Jean-Louis Trintignant : « Je suis un meilleur acteur de théâtre parce que je ne me vois pas »

Jean-Louis Trintignant, photo: CTK

Jean-Louis Trintignant est un monsieur discret. Et à 78 ans, on dirait qu’il a encore une légère timidité, celle-là même qui lui a fait embrasser le métier de comédien... Il est à Prague dans le cadre de la Semaine du théâtre français, pour présenter les films qui l’ont rendu célèbre, et pour lire, mercredi, des poèmes de Jacques Prévert.

Jean-Louis Trintignant,  photo: CTK
Jean-Louis Trintignant a quitté depuis de nombreuses années les feux de la rampe pour les planches du théâtre, la vie parisienne pour le Sud de la France où il cultive une vigne qu’il a rachetée. Fuyant la pompe et les honneurs du 7e art, il explique son changement de parcours :

« J’étais un acteur de cinéma, je suis devenu un acteur de théâtre. Depuis 15 ans, je ne fais plus que du théâtre, avec beaucoup de bonheur. J’aimerais recommencer à faire du cinéma mais je lis des scénarii et ça ne m’intéresse pas. Je crois que je suis un meilleur acteur de théâtre parce que je ne me vois pas. Au cinéma on se voit. Les films que j’ai préférés, c’est Le conformiste, un film italien de Bernardo Bertolucci, Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer. Un homme et une femme, j’ai beaucoup aimé aussi. Mais je parle plus volontiers de théâtre que de cinéma. Le cinéma est peut-être une forme d’art plus internationale que le théâtre... C’est dommage. »

Les Lettres à Lou de Guillaume Appolinaire, le journal de Jules Renard, Hamlet de Shakespeare... Jean-Louis Trintignant prête donc aujourd’hui sa voix et son interprétation de façon choisie. Il a ainsi répondu présent à la demande de l’Institut français de Prague de lire des poèmes de Jacques Prévert, un auteur qu’il affectionne tout particulièrement...

« La poésie est la forme littéraire que j’aime le plus. Et surtout, je ne crois pas à la poésie étrangère, je ne crois pas qu’elle puisse être traduite. C’est une écriture trop précise pour être traduite, je n’aime que les poètes français. Enfin, j’en connais d’autre, mais j’aime surtout les poètes français, Rimbaud, Baudelaire. Alors pourquoi Prévert ? J’aime beaucoup Prévert, c’est lui qui m’a vraiment amené à la poésie. Je ne pense pas que ce soit le plus grand poète français, mais grâce à Prévert j’ai découvert les autres. Je l’ai relu il n’y a pas longtemps. J’ai été très étonné, j’ai trouvé que c’était même mieux que je ne le pensais. Cela dit, c’est un peu choquant et j’ai eu un problème avec l’idée de dire ici Prévert. Car Prévert c’est un anarchiste, très violent, très virulent, très révolutionnaire. Je me suis dit que c’était quand même délicat parce que Prévert a vécu comme un bourgeois et venir dire des textes comme cela, à vous, Tchèques, qui avez vécu plus difficilement ces idées... Il y a un problème politique qui me préoccupe beaucoup. »

Ecouter Prévert, c’est l’occasion de redécouvrir un auteur aux images étonnantes, à l’humour grinçant, parfois noir, friant des jeux de langage. Un amoureux des mots en somme. Des mots simples finalement, mais avec lesquels il jonglait pour en révéler la richesse poétique. Les poèmes lus à Prague et choisis par Jean-Louis Trintignant étaient issus du recueil Paroles. Sorti en 1946, il a connu un succès instantané. Un hommage commercial unique en son genre dans un monde où la poésie fait peu vendre... Et la lecture de Jean-Louis Trintignant a eu le mérite de rappeler qu’on a plus que jamais besoin des poètes.