La leçon des arbres

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« Je n’aurais jamais cru pouvoir écrire un jour des contes de fées, dit Lenka Nickova, auteur du recueil de contes pour enfants et adultes intitulé «Histoires des Arbres» paru aux éditions Mlada fronta. Ses récits dans lesquels Lenka Nickova cherche à plonger sous l’apparence des choses, racontent comment les arbres entrent dans la vie des hommes et vice versa comment les hommes prennent part à la vie secrète des arbres. Dans le recueil paru aux Editions Mlada fronta il y a des dessins d’Adriana Skalova qui visualisent et développent le propos de la narratrice sans alourdir sa fantaisie de contours trop concrets.

Le livre « Histoire des arbres » est un aboutissement d’une longue amitié et d’une collaboration privilégiée. On peut dire que les arbres ont apporté un changement important non seulement dans les vies des personnages du livre mais aussi dans les vies de Lenka Nickova et de son amie Adriana. Lenka se souvient :

« Il y a deux ans, j’ai reçu un coup de téléphone de ma bonne amie Adriana Skalova qui m’a dit qu’elle allait faire des illustrations pour un livre sur les arbres. Je lui ai dit que c’était formidable et lui ai demandé le nom de l’auteur de ce livre. Et Adriana m’a répondu : ‘Ce sera toi.’ »

D’abord prise au dépourvu, Lenka Nickova se fait peu à peu à l’idée d’Adriana et finit par relever le défi. Elle sait que ce ne sera pas facile. Jusque-là elle ne faisait que des traductions et de petits poèmes et sa création littéraire restait donc plutôt à un stade embryonnaire. Pourtant elle se lance dans ce projet et bientôt se découvre le talent de narratrice. Depuis des années, elle s’adonne à l’homéopathie, cette méthode délicate et subtile qui cherche à combattre la maladie par l’agent qui la provoque et à mobiliser les réserves de santé dans l’organisme du malade. Elle se rend compte qu’elle peut utiliser ses connaissances d’homéopathe dans son travail littéraire. Quelque temps avant la proposition d’Adriana, elle a participé avec un groupe d’homéopathes à un cours d’été au cours duquel elle a étudié les remèdes homéopathiques basés sur les essences d’arbres. Ces connaissances revêtent pour elle une utilité inattendue :

« Quand l’homéopathe étudie un remède, il analyse ses aspects cliniques, c’est à dire toutes ses facultés curatives, mais en même temps toutes les réalités, toute la mythologie, les significations symboliques des matériaux qu’il utilise, parce que tout cela peut prendre une certaine importance pour la guérison du malade. Au moment où Adriana m’a proposé de faire ce livre, j’avais déjà beaucoup lu sur les arbres et tout à coup j’ai eu l’occasion de saisir tout cela d’une façon différente, de donner à ces connaissances une forme littéraire. Une occasion d’insuffler à ces textes littéraires l’âme, l’essence du remède, donner au texte les facultés curatives. Et je me disais qu’il serait merveilleux si je réussissais à aider quelqu’un rien que par mes histoires sur les arbres… »


L’arbre pour Lenka Nickova n’est pas une simple espèce du monde végétal mais un être ayant une âme et une vie que les yeux des simples gens n’arrivent pas à saisir mais qui n’échappe pas aux sages. Souvent les arbres jouent un rôle décisif dans l’existence des personnages de ces contes. C’est grâce à la force des arbres qu’ils sont capables de trouver une issue aux situations désespérées, c’est grâce à eux qu’ils retrouvent la santé physique et la paix de l’âme.

Une mère malheureuse retrouve l’amour de ses fils, une reine stérile finit par avoir un enfant, des amoureux qui luttent contre le mauvais sort, parviennent à être heureux, un homme qui sait écouter la leçon des arbres devient finalement un sage dont les bienfaits profitent à toute la région. Le conte de fée, la légende, la botanique et l’homéopathie coexistent dans le livre en bonne entente et lui donnent son caractère original. Adriana Skalova a pris un grand plaisir en créant les illustrations pour cet ouvrage :

« Ce que j’apprécie énormément et ce qui m’enchante dans ce livre, c’est le fait que ce soit un recueil des contes indépendants les uns des autres mais qui sont rattachés par un lien. Comme s’il y avait un fil rouge, une histoire qui se déroule. Comme s’il y avait toujours une petite porte qui s’ouvre nous faisant entrevoir un bout de mystère. Et dans le conte suivant nous apprenons encore quelque chose de plus. Et ainsi de suite. Nous avons donc toujours une raison de nous réjouir à l’idée de parvenir à une nouvelle révélation et jusqu’au douzième et dernier conte nous ne savons pas sur quoi tout cela va déboucher, quel sera le dénouement. Il s’agit donc de contes indépendants réunis qui forment quand même un ensemble, une histoire. J’y ai travaillé avec un grand plaisir. »

Adriana Skalova a déployé toute une alchimie de techniques picturales et de couleurs pour saisir le caractère lyrique de ces contes empreints de magie et de mystère. Parmi tous les dessins qu’elle a créés, il y a cependant un qui revêt pour elle une importance spéciale :

« Il y a un dessin dans cette collection que j’ai gardé et que je vais garder pour toujours. Il s’agit d’une illustration pour le conte « Le tremble » et c’est un portrait de deux sœurs. C’est en rapport aussi avec la dédicace de ce livre que nous avons dédié, Lenka et moi, à sa soeur qui était ma meilleure amie pendant mes études. C’est elle qui est évoquée dans cette histoire, elle et son destin tragique. Je crois qu’il était très, très important que Lenka écrive ce livre, et que je l’illustre. »

Le livre « Histoires des Arbres » et les dessins originaux créés par Adriana Skalova ont été présentés pour la première fois au public dans la galerie Afinita à Prague. La galeriste Katerina Parikova a été bien contente de pouvoir montrer cette collection unique au public pragois :

« Au fil de la lecture, quand on parcourt les différentes histoires, on retrouve dans les illustrations ce qu’on pourrait imaginer en les lisant sans regarder les images. Le jour du vernissage, Lenka a lu au public un de ses contes et pendant la lecture tout le monde s’est tu. Il y avait énormément de monde dans la galerie et ils ont tous écouté avec beaucoup d’attention. Et à ce moment-là je me suis dit : ‘Je retrouve vraiment les Tchèques qui aiment les contes, qui aiment écouter des histoires.’ C’était vraiment un moment magique. Je retrouve dans les réactions des gens quelque chose qui est bien d’ici, quelque chose qui fait partie des traditions et qu’on aime bien. »