Karel Zeman : le centenaire du magicien du cinéma tchèque

Photo: CTK

Plus de 500 films, dont 33 longs métrages, figurent au programme du festival du film d’animation AniFest qui se tient ces jours-ci à Teplice, en Bohème du Nord. Mais le festival permet aussi au public de voir une grande rétrospective du réalisateur Karel Zeman présentée à l’occasion du centenaire de la naissance de ce magicien du cinéma tchèque.

Karel Zeman,  photo: CTK
Il est peu connu que Karel Zeman a passé une partie de sa jeunesse en France. Dans les années 1920 il fait ses études dans une école de publicité française avant d’être embauché dans un studio de publicité de Marseille où il travaillera jusqu’en 1936. C’est à son retour en Tchécoslovaquie qu’il réalise ses premiers films d’animation et qu’il devient célèbre grâce à Monsieur Prokouk, héros de ses courts métrages humoristiques, un pantin au gros nez qui incarne le citoyen ordinaire aux prises avec les problèmes de la vie quotidienne. Cependant Karel Zeman ne s’arrête pas là et poursuit sa recherche de nouveaux moyens d’expression. C’est dans les années cinquante et soixante qu’il parvient à l’apogée de son art. Parmi ses collaborateurs dans les studios de cinéma de Zlín figure aussi sa fille Ludmila, plasticienne et animatrice. Elle se souvient de cette période inoubliable :

Ludmila Zemanová,  photo: CTK
« Cela m’a laissé une grande impression parce que chaque film était réalisé dans un style différent. Et moi, en tant que plasticienne, j’étais heureuse d’être chargée de chercher ce style. Je devais étudier beaucoup de matériel avant de saisir les aspects importants pour l’époque dans laquelle le film était situé. Et ce travail avait beaucoup d’attrait pour moi. »

L'affiche du film "L' Invention diabolique",  photo: CTK
En 1955 Karel Zeman achève « Voyage dans la préhistoire », sa première œuvre combinant le film d’acteur avec les techniques d’animation. Ce voyage dans le temps de plusieurs jeunes garçons qui se retrouvent dans une nature exubérante et parmi des animaux préhistoriques monstrueux constitue une révolution dans le monde du cinéma. En réalisant ce film Karel Zeman est déjà inspiré de Jules Verne, et ces inspirations seront décisives aussi pour la suite de sa filmographie et notamment pour son chef-d’œuvre intitulé « L’Invention diabolique ». Avec beaucoup d’ingéniosité et d’astuce Karel Zeman y fait revivre les gravures célèbres qui accompagnent « Les Voyages extraordinaires » de Jules Verne et réussit à réaliser un spectacle plein de suspense et de poésie. Il utilisera le même procédé pour ses succès suivants intitulés « Sur la comète » et « Le dirigeable volé ». Et finalement les gravures de Gustave Doré lui permettront de créer un film irrésistible sur les aventures du baron de Münchhausen.

Photo: CTK
Le festival AniFest présente une rétrospective de l’ensemble de l’œuvre de Karel Zeman, et le public peut en plus y voir un documentaire intitulé « La fantaisie s’appelle Zeman », œuvre commune de Ludmila Zemanová et Linda Zemanová, fille et petite-fille du réalisateur. A l’occasion du centenaire de sa naissance, l’historien du cinéma Pavel Tausig a préparé une exposition itinérante sur la vie et l’œuvre du magicien du cinéma tchèque, exposition qui a déjà été présentée dans plusieurs villes. Pavel Tausig rappelle l’accueil réservé à l’exposition à New York :

'Voyage dans la préhistoire'
« Bien sûr, les habitants de New York et les Américains ont été impressionnés par cette exposition parce qu’ils ne se doutaient pas que, en Europe centrale, il y a eu quelqu’un qui, encore avant Spielberg et les grandes productions hollywoodiennes, a su envoyer son héros sur la Lune, a su envoyer de petits garçons dans la préhistoire. C’était donc un petit piège, et le public américain s’y est laissé prendre. »

Pendant longtemps encore l’œuvre de Karel Zeman sera aimée par les enfants et les adultes et rappellera aux cinéastes que pour faire un bon film il n’est pas nécessaire d’avoir de grands moyens financiers mais surtout beaucoup de talent et de fantaisie.