La magie de l'opéra baroque
Un des sommets du festival international de musique de Cesky Krumlov a été sans doute l'opéra « La Contesa de Numi - Querelle des dieux » d'Antonio Caldara. Le spectacle a été donné dans le célèbre théâtre baroque du château de Cesky Krumlov miraculeusement conservé depuis trois siècles.
La salle du théâtre mais aussi la scène, les décors, la machinerie, les costumes et d'innombrables documents écrits qui datent du XVIIe siècle font de ce théâtre un monument unique dans le monde. Seul le théâtre de Drottningholm en Suède peut lui être comparé. C'est dans ce cadre merveilleux que l'ensemble pragois Collegium Marianum a présenté l'opéra écrit en 1723 par le compositeur napolitain Antonio Caldara pour le couronnement de l'empereur autrichien Charles VI comme roi de Bohême. Le livret du poète G. Prescimonio utilise la mythologie antique pour une apologie de la maison des Habsbourg. C'est la musique de Caldara, riche, mélodieuse et ornée, qui est la qualité principale de l'oeuvre.
Au festival de Cesky Krumlov, le metteur en scène Laurent Charoy s'est laissé inspirer par ce théâtre unique et a largement utilisé ses possibilités, notamment ses décors et sa machinerie. Il a également appris aux chanteurs la gestique, partie intégrante de l'art dramatique baroque. Et la magie des lieux a couronné le travail des artistes. Jana Semeradova, directrice musicale de l'ensemble Collegium Marianum, résume ses impressions :
« C'est un endroit tout a fait exceptionnel. Tous ceux qui ont visité ce théâtre, des gens venus du monde entier, le confirment. Et quand un musicien peut y présenter un opéra, il se rend d'autant plus compte des possibilités que ce théâtre nous donne. Quand vous entrez dans ce théâtre et commencez à y jouer, vous avez l'impression de vous retrouver dans un autre monde. C'est un conte de fée, une « science-fiction » baroque. Quand vous voyez les changements de décors effectués par la machinerie d'époque, les costumes et le maquillage baroques des chanteurs, tout semble transfiguré, tout semble flotter au-dessus de la réalité. »
A l'époque d'Antonio Caldara, le théâtre de Krumlov était déjà renommé. Jana Semeradova rappelle que le compositeur a conçu plus tard un autre opéra directement pour cette scène :
« La première d'un opéra d'Antonio Caldara devait y être présentée. C'était une oeuvre écrite à l'occasion d'un anniversaire impérial et le compositeur l'a créée dix plus tard, en 1731. L'empereur autrichien Charles VI a choisi Cesky Krumlov pour y célébrer son anniversaire. Le fameux architecte de la Cour impériale, Galli Bibiena, envisageait de créer de splendides décors, mais finalement le spectacle n'a pas eu lieu. Lors d'une chasse, l'empereur en tirant sur un cerf, a mortellement blessé le seigneur du château Adam Frantisek de Schwarzenberg, et il fallait tenir le deuil. »
« La Contesa de Numi » n'a pu être représentée au festival de Cesky Krumlov que quatre fois. Le célèbre théâtre est trop fragile pour supporter plus de spectacles. On espère timidement qu'une production semblable pourra se faire aussi l'année prochaine.