Jeux paralympiques : Jiří Ježek, le Pistorius du cyclisme
Quarante-six sportifs tchèques participent aux Jeux paralympiques qui battent actuellement leur plein à Londres, soit neuf de moins qu’à Pékin il y a quatre ans. Parmi eux figure néanmoins toujours celui qui est incontestablement le plus célèbre athlète du handisport tchèque : le cycliste Jiří Ježek. Quintuple champion paralympique depuis le début de sa carrière, le coureur unijambiste de 38 ans a rejoint la capitale britannique toujours avec la même envie et des ambitions plein la tête.
« Je suis très content, parce que je ne m’attendais pas du tout à remporter l’or. N’importe quelle médaille m’aurait fait plaisir aujourd’hui, alors l’argent, c’est très bien. Déjà la qualification pour la finale était une satisfaction. Mes adversaires ont peut-être plus faim de victoires que moi. Certains ont déjà été sacrés champions du monde, mais ils n’ont pas encore de médaille des Jeux paralympiques. Concrètement, mon rival Eduard Novák m’a battu aujourd’hui et j’en suis très heureux pour lui, car c’est la première médaille de sa carrière aux Jeux et c’est lui qui a été le plus régulier ces deux dernières saisons. C’est donc un résultat logique et juste. Pour moi, cette deuxième place est ce que je pouvais espérer de mieux. »
Dimanche, Jiří Ježek n’est pas parvenu à monter sur un deuxième podium à ces Jeux 2012, cette fois dans l’épreuve de sprint par équipes. Avec ses coéquipiers Ivo Koblasa et Jiří Bouška, Jiří Ježek a terminé quatrième. Et selon son collègue Jiří Bouška, si la République tchèque n’a pas fait mieux et a été battue par les Etats-Unis, c’est entre autres parce que le sprint de l’équipe américaine a été lancé par une femme, ce que les nouvelles règles autorisent :« Elle prend de très bons départs, elle est très rapide et de cette vitesse au départ dépend en grande partie la suite de la course. Mais, si je me tiens aux sensations que j’avais sur la piste, je dois aussi reconnaître que nous étions sans doute un peu fatigués après la succession des courses toute la journée. Il nous a manqué un peu de jus et les Américains étaient tout simplement meilleurs que nous. »
En cas de nouvelle médaille à Londres, qui serait la onzième de sa carrière, Jiří Ježek deviendrait ni plus ni moins le nouveau recordman du nombre de médailles obtenues en cyclisme aux Jeux paralympiques. Une éventualité fort probable qui, pour l’heure, ne l’émeut cependant pas plus que ça :
« Je n’y pense pas. Ce qui m’intéresse d’abord, c’est de faire les meilleurs résultats possibles. C’est pour ça que je suis ici. Je suis soutenu par de nombreux supporters et c’est pour eux que je cours et veux gagner. Je savais que ce serait difficile de monter sur le podium du sprint par équipes et notre quatrième place en est la confirmation. Mais sur le contre-la-montre, j’ai les moyens de lutter au moins pour la médaille de bronze. C’est désormais mon principal objectif. Mais si je termine sans médaille, ce ne sera pas bien grave. Je pense que j’en ai déjà fait pas mal pour le cyclisme handicapé. Peu importe si je suis le recordman de mon époque. Ce qui compte, c’est surtout de faire plaisir à tous ceux qui me soutiennent. »
En 2008 à Pékin, Jiří Ježek avait participé à toutes les épreuves cyclistes inscrites au programme des Jeux, tant sur piste que sur route. Cette polyvalence est d’ailleurs une des caractéristiques du coureur tchèque, qui a entamé sa carrière en 1994. Mais une polyvalence qui n’est finalement pas si étonnante lorsque l’on se rappelle que la République tchèque, avec notamment Roman Kreuziger sur route, Zdeněk Štybar en cyclo-cross et Jaroslav Kulhavý en VTT, possède plusieurs coureurs appartenant à ce qui se fait de mieux actuellement au monde. Selon Jiří Ježek, la République tchèque, au-delà même des résultats au plus haut niveau, a d’ailleurs toujours été un pays de cyclisme :
« Je pense que le cyclisme possède une grande tradition dans notre pays. Pour le cyclo-cross, par exemple, bien sûr il y a eu les nombreux succès et les titres de champion du monde de Zdeněk Štybar ces dernières saisons, mais c’est une discipline qui a toujours été très suivie chez nous, comme en Belgique ou aux Pays-Bas. Nous avons eu aussi d’excellents coureurs sur route ou sur la piste, avec des champions du monde et des champions olympiques. Il y avait la Course de la Paix, qui autrefois était un peu le Tour de France de l’Europe de l’Est. La Tchécoslovaquie a été un des pays fondateurs de l’Union cycliste internationale…""Nous avons certes connu un trou il y a une dizaine d’années de cela, mais aujourd’hui, nous appartenons de nouveau à l’élite mondiale. Economiquement, nous ne sommes pas les plus forts, et les conditions d’ensemble pour les cyclistes amateurs sur les routes tchèques ne sont certainement pas aussi bonnes que celles d’un pays comme la France. Mais nous avons toujours l’expérience du haut niveau, nous avons de très bons entraîneurs. Je continue de voir de jeunes talents percer et, bien entendu, chaque titre de champion du monde ou olympique comme récemment celui de Jaroslav Kulhavý en VTT à Londres amène de nouveaux jeunes à s’intéresser au cyclisme. »
Même s’il le fait désormais un peu moins, Jiří Ježek, un des rares sportifs handicapés tchèques professionnels, a lui-même pendant longtemps participé à des courses du peloton professionnel composé de non handicapés. Il explique pourquoi :
« Au début, c’était une forte motivation pour moi. Lorsque je suis devenu le meilleur du peloton paralympique, je me suis demandé ce que je pourrais faire de plus. Et, logiquement, j’ai voulu courir avec les non handicapés. J’ai été un des premiers coureurs handicapés à franchir le pas, et même si je n’avais rien à prouver à personne, c’était une grande motivation. Surtout qu’il n’y avait pas alors autant de courses pour les handicapés. Aujourd’hui, le niveau de compétition dans le peloton paralympique est beaucoup plus relevé et cela me suffit amplement. Je ne participe plus qu’à quelques courses avec les non handicapés, et si je le fais, c’est essentiellement pour promouvoir le sport paralympique. Si moi, handicapé, je suis capable de participer à une course sur laquelle figurent aussi des vainqueurs du Tour de France ou des champions du monde, cela démontre le niveau du sport paralympique, même si je n’ai aucune chance de gagner. Cela prouve qu’un sportif handicapé peut courir avec les meilleurs cyclistes professionnels au monde. »
Malgré son âge avancé et des performances quelque peu sur la pente descendante, Jiří Ježek, sur lequel a été publié un livre intitulé « Frajer » en 2008, ne songe pas encore à la fin de sa carrière :
« Non, non. Je n’y pense pas. C’est vrai, j’ai 38 ans, mais je me sens encore capable de courir pendant quelques saisons encore. Et puis dans le sport paralympique, l’âge ne joue pas un rôle si important. Si vous avez la volonté et un corps dans un bon état, vous pouvez encore continuer après la quarantaine. Je n’ai absolument pas l’intention de m’arrêter. Je veux encore me consacrer quelques saisons au sport avec l’ambition d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Et quand l’heure sera venue de m’arrêter, eh bien je m’arrêterai. »
Et Jiří Ježek, qui a participé l’année dernière au semi-marathon de Prague de course à pied, pourra alors se lancer dans la réalisation d’un autre de ses rêves sportifs : boucler un Ironman, le plus long format du triathlon (3,8 km de natation, 180 km de cyclisme puis un marathon, 42,195 km, de course à pied).