l'Université Charles à Prague et dans de nombreuses universités européennes. En août1968, les troupes soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie. Un drame se joue sur la scène politique assombrie du pays ; le rideau de fer se renforce. Les conséquences retombent en premier sur les artistes, les scientifiques et les intellectuels qui ne partagent pas les opinions politiques du régime totalitaire de normalisation. Evidemment, le professeur J. Patocka fait partie du groupe. Philosophe mûr, au point culminant de ses forces créatives psychiques, il donne des conférences clandestines dans des appartements privés à Prague et à Brno, conférences passées dans la mémoire des Tchèques comme étant l'Université ambulante de J. Patocka. Les Essais hérétiques sur la philosophie de l'histoire, son écrit le plus original, sont publiés en 1975.

Le grand philosophe effleure le monde de la politique lorsque Vaclav Havel lui demande de soutenir la pétition du groupe persécuté Plastic People of the Universe. En 1977, le professeur est avec Vaclav Havel et Vaclav Hajek, ex-ministre des affaires étrangères co-auteur et porte-parole de la Charte 77.

La rencontre de J. Patocka avec le ministre des affaires étrangères des Pays Bas, en mars de la même année, présente le premier contact d'un représentant de la diplomatie occidentale avec un dissident politique. Après cette entrevue, tout à fait innocente et uniquement à caractère diplomatique, le professeur Jan Patocka, âgé alors de soixante-dix ans, est soumis à un interrogatoire ininterrompu de plusieurs heures. Il ne résiste pas aux méthodes drastiques de la STB et succombe le 13 mars 1977.

Sonne le glas ! Les agents de la police secrète assistent aux obsèques pour prendre des photos et les noms des personnes présentes. Un hélicoptère survole le cimetière… ! L'objectif étant de perturber les paroles du prêtre par le bruit infernal du moteur. Leurs bribes s'envolent, emportées par le vent. Peu importe, car la philosophie du professeur Jan Patocka ne pourra jamais être effacée des cerveaux de deux générations de ses disciples et des générations futures.